Faut-il tout pardonner à ses parents ?
"Le pardon est moins une faveur que l'on fait à l'autre qu'un choix personnel pour se libérer".

Non-dits, rancœurs, frustrations… On a tous quelque chose à reprocher à nos parents. La question de tout leur pardonner ou non est complexe, aussi bien sur le plan personnel qu'éthique. Et pour cause, on leur doit notre venue au monde, notre éducation et nos valeurs. Pour autant, certains comportements, certains mots ne peuvent être cautionnés ni oubliés.
Pardonner ne signifie pas tout accepter, il y a des comportements qui sont objectivement nocifs et qui ne doivent pas être tolérés, qu'ils viennent de nos parents ou de n'importe qui d'autre. "Pardonner ne consiste pas à minimiser les actions de nos parents ni à faire comme si elles n'avaient jamais existé, mais au contraire, à reconnaître pleinement leur impact sur soi, à mesurer pleinement leurs conséquences et à ne pas nier leur caractère inacceptable, nuance Daniela Silva Moura, docteure en psychologie et psychopathologie cliniques, auteur de "Mieux je me connais, mieux je me soigne" (Éd. Le Courrier du Livre). Dans ce contexte, le pardon est moins une faveur que l'on fait à l'autre qu'un choix personnel pour se libérer soi-même du poids émotionnel de ses blessures, de ses ressentiments et de ses colères. Dans le même temps, cela va permettre d'affirmer son droit à être respecté et à sa dignité".
Le pardon peut être perçu comme un processus qui ne va pas enlever à l'autre ses responsabilités quant aux comportements qu'il a eus mais qui va nous permettre d'accepter les limites humaines qui le concernent. En l'occurrence, il est essentiel d'admettre que, bien qu'ils aient fait des erreurs, nos parents ont agi en fonction de leurs propres capacités (blessures, conditionnement). "Cette perspective permet de désamorcer la colère ou le ressentiment que l'on peut garder en soi, tout en préservant notre capacité à poser des limites puisque l'on peut décider de comprendre et d'accepter les limites humaines de nos parents, leurs défaillances et leurs maladresses, sans pour autant accepter certains de leurs comportements", argue Daniela Silva Moura.
Le pardon n'est donc pas un acte envers ses parents mais surtout envers soi
La relation parent-enfant revêt une dimension particulière compte tenu de l'héritage que l'on partage avec nos parents, qu'il soit biologique, moral psychologique, ou expérientiel. Il peut être visible ou invisible, mais il parle de nous-même. Par conséquent, lorsque l'on nourrit des ressentiments ou de la haine envers nos parents, cela peut indirectement s'apparenter à une forme de rejet d'une part de nous-même. "Même si, en tant qu'adulte, on se forge notre propre identité en fonction de nos expériences personnelles, cet héritage parental reste en nous et influence parfois de manière très subtile notre manière de penser, de ressentir, et même d'agir. En choisissant de pardonner à nos parents, on libère notre relation à cet héritage", poursuit notre interlocutrice.
Le pardon n'est donc pas un acte envers ses parents mais surtout envers soi. Un acte qui permet de prendre du recul, d'observer ces dynamiques familiales avec plus de lucidité et de décider en conscience si elles nous conviennent ou si elles méritent d'être modifiées. "Il ne s'agit pas de rejeter des parties que l'on a en soi mais de les transformer ou de les valoriser. On cesse ainsi de rester prisonnier de certains schémas dont on a hérité et que l'on pourrait reproduire involontairement", conclut notre experte.