C'est quoi une phobie d'impulsion ? Origine ?
La phobie d'impulsion se caractérise par des pensées graves, inavouables, obsessionnelles qui envahissent la tête de la personne. A l'extrême, elle peut avoir peur de pousser quelqu'un par une fenêtre ou d'infliger des souffrances à un autre individu ou à soi-même.
Qu'est-ce que la phobie d'impulsion ?
La phobie d'impulsion est aujourd'hui considérée comme appartenant au trouble obsessionnel compulsif (TOC). La phobie d'impulsion se définit par la peur irrationnelle de commettre des actes graves ou illégaux. "Très souvent, il s'agit d'une pensée qui arrive à l'insu du patient et qui peut être à caractère interdit ou socialement interdit. Par exemple, et à l'extrême, la personne peut avoir peur de pousser quelqu'un par une fenêtre ou d'infliger des souffrances à un autre individu ou à soi-même. Parfois, ces pensées sont à caractère sexualisé. D'un côté, le patient souffre d'obsession, qui se caractérise par l'intrusion de pensées récurrentes, et d'un autre, il souffre de compulsion", explique Rosa Caron, psychologue, psychanalyste. Pour Stéphane Rusinek, professeur de psychologie clinique, "le patient s'interdit lui-même d'avoir ces pensées. Lorsqu'elles deviennent quotidiennes ou obsessionnelles, il s'agit alors d'une phobie d'impulsion. Les pensées le perturbent dans son être : elles ne correspondent pas à sa personnalité. Le patient n'accepte pas ces pensées intrusives, car il a peur de passer à l'acte. Par exemple, une personne est en haut d'un immeuble. Elle regarde vers le bas et sa pensée lui dit qu'elle serait capable de sauter. Si cette personne commence à y réfléchir et à s'interroger (pourquoi ai-je pensé ça ? Pourrai-je sauter ?) et qu'elle se décide à ne plus se rendre sur un balcon par peur d'être capable de sauter, alors il est probable qu'elle souffre de phobie d'impulsion".
Quelle est l'origine d'une phobie d'impulsion ?
Selon l'approche analytique, issue de l'enseignement de Freud, les pensées compulsives viennent d'événements qui ont eu un caractère traumatique. "Un événement traumatique l'est pour quelqu'un, alors qu'il peut être acceptable pour d'autres. Il est traumatisant pour celui qui subit le traumatisme, surpris par sa brutalité et son imprévisibilité. Le traumatisme agit comme une effraction dans le psychisme. Il est alors enfoui, puis ressurgit : c'est la théorie de retour du refoulé, détaille Madame Caron. Les effets ressurgissent par bribes, et même si cela paraît très éloigné de l'événement originel, le traumatisme entraîne des idées compulsives qui n'ont rien à voir avec cet événement initial, car il a subi des transformations. En psychothérapie, nous ne recherchons pas toujours la cause de la phobie d'impulsion, car la puissance de l'inconscient ne peut être niée.
"Nous pouvons tous, à un moment donné, avoir des pensées intrusives et interdites"
Or, toute tentative de venir chercher la cause risque d'entraîner une sorte de résistance de l'inconscient pour nous en éloigner encore plus. Chez un patient schizophrène, nous retrouvons des images récurrentes de type hallucination, mais cela n'a rien à voir avec la phobie d'impulsion. Cette dernière dépend du registre névrotique, alors que la schizophrénie est du côté de la psychose : nous ne sommes pas du tout dans la même structure", détaille la psychanalyste. Monsieur Rusinek a une vision plus scientifique des origines de la phobie d'impulsion. "Nous pouvons tous, à un moment donné, avoir des pensées intrusives et interdites, pouvant générer chez n'importe qui une anxiété. Il existerait également des facteurs génétiques et des liens avec nos apprentissages, nos expériences vécues ou la consommation abusive de certaines substances (cocaïne, héroïne, etc.) entraînant des risques plus élevés de développer une phobie d'impulsion".
Comment se manifeste une phobie d'impulsion ?
Les symptômes de la phobie d'impulsion sont essentiellement des pensées récurrentes et obsessionnelles. Ces pensées sont dangereuses et entraînent une peur de perdre le contrôle et de céder à ces impulsions. Ces pensées sont inavouables, car elles sont graves et répréhensibles. Lorsque le patient tente de combattre ces pensées ou est paralysé par la peur de passer à l'acte, il peut souffrir de crises d'angoisse, qui se manifestent par des symptômes physiques (crise de larmes, vertige, bouffées de chaleur, tremblements, etc.). "Lorsque la souffrance et l'angoisse sont trop fortes et empêchent la personne de vivre "normalement", le patient se décide à consulter", indique la psychologue.
Y a-t-il un test pour diagnostiquer la phobie d'impulsion ?
Selon le professeur en psychologie clinique, "il n'existe pas de réel test de diagnostic. Nous classifions les troubles psychiatriques selon des constats cliniques et un entretien comprenant des questions précises correspondant à ces troubles. Il s'agit d'une liste de symptômes, et lorsque le patient en présente un certain nombre, nous pouvons affirmer qu'il est atteint du trouble. Nous prenons en considération les circonstances dans lesquelles apparaissent les symptômes afin de mieux orienter le diagnostic".
Comment traiter la phobie d'impulsion ?
La thérapie de référence est la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Il s'agit de faire cohabiter les types de pensées (pensées interdites et pensées épanouissantes) pour la personne en souffrance, chez qui les pensées obsessionnelles dominent les autres. D'après le psychologue clinicien, cette forme de thérapie est la plus efficace. "La première étape s'appelle la psycho-éducation : nous expliquons ce qu'est la phobie d'impulsion au patient pour le rassurer. Nous lui donnons également une information capitale : pour l'heure, aucune personne atteinte de phobie d'impulsion n'est jamais passée à l'acte. Nous pouvons agir sur la compulsion comportementale en habituant le patient à l'anxiété générée par la pensée. Nous lui apprenons à accepter sa pensée et à mieux la gérer.
"La visualisation sous hypnose est un bon outil pour décaler la pensée et réduire son importance"
La visualisation sous hypnose est un bon outil pour décaler la pensée et réduire son importance, son emprise sur le patient. Ainsi, elle survient de moins en moins souvent et de nouveaux apprentissages se mettent en place au niveau comportemental. Se tourner vers un traitement médicamenteux comme les anxiolytiques est possible, notamment pour diminuer le trouble anxieux, mais la TCC offre souvent de meilleurs résultats", explique Monsieur Rusinek. Pour soigner une phobie d'impulsion, la psychanalyse est aussi un traitement possible. "Il s'agit d'une thérapie par la parole. Nous ne nous intéressons pas forcément directement aux causes, et nous ne travaillons pas directement sur le symptôme, indique Rosa Caron. Cela amène le patient à parler et à dire ce qui lui vient à l'esprit. Progressivement, la psychanalyse transforme son rapport au monde, ce qui aboutit souvent à une dilution du symptôme".
Peut-on en guérir totalement ?
Avec une bonne prise en charge, il est possible de guérir de la phobie d'impulsion. Cela dépend fortement du patient, mais aussi du thérapeute et de la forme de thérapie qui doit être parfaitement adaptée à la situation et aux symptômes du patient.
Merci à Rosa Caron, psychologue, psychanalyste et maîtresse de conférence en psychopathologie clinique à l'Université de Lille (labo PSITEC) et à Stéphane Rusinek, professeur de psychologie clinique à l'université de Lille (labo PSITEC) et Directeur de l'Enseignement de l'AFTCC (Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive).
Source : Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive (AFTCC)