Dostarlimab : médicament miracle contre le cancer rectal ?
Le dostarlimab est un anticorps monoclonal utilisé en immunothérapie. Un essai clinique américain publié en juin 2022 a annoncé la guérison de 12 patients sur 12 atteints d'un cancer rectal ayant reçu ce médicament. Comment agit-il contre le cancer ? Est-il disponible en France ? Découverte.
Le dostarlimab est un anticorps monoclonal utilisé en immunothérapie dans le traitement du cancer de l'endomètre. En juin 2022, les résultats d'un essai clinique américain publié dans le New England Journal of Medecine montre que l'intégralité des patients (au nombre de 12) d'une cohorte, atteints d'un cancer rectal localement avancé sont entrés en rémission, après avoir été soignés avec le dostarlimab. Comment est-ce possible ? Quels sont les effets de ce médicament sur les cellules cancéreuses ? Quels effets secondaires ? Est-il commercialisé en France ? Ce que l'on sait à date.
Définition : c'est quoi le dostarlimab ?
Le dostarlimab est un anticorps monoclonal utilisé en immunothérapie. Il est indiqué en monothérapie pour le traitement des patients adultes atteints d'un cancer de l'endomètre, récidivant ou avancé "qui présente une déficience du système de réparation des mésappariements des bases (dMMR)/une instabilité microsatellitaire élevée (MSI-H), en progression après ou pendant une chimiothérapie à base de platine sans aucune autre option thérapeutique", indique l'Agence européenne des médicaments (EMA).
Quel est le mode d'action du dostarlimab ?
Le dostarlimab est un anticorps monoclonal qui bloque la protéine PD-1, bien connue pour son rôle de modération de la réaction immunitaire, explique la Fondation Arc, sur la recherche contre le cancer. Ces anticorps se fixent sur la PD-1, empêchant la reconnaissance mutuelle entre les lymphocytes et les cellules cancéreuses, permettant ainsi à la cellule immunitaire de n'entendre que les signaux qui la poussent à détruire la cellule cancéreuse.
Quelle efficacité contre le cancer rectal ?
Le cancer du rectum localement avancé serait très sensible au blocage de la protéine PD-1 en monothérapie
Dans l'étude prospective parue le 5 juin 2022 dans le NEJM, le dostarlimab a été administré en monothérapie toutes les 3 semaines pendant 6 mois chez 12 patients atteints d'un adénocarcinome rectal de stade II ou III (cancer du rectum ou cancer rectal), autrement dit localement avancé. Ce traitement devait à la base être suivi d'une chimioradiothérapie et d'une chirurgie standard (les traitements classiques du cancer rectal). Or, après six mois de traitement et de suivi, les 12 patients - soit l'intégralité des participants à l'essai clinique - étaient en rémission et ne présentaient plus aucun signe de tumeur à l'imagerie par résonance magnétique (IRM), à l'endoscopie, au toucher rectal ou à la biopsie. "Au moment de ce rapport, soit deux ans après la phase initiale, aucun patient n'avait reçu de chimioradiothérapie ou subi une intervention chirurgicale, et aucun cas de progression ou de récidive n'avait été rapporté au cours du suivi. Aucun événement indésirable de grade 3 ou plus n'a été signalé. On peut en conclure que le cancer du rectum localement avancé serait très sensible au blocage de la protéine PD-1 en monothérapie", détaillent les auteurs de l'étude. Néanmoins. la cohorte étant très restreinte (seulement 12 participants), les résultats de cette étude semblent limités, même s'ils sont encourageants. Un suivi plus long serait nécessaire pour évaluer la durée de la réponse immunitaire. "Ces recherches ont fourni ce qui pourrait être le premier aperçu d'un traitement révolutionnaire [...] Une telle approche ne peut pas encore supplanter notre approche actuelle de traitement curatif", confirme la Dr Hanna Sanoff, dans un article partagé en complément de l'étude.
Le taux de guérison du cancer rectal (non métastatique) s'améliore depuis des décennies. Le traitement des adénocarcinomes rectaux de stade II et III comprend désormais systématiquement la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. Un tel traitement a entraîné un taux de survie sans maladie à 3 ans pouvant atteindre 77 %. Cette approche thérapeutique est toutefois exténuante et peut entraîner des séquelles importantes à long terme, notamment une neuropathie, une infertilité et un dysfonctionnement intestinal et sexuel, rapporte l'article du NEJM. |
Quels sont les effets secondaires du dostarlimab ?
En fonction de la sévérité de l'effet indésirable, le traitement par dostarlimab devra être suspendu ou définitivement arrêté et un traitement par corticoïdes
Des effets indésirables d'origine immunologique, potentiellement sévères voire fatals, peuvent survenir chez les patients recevant du dostarlimab. Par exemple :
- Pneumopathie inflammatoire d'origine immunologique (environ 1.4% des patients)
- Colite d'origine immunologique (environ 1.6% des patients)
- Hépatite d'origine immunologique (environ 0.2% des patients)
- Hypothyroïdie (environ 7.2% des patients)
- Hyperthyroïdie (environ 1.9% des patients)
- Insuffisance surrénalienne (environ 1.4% des patients)
- Néphrite d'origine immunologique (environ 0.6% des patients)
- Eruption cutanée d'origine immunologique (environ 3% des patients)
- Arthralgie d'origine immunologique (environ 4% des patients)
- Réactions liées à la perfusion (environ 1.4% des patients)
En fonction de la sévérité de l'effet indésirable, le traitement par dostarlimab devra être suspendu ou définitivement arrêté et un traitement par corticoïdes (1 à 2 mg/kg/jour de prednisone ou équivalent) ou tout autre traitement approprié devra être instauré, indique l'Agence européenne du Médicament.
Le médicament existe en France sous le nom de Jemperli.
Le dostarlimab est-il disponible en France ?
Le dostarlimab est commercialisé en France depuis longtemps et administré sous forme de solution à perfuser (perfusion intraveineuse) : Jemperli® (500mg), indiqué en cancérologie. Il s'agit d'un médicament de liste 1, donc soumis à une prescription médicale. Ce traitement doit être initié et supervisé par des médecins spécialistes qualifiés et expérimentés dans le traitement du cancer. En 2021, le traitement a reçu un avis défavorable concernant son remboursement par la Sécurité sociale par la Haute autorité de Santé, justifiant "l'absence de données comparatives robustes permettant d'évaluer l'apport de JEMPERLI (dostarlimab) vis-à-vis des alternatives disponibles notamment la chimiothérapie", "le caractère très préliminaire des données d'efficacité disponibles" et "la toxicité marquée par une incidence des événements indésirables (EI) graves rapportée chez un tiers des patients (34%) et celle des EI de grades ≥ 3 chez près d'un patient sur deux (48,1%)."
Quel est le prix du dostarlimab ?
Un flacon de 500mg/10ml de dostarlimab (Jemperli®) coûterait entre 6 800 et 10 000 euros.
Sources : Etude : PD-1 Blockade in Mismatch Repair–Deficient, Locally Advanced Rectal Cancer, NEJM, 5 juin 2022 / Site de l'Agence européenne des médicaments (EMA) / JEMPERLI 500 mg (dostarlimab), Haute autorité de Santé, avis sur les médicaments, 5 novembre 2021