Syndrome de Stockholm : c'est quoi, symptômes, s'en sortir
Le syndrome de Stockholm est un mécanisme psychologique qui se traduit par un lien d'attachement voire d'amour d'une victime vis-à-vis de son agresseur. La série "Clark" diffusée sur Netflix en mai 2022 raconte l'origine du nom donné à ce syndrome en 1973. Comment le reconnaître ? L'expliquer ? Dans un couple ? S'en sortir ?
Terme souvent employé dans des faits divers ou décrit dans des films ou encore dans des séries (par exemple la mini-série Clark diffusée sur Netflix le 5 mai 2022 qui raconte la vie d'un des braqueurs du braquage commis en Suède à Stochholm en 1973 et qui a donné son nom au syndrome), le syndrome de Stockholm est un mécanisme psychologique étrange et paradoxal, qui se manifeste par un lien d'attachement entre une victime et son agresseur, tissé lors d'une situation de danger extrême (prise d'otage, agression sexuelle...). Quelle est la définition exacte de ce syndrome ? Quels sont les symptômes ? Comment l'expliquer ? Quelles sont les solutions pour s'en sortir ? Quels sont les exemples célèbres ? Les films ou séries qui en parlent ? Explications d'Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne.
Définition : c'est quoi le syndrome de Stockholm ?
Le syndrome de Stockholm correspond à un contexte très particulier et ne doit pas être utilisé à tort. Il caractérise le processus psychologique dans lequel une victime éprouve de la sympathie voire de l'affection pour son agresseur, qui peut persister au-delà de l'agression. Ce syndrome a été décrit pour la première fois à la suite d'un braquage commis à Stockholm en Suède en 1973 par deux évadés de prison qui ont pris en otage quatre employés de la banque. Après six jours de négociation, les ravisseurs ont libéré leurs otages, mais ces derniers ont refusé de témoigner contre les braqueurs. Ils semblaient avoir développé une sympathie ou une compassion pour leurs ravisseurs. L'une des victimes a pris l'habitude de rendre visite à l'un des ses agresseurs en prison et a même vécu une relation amoureuse avec lui. La mini-série "Clark" diffusée sur Netflix en mai 2022 raconte la vie de l'un des braqueurs qui a réussi à séduire la Suède malgré plusieurs chefs d'accusation pour trafic de drogue, tentative de meurtre, agression, vol, et des dizaines de braquages de banques. "Normalement, on emploie le terme de syndrome de Stockholm lorsqu'il y a un réel danger de mort. Toutefois, par extension, on peut utiliser le syndrome de Stockholm pour décrire une situation de tension et de violence (physique ou morale) qui implique un rapport de dominant/dominé (crime sexuel, prise d'otage, discrimination, maltraitance, négligence, harcèlement, chantage affectif) d'une longue durée et/ou répétitive dans le couple, la famille ou au travail par exemple", indique Aline Nativel Id Hammou.
► Le syndrome de Stockholm est utilisé par les professionnels de santé pour décrire certains comportements dans des situations précises (prise d'otage, kidnapping, agressions, rapports incestueux...), mais ce n'est pas un diagnostic formel. Il n'apparaît pas dans le DSM-5, l'outil de référence international qui répertorie les pathologies de la santé mentale et les troubles du comportement.
Quel est l'inverse du syndrome de Stockholm ?
Le phénomène inverse du syndrome de Stockholm est le syndrome de Lima. Il s'agit d'une processus psychologique où des ravisseurs éprouvent de l'empathie pour leurs otages et développent des relations d'ordre amical ou amoureux avec l'un ou plusieurs d'entre eux. Ce syndrome a été décrit pour la première fois lors d'un fait divers qui s'est déroulé en 1996 dans la ville de Lima au Pérou. Lors de la prise de l'ambassade du Japon, les ravisseurs ont noué des liens avec leurs prisonniers et les ont relâchés un à un, renonçant à les exécuter.
Symptômes : comment se caractérise le syndrome de Stockholm ?
Les femmes en sont plus souvent victimes car elles sont davantage exposées à ce type d'agressions.
Exemples de cas célèbres de syndrome de Stockholm :
Dans les films :
|
Tout le monde peut, dans un contexte de stress intense, extrême et inédit, développer un syndrome de Stockholm. "Les femmes en sont plus souvent victimes car elles sont davantage exposées à ce type d'agressions", précise notre interlocutrice. Le syndrome de Stockholm se caractérise par :
► La création d'un lien d'attachement, d'empathie positive, de compréhension réciproque voire d'amour entre la victime et son agresseur, qui se développe de manière inconsciente et involontaire. "Il s'agit d'une relation exceptionnelle ou extraordinaire au sens propre, ce qui provoque une incompréhension de la part d'autrui, précise notre experte. Ce lien d'attachement est d'autant plus fort qu'il n'y a aucun moyen de s'en extraire, de s'évader ou de s'en sortir sans conséquences graves impactant sa vie psychique et physique. L'agresseur peut être perçu comme en souffrance, voire bienveillant et sincère".
► Un sentiment d'impuissance extrême de la part de la victime, qui provoque une mise de côté de soi pour survivre.
► Une blessure réelle pouvant être activée à n'importe quel moment par l'impulsivité de son agresseur.
► Une dépendance totale mise en place par l'agresseur entraînant une perte d'autonomie de la victime. "L'agresseur est le seul à pouvoir répondre aux besoins primaires de la victime, ce qui provoque de la gratitude d'être encore en vie et une soumission totale", détaille-t-elle.
► Après l'agression : la naissance d'une hostilité de la victime envers les forces de l'ordre. Il est fréquent que la victime se range du côté de son ravisseur et qu'elle refuse de témoigner ou de porter plainte contre lui. "La victime est dans l'incapacité la plus totale de trahir son agresseur et a tendance à minimiser l'agression, voire à justifier ses actes ("au fond, il n'était pas si mauvais", "il m'a plutôt bien traitée", "je le comprends et je sais pourquoi il a agi comme ça"...), soit par loyauté, soit par peur des représailles, soit par peur de perdre le lien d'attachement avec son agresseur", ajoute notre interlocutrice.
► Pas ou très peu de contact avec l'extérieur (et souvent pas assez qualitatif et quantitatif pour avoir un impact positif sur la situation vécue)
Cause : comment expliquer le syndrome de Stockholm ?
Dans une situation extrême, notre pensée psychique peut complètement se réorganiser pour faire face au danger.
Lors d'une situation d'extrême danger, marquée par une forte promiscuité, "peut apparaître chez la victime un mécanisme d'adaptation au profil de l'agresseur qui lui permet de survivre face à ce danger et mieux préserver son intégrité physique et psychologique. Il s'agit d'une stratégie de défense qui aide à réduire son niveau d'anxiété extrême, provoqué par le choc émotionnel, la stupéfaction de la violence de la situation. Il y a aussi un effet miroir, une sorte de mimétisme par lequel la victime va tout faire pour rester en vie même si elle doit adopter un comportement contraire à sa personnalité, à ses valeurs ou à sa philosophie. Autrement dit, dans ce genre de situation extrême, notre pensée psychique peut complètement se réorganiser pour faire face au danger et nous permettre de continuer à vivre, quitte à renoncer à son identité", détaille notre interlocutrice. Malgré les différences de profil entre l'agresseur et sa victime, une identification mutuelle peut se produire. En s'identifiant le plus possible à son agresseur et en étant intimement convaincu(e) qu'il n'est pas capable de "tuer son semblable", notre angoisse de mort est apaisée. Cela peut également faire écho à "l'attirance du contraire", autrement dit, plus l'agresseur paraît inaccessible, plus il a de la valeur et plus il fascine. "Le syndrome de Stockholm est une réaction psychologique qui peut toucher n'importe quel type de personnalité face à une perte de repères totale pouvant entraîner une mort imminente", tient à préciser Aline Nativel Id Hammou.
Syndrome de Stockholm dans le couple : dans quel cas ?
Il ne faut pas abuser de cette dénomination. "Le syndrome de Stockholm est généralement employé lorsqu'il y a un danger de mort et quand la victime et son bourreau ne se connaissent pas. Dans certains cas, on peut l'utiliser pour décrire le comportement d'une victime dans une situation de tension et de violence extrême, qui dure un certain temps ou qui se répète", rétablit notre interlocutrice. Au sein d'un couple, on peut éventuellement parler du syndrome de Stockholm quand il y a une vraie emprise de la part du dominant sur le dominé, ce qui provoque une peur si intense que la victime craint pour sa vie (comportements pervers récurrents, violences verbales et physiques, harcèlement psychologique...)
Comment s'en sortir ou en guérir ?
Se reconstruire après un syndrome de Stockholm est extrêmement long. "Ce temps de reconstruction et de déconditionnement est cependant variable selon le contexte et la durée de la période de violence". Plusieurs étapes sont nécessaires pour se reconstruire :
► Phase de rupture totale du lien. Il faut d'abord rompre tout lien avec son agresseur, au moins au début, pour se libérer de son emprise. La victime peut avoir une envie irrépressible de retourner voir son agresseur, mais ce n'est pas conseillé. Malgré tout, dans certains cas et dans un second temps, il pourra être utile de le rencontrer pour oser lui dire certaines choses et extérioriser ses souffrances pour en faire le deuil.
► Phase de prise de conscience et de désidéalisation. La reconstruction passe par un réveil de la mémoire émotionnelle : il peut être intéressant de voir des photos de son agresseur, de se rendre sur le lieu de l'agression, de participer à des reconstitutions pour amorcer le deuil. "Cela va permettre de reconnaître le caractère très toxique de la relation et de réduire progressivement l'admiration ressentie pour son agresseur", précise notre interlocutrice.
► Phase thérapeutique. Un suivi médico-psycho-social (médecin, psychologue, assistante sociale, intervenant social à domicile, séjour en structure d'hébergement...) est indispensable pour se reconstruire et retrouver une estime de soi. "Très souvent, la victime se sentira idiote, honteuse voire responsable de la situation lors de sa prise de conscience", prévient Aline Nativel Id Hammou. L'accompagnement psychologique peut être complété par un accompagnement somatique (médicaments) "car le corps, lui aussi, a subi la violence (sécrétion très intense de cortisol dans l'organisme)".
► Se faire accompagner au quotidien, par son entourage (famille, amis) qui ne doit ni être dans l'agacement, ni dans le jugement, mais aussi à travers des groupes de paroles ou des ateliers de gestion de la vie quotidienne. Il ne faut pas non plus hésiter à intégrer une association de victimes pour témoigner, lire des ouvrages sur la thématique de l'emprise psychologique ou relationnelle.
► L'écriture thérapeutique. Il peut être aussi bénéfique d'écrire ce que l'on a vécu et ressenti pour se sentir acteur/actrice du processus, extérioriser ses souffrances dues à l'événement traumatique, prendre de la distance et ancrer de nouvelles pensées, plus positives. Concrètement, l'écriture thérapeutique peut se pratiquer de façon individuelle selon un rituel d'écriture propre à chacun ou de manière encadrée, lors d'ateliers d'écriture thérapeutique menés par des psychologues, psychothérapeutes, personnes formées en art-thérapie, des coachs ou écrivains spécialisés en développement personnel ou en psychologie positive...
Merci à Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne.