Isoméride : effets secondaires, résumé du scandale

Isoméride : effets secondaires, résumé du scandale

L'Isoméride (dexfenfluramine) commercialisé par le laboratoire Servier était un médicament coupe-faim indiqué pour traiter l'obésité. Il a été retiré de la vente en 1997 après avoir causé des effets indésirables d'hypertension artérielle pulmonaire et des conséquences cardiaques. Résumé de l'affaire.

L'Isoméride® (dexfenfluramine) produit par le laboratoire Servier est mis sur le marché en France le 15 novembre 1985 (en 1996 sous la marque Redux aux Etats-Unis). C'est un médicament anorexigène (coupe-faim) indiqué en cas d'obésité. Il est retiré de la vente le 15 septembre 1997 à cause de complications d'hypertension artérielle pulmonaire et d'anomalies des valves cardiaques. "7 à 10 millions de Français ont absorbé de l'Isoméride entre 1985 et 1997" estime l'Association d'aide aux victimes de l'Isoméride® et du Mediator® (AVIM). Les premiers signalements sur les effets secondaires du traitement par Isoméride® ont été rapportés dès 1991. Quelles sont les conséquences de la prise d'Isoméride ? Quelles sont les dates clés de l'affaire ? Qu'est-ce qui remplace l'Isoméride ?

Quels sont les effets secondaires de l'Isoméride ?

L'Isoméride® est retiré des marchés français et américain après l'annonce d'effets secondaires graves : des valvulopathies cardiaques et de l'hypertension artérielle pulmonaire provoqués par la dexfenfluramine (principe actif du médicament). L'hypertension artérielle pulmonaire ou HTAP est une maladie rare et grave qui se traduit par une augmentation de la pression au sein des artères pulmonaires, chargées d'amener le sang au poumon pour qu'il y soit chargé en oxygène. Cette maladie se manifeste par un essoufflement à l'effort, parfois accompagnée de signes d'insuffisance cardiaque tel que l'œdème des membres inférieurs. "L'hypertension artérielle pulmonaire dont le risque est multiplié par 3 au bout de 3 mois d'utilisation d'Isoméride® et par 23 après 12 mois d'utilisation" indique l'Association d'Aide aux Victimes de l'Isoméride®. Les valvulopathies regroupent les maladies des valves du coeur. Selon une étude française rendue publique le 10 mars 2006 par l'AFSSAPS (ex-ANSM), l'Isoméride ® provoque des effets secondaires graves jusqu'à cinq ans après l'arrêt du traitement.

Pourquoi le retrait de l'Isoméride a fait scandale ?

En 1991, l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart observe un lien entre l'Isoméride® et la survenue d'hypertension artérielle pulmonaire. En 1993, Mariane Ewalenko, une cardiologue belge, remarque des valvulopathies cardiaques sous traitement par Isoméride®. Elle prévient le laboratoire Servier. "Nous avons signalé les cas à l'Agence belge de pharmacovigilance et je n'ai plus eu de nouvelles. Au total j'ai signalé 14 cas de valvulopathies entre 1993 et 1995" rapporte-t-elle aux auteurs de l'ouvrage Le livre noir du médicament. Un autre médecin belge, le Dr Jean Malak tente de mettre en garde contre les risques de l'Isoméride®, sans succès. En mars 1994, une enquête réalisée par le Pr Lucien Abenhaïm souligne les risques d'hypertension artérielle pulmonaire liés à l'Isoméride®. Pourtant, le médicament arrive sur le marché américain en avril 1996. "Le laboratoire va alors chercher à minimiser l'importance de cette information à la Food and Drug Administration (FDA). Sur les fiches transmises à la FDA, ces pathologies cardiaques seront qualifiées de "non graves" afin de ne pas éveiller l'attention des autorités sanitaires américaines" rapporte le Figaro dans un article paru en juin 2011. Il ne sera retiré des marchés français et américain qu'en 1997, plusieurs années après les premiers signalements de complications d'hypertension artérielle pulmonaire et d'anomalies de valves cardiaques.

Quels points communs entre l'Isoméride et le Mediator ?

La substance active du Mediator® est le benfluorex. Celle de l'Isoméride® est le dexfenfluramine. Les 2 molécules appartiennent à la famille des fenfluramines. A la différence de l'Isoméride, le Mediator® n'est pas positionné sur le marché comme anorexigène mais comme adjuvant au régime chez les diabétiques en surpoids.

Qu'est-ce qui remplace l'Isoméride ?

L'Isoméride® ne peut pas être remplacé en France par un autre médicament. Les autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments anorexigènes ont été suspendues en France à partir de 1999 puis retirées en 2006. Aucun médicament ne peut être prescrit pour maigrir.

Dates clés de l'affaire de l'Isoméride

► 15 novembre 1985. L'Isoméride® est mis sur le marché en France par le laboratoire Servier. Il est indiqué pour lutter contre l'obésité mais il est également utilisé en coupe-faim par des personnes souhaitant perdre du poids.

► 1991 : Les médecins de l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart observent un lien entre l'Isoméride® et la survenue d'hypertension artérielle pulmonaire.

► 1993Mariane Ewalenko, une cardiologue belge, remarque des valvulopathies cardiaques sous traitement par Isoméride®. Elle prévient le laboratoir Servier. "Nous avons signalé les cas à l'Agence belge de pharmacovigilance et je n'ai plus eu de nouvelles. Au total j'ai signalé 14 cas de valvulopathies entre 1993 et 1995" rapporte-t-elle aux auteurs de l'ouvrage Le livre noir du médicament. Un autre médecin belge, le Dr Jean Malak signale également les risques de l'Isoméride®, sans succès.

Dr Malak qui a signalé les effets de l'Isoméride
Dr Malak qui a signalé les effets de l'Isoméride © ERIC DESSONS/JDD/SIPA

► Mars 1994. Le Pr Lucien Abenhaïm, directeur du Centre d'épidémiologie clinique et de recherche en santé publique à l'université McGill de Montréal, publie une étude demandée par les laboratoires Servier dans le National Library of Medicine soulignant les risques d'hypertension artérielle pulmonaire liés à l'Isoméride®

► 10 mai 1995. Le ministère de la Santé publie un arrêté interdisant l'exécution et la délivrance de préparations magistrales à base de dexfenfluramine.

►Avril 1996. L'Isoméride® est lancé aux Etats-Unis sous le nom de Redux par le laboratoire américain American home Products qui en a acheté les droits au laboratoire Servier.

► 29 août 1996. Une étude publiée dans le New England Journal Of Medicine rapporte que "l'utilisation de médicaments anorexiques dont l'Isoméride® était associée à un risque accru d'hypertension pulmonaire primaire".

► Mars 1997. Anna Paulos, une femme âgée de 39 ans porte plainte contre l'Isoméride® pour avoir causé son hypertension artérielle pulmonaire. En décembre 2000, la première chambre civile du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Nanterre déclare le laboratoire Servier coupable, rapporte Les Echos

► 15 septembre 1997. L'Isoméride® est retiré du marché en France et aux Etats-Unis, à cause des complications d'hypertension artérielle pulmonaire et d'anomalies de valves cardiaques.

► 7 juillet 2006. Le TGI de Nanterre condamne le laboratoire Servier à verser 130 500 à la famille d'une victime décédée suite à la prise du traitement Isoméride®. La victime, âgée de 47 ans, mère de famille, était décédée le 31 octobre 1995. Le laboratoire fait appel du jugement mais le 20 janvier 2011, la Cour d'Appel de Versailles condamne le laboratoire Servier en augmentant la somme à verser à la famille à 145 500 euros.

Sources :

- Médicaments coupe-faim et risque d'hypertension pulmonaire primaire, 29 août 1996, New England Journal Of Medicine

- Étude internationale sur l'hypertension pulmonaire primaire, mars 1994, Pr L. Abenhaim, National Library of Medicine