Quelles sont les signes de guérison d'une dépression ?
Sortir d'une dépression prend du temps, généralement plusieurs mois. Combien de temps ? A partir de quand parle-t-on d'une guérison ? Quels signes suggèrent une guérison ? Peut-on ne jamais guérir ?
Pour pouvoir envisager les signes de fin d'une dépression, il est important de déterminer ce que nous entendons par le terme "guérir". Selon les critères de l'Organisation Mondiale de la santé (OMS), guérir c'est un retour à l'état antérieur. Alors, est-ce que lorsque l'on traverse une dépression, un retour est possible ? N'y a-t-il pas des résidus qui persistent, des altérations sur l'entourage et/ou au travail… et qui continuent à "prendre la tête" ? La peur que cela recommence n'est-elle pas trop forte ? Est-ce qu'une dépression peut être réellement se soigner ? Réponses.
En combien de temps peut-on guérir d'une dépression ?
La prise en charge d'un état dépressif majeur, d'une dépression, passe par la mise en place d'un traitement de type antidépresseur. Il faut compter en général 3 semaines pour que ce traitement soit bien posé et pour juger de son efficacité. À partir du 3e mois, on peut considérer que la personne dépressive est sortie de cet état symptomatique. Le traitement sera encore poursuivi entre 3 et 6 mois, et tout cela en parallèle d'une psychothérapie pour consolider cette "guérison". Il existe des nuances entre ces données et le ressenti des patients sur le temps de la guérison. "Quand on interroge les patients, ils n'ont pas la même notion de la guérison : il y a toujours pour eux un " après-dépression" qui reste très ancré dans leur existence et qui fait qu'ils auront besoin de poursuivre la psychothérapie à leur rythme. La relation médecin-patient est donc très importante dans cette guérison", souligne le Dr Chabannes, psychiatre.
Comment savoir si on est guéri d'une dépression ?
Pour savoir si la dépression est dépassée, il est important de déterminer les 9 critères caractéristiques qui définissent cet état dépressif majeur (selon le DSM-IV, il faut 5 de ces critères pour que le diagnostic soit posé) et ainsi d'envisager l'amélioration des symptômes qui permettent d'évoquer une guérison :
- l'humeur dépressive, la tristesse voire une certaine irritabilité, retrouvée plus chez l'homme que chez la femme, et chez l'enfant ou l'adolescent
- la baisse assez brutale de l'intérêt et du plaisir à vivre
- les modifications de l'appétit : perte d'appétit ou gain de poids
- les modifications du sommeil : l'insomnie matinale (à 2 h du matin) qui s'accompagne de pensées noires alors que la personne s'est couchée épuisée ; l'hypersomnie (dormir le jour et la nuit) est moins fréquente mais peut être observée ;
- le ralentissement psycho-moteur : difficultés à réaliser des tâches même habituelles
- la perte d'énergie et la fatigue psychique permanente
- le sentiment de culpabilité et de dévalorisation : "très souvent, ce sentiment reste sous-jacent malgré la guérison, dite médicale, du patient, parce qu'il a le sentiment d'avoir tout bouleversé : vie de famille, vie professionnelle, relations amicales…"
- les troubles cognitifs, difficultés à réfléchir, à se concentrer
- les pensées récurrentes de mort et les idées suicidaires.
"Si ces symptômes s'améliorent, cela veut dire que le patient est devant une pente ascendante, qui peut faire espérer la guérison", insiste le Dr Chabannes. Quand un de ces signes changent, ce sont de très bons indicateurs de l'amélioration de la dépression vers sa guérison :
► L'amélioration du sommeil en dehors de la prescription d'hypnotiques ou de somnifères : "J'arrive aujourd'hui à dormir jusqu'à 6 h du matin…"
► La reprise d'une activité plus tonique : "Je reprends un peu de plaisir à lire ou à regarder un film à la télévision. J'arrive à le faire alors que cela m'était impossible…"
► Un contrat passé entre le médecin et le patient pendant la psychothérapie permettra de différer certaines idées ou pulsions pour permettre petit à petit de retrouver une certaine stabilité.
Peut-on avoir des séquelles après une dépression ?
Des séquelles sont très souvent retrouvées après une dépression.
► Les séquelles d'ordre psychologique :
- la peur que cela recommence,
- l'incertitude sur la raison pour laquelle la dépression est arrivée. "Le sujet est questionnant et envisage la suite, l'après-dépression, pas toujours de manière positive", explique le Dr Chabannes.
► Des séquelles d'ordre affectif qui peuvent être très déstabilisantes :
- regain d'énergie,
- retour du plaisir
- un enthousiasme retrouvé mais partiellement
- une fatigue peut perdurer . "Le sujet se sent bien pour retourner au boulot, pour reprendre sa vie familiale, mais persistent quand même des manques, des imperfections, une certaine forme d'entrain… Un exemple : on part en vacances cet été à Guernesey ? Réponse : oh, tu crois… tu crois... Ainsi ce manque d'enthousiasme peut être une séquelle".
► Des séquelles liées aux altérations générées par la maladie dans l'environnement direct du patient :
- être mal reçu au travail parce que l'on a fait une dépression,
- être guetté par son conjoint pour savoir si le traitement est pris et si la dépression ne récidive pas,
- de ne plus avoir les mêmes rapports d'intimité avec son conjoint…
Comment éviter de rechuter ?
Pour éviter de rechuter, le patient doit être informé sur sa maladie pour pouvoir la surveiller et identifier des symptômes qui pourraient être révélateurs d'un risque : par exemple, les saisons (le printemps et l'automne sont pourvoyeurs d'état dépressif), une consommation abusive d'alcool ou de certains médicaments (cortisone)… Un certain nombre de clés sont transmises au patient pour l'impliquer dans sa guérison et lui permet ainsi de réagir rapidement au cas où. "Il y a des patients que je voyais au départ tous les mois et que je vois aujourd'hui deux fois par an. Ces derniers connaissent très bien leur maladie, leurs symptômes et les effets secondaires de leur médicament… Au fur et à mesure de la psychothérapie, on va pouvoir espacer les consultations".
Peut-on ne jamais guérir d'une dépression ?
30 à 40 % des personnes ayant fait un seul accès dépressif guérissent
"Il faut savoir que seulement 30 à 40 % des personnes ayant fait un seul accès dépressif guérissent. Pour plus de 50 %, il y a des risques de rechute", note le Dr Chabannes. Deux types de guérison de la dépression existent : la guérison définitive et la guérison intercyclique. La guérison intercyclique est un état de guérison entre deux dépressions. L'espace entre deux dépressions diminue entre la 2e et la 3e et diminue encore entre la 3e et 4e. "Plus vous faites d'accès dépressifs, plus le suivant est proche". La dépression est un bouleversement de l'existence qui laisse des traces, qui même digérées peuvent refaire surface. "La médecine ne guérit pas, elle soigne pour maximiser la guérison", conclut le Dr Chabannes.
Merci au Dr Jean-Pierre Chabannes, psychiatre, chargé de cours à la faculté de médecine de Grenoble