Motilium : pourquoi le médicament anti-nauséeux suscite-t-il l'inquiétude ?
La dompéridone aurait causé plus de 200 morts subites cardiaques en 2012. La revue Prescrire réclame, une fois de plus, qu’il soit définitivement retiré du marché.
La dompéridone, c’est ce médicament commercialisé depuis les années 80, entre autre sous le nom de Motilium. Un médicament très prescrit pour apaiser les nausées et les vomissements, aussi bien dans le cadre de maladies sévères que de petits problèmes digestifs du quotidien.
231 morts subites cardiaques seraient imputables à la dompéridone chaque année en France. C’est la conclusion d’une étude publiée dans Pharmacoepidemioly and Drug Safety et relayée par la revue indépendante Prescrire. Alors que ce médicament est toujours en vente en pharmacie et remboursé, celle-ci estime que "les patients ont intérêt à être informés des dangers de la dompéridone et des médicaments voisins." Les médicaments tels que la métopimazine (Vogalène) et le métoclopramide (Primpéran), voisins de la dompéridone sont dangereux aussi, est-il précisé.
Une estimation revue à la hausse. Ce n’est pas la première fois que Prescrire pointe les risques potentiels de la dompéridone. En février 2014, le risque de mort subite était déjà évoqué alors que la revue publiait une "liste noire des médicaments plus dangereux qu’utiles". Peu de temps après, elle revenait à la charge, chiffres à l’appui. En croisant d’un côté les données de remboursement de l’Assurance maladie et de l’autre, des données sur l’augmentation du risque de mort subite cardiaque en France et dans d’autres pays, Prescrire estimait que le médicament avait causé entre 43 et 189 décès en 2012, pour environ 3 millions de personnes exposées en France. Un peu plus d'un an après, l’estimation est donc revue à la hausse par le biais d’une étude signée en particulier par l’épidémiologiste Catherine Hill ((Institut Gustave-Roussy, Villejuif), estimant à 231 le nombre de morts subites liées à la dompéridone en France en 2012.
Les risques sont connus depuis 2011 par les autorités de santé. Et pourtant, en avril 2015, "la dompéridone est encore en vente et remboursable en France", s’étonne Prescrire. Du côté des autorités de santé française, a-t-on pris suffisamment de précaution ? "Les risques cardiaques ont été identifiés en 2011, ils sont donc connus depuis longtemps. Par ailleurs, le médicament fait l’objet d’une surveillance. Il a été réévalué au niveau européen et a conduit la France à prendre des mesures pour minimiser les risques en septembre dernier", nous explique-t-on à l’Agence du médicament.
De fait, les autorités de santé européennes ont lancé une réévaluation de la balance bénéfice/risque de la molécule en mars 2013. Suite à quoi, l’Agence française du médicament a confirmé en septembre dernier l’utilité de la dompéridone, ainsi que le risque d’effets indésirables cardiaques graves. Pour limiter les risques, elle avait toutefois publié de nouvelles recommandations visant à limiter la durée de prescription et à retirer du marché les molécules les plus fortement dosées (20 mg). Elle précisait par ailleurs de nouvelles contre-indications chez des patients présentant un risque particulièrement élevé : insuffisance hépatique modérée ou sévère, affections qui allongent ou pourraient modifier la conduction cardiaque, affections cardiaques sous-jacentes, prise concomitante de certains médicaments.
Reste que "les patients sont encore exposés au dosage à 10 mg, le plus couramment utilisé dans les nausées-vomissements", souligne encore Prescrie, qui ne souhaite qu’une chose : le retrait total du marché de l’anti-nauséeux. En attendant, par prudence, mieux vaut éviter l'automédication et bien respecter les durées de prescription.