Quelles sont les conséquences psychologiques d'un confinement ?

Le confinement a été rétabli en France jusqu'au 1er décembre. Anxiété, stress, dépression, peur des autres... Quels peuvent être les effets psychologiques d'un tel isolement ? Comment bien vivre ce reconfinement ? Conseils des psychologues Johanna Rozenblum et Bruno Vibert.

Quelles sont les conséquences psychologiques d'un confinement ?
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[Mis à jour le mercredi 18 novembre à 09h29] A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Les Français sont reconfinés depuis le 30 octobre et jusqu'au 1er décembre prochain. Les Français sont donc contraints de rester chez eux au maximum et d'éviter les déplacements non indispensables pour minimiser les contacts et limiter la propagation de l'épidémie de coronavirus. Isolement, dépression, repli sur soi, ennui, peur du regard des autres, méfiance... Quels peuvent être les impacts psychologiques de ce deuxième confinement ? Comment bien le supporter en plus de la déprime saisonnière ? Eclairage et conseils de nos experts psychologues. 

Quels peuvent être les effets psychologiques du confinement ?

"C'est indéniable et de nombreuses études l'ont prouvé : une période d'isolement comme nous l'avons vécue  et comme nous allons vivre une seconde fois a des effets délétères sur notre psychisme et sur notre moral, pose d'emblée Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris. Des contacts sociaux limités, voire absents lorsqu'on est seul chez soi, entraînent des conséquences somatiques et psychologiques bien réelles : repli sur soi, humeur dépressive, anxiété généralisée, ruminations, réactions d'hostilité...". Par ailleurs, l'interdit et la privation de liberté nous confrontent directement à nos sentiments d'impuissance, à nos peurs et à nos besoins. Être obligé de rester à domicile n'est naturel pour personne. Chaque individu a un besoin fondamental de se sentir libre de faire ce qu'il veut, de sortir s'il en a envie, de prendre l'air comme bon lui semble. Il a également besoin de maintenir des liens sociaux pour conserver un équilibre de bien-être et respecter une homéostasie, phénomène qui correspond à la capacité d'un système à maintenir l'équilibre de son milieu intérieur, quelles que soient les contraintes externes.

Face à un environnement inhabituel, l'esprit rumine et le corps somatise. 

L'isolement ou le confinement à domicile entrave cet équilibre psychique et ce sentiment de liberté. Face à cet environnement inhabituel, l'esprit rumine, le corps somatise et peut réagir au stress par différents maux (troubles du sommeil, douleurs musculaires, perte d'appétit, maux de tête, problèmes digestifs...) "Néanmoins, en l'absence d'antécédents psychologiques et en considérant ce deuxième confinement comme un nouveau "défi" à prendre à bras le corps, il est tout à fait possible de trouver les ressources et de compenser le sentiment de privation de liberté avec des activités et des échanges épanouissants. Pour être clair : chaque être humain a la totale capacité de s'adapter et à surmonter cette épreuve", rassure notre interlocutrice. "Le confinement peut donner l'impression de nous avoir arracher à la vie. Or, il ne faut pas le voir comme une perte de temps mais comme une opportunité de mieux se connaître : ce moment nous apprend chaque jour des choses sur nous, permet de se concentrer sur l'essentiel", insiste de son côté Bruno Vibert, psychothérapeute. 

Personne seule : comment surmonter ce deuxième confinement ? 

"Lorsqu'on passe le confinement seul(e), on rajoute de l'isolement à un isolement déjà présent. Il est donc absolument nécessaire d'entretenir un maximum de contacts avec sa famille, ses amis ou ses collègues de travail pour ne pas accroître le sentiment de solitude, déprimer et altérer son estime de soi", conseille la psychologue. La clef est de parler de ses appréhensions et de ses craintes au maximum. Pour cela, les permanences téléphoniques sont un bon moyen de briser la solitude (par exemple, SOS Amitié). Certains psychologues proposent également des mini-consultations gratuites par téléphone. Par ailleurs, il est déconseillé de passer trop de temps à écouter les informations car en cas de montée de stress, il est plus difficile de se raisonner seul que si l'on est entouré. Concrètement, il faut limiter l'afflux massif d'informations pour éviter les fake-news ou les informations contradictoires et privilégier les échanges téléphoniques ou appels vidéos avec son entourage. Il faut également limiter l'usage des réseaux sociaux qui peuvent encore plus accroître le sentiment de solitude et véhiculer des infos anxiogènes. "Avec le premier confinement, on a pu voir l'émergence de nouvelles addictions comme l'addiction aux écrans. La journée, on télétravaillait sur un ordinateur, et le soir, on regardait des films et des séries, on jouait à des jeux vidéos, on faisait des apéros en visio... On était constamment sur des écrans. Et cette surconsommation a favorisé le manque de recul face à cette situation anxiogène et a pu nous renvoyer face à notre solitude. Ce qui serait bien pur ce deuxième confinement, c'est de se réserver des temps sans écran, par exemple deux heures avant de se coucher, pour favoriser les échanges en famille et les autres activités (lecture, jeux de société, méditation...)", conseille Bruno Vibert. 

Que retenir du premier confinement pour mieux supporter le deuxième ?

Le premier confinement n'a pas été une punition. Il s'agissait d'une décision prise pour le bien commun afin de préserver la santé de tous. En respectant le confinement, vous avez contribué à limiter l'épidémie de coronavirus. "Pour faire face à un virus de cette ampleur, on avait que trois possibilités : les vaccins, les médicaments antiviraux, et la distanciation sociale, c'est-à-dire éloigner les personnes pour que le virus ne puisse pas circuler dans la population. Pour le moment, nous n'avons pas de vaccin contre le Covid-19 ni de médicament antiviral qui fonctionne efficacement contre ce virus. La seule vraie option qu'il nous restait était le confinement et l'éloignement social, c''était notre seule alternative", assurait à Sciences et Avenir Peter Palese, microbiologiste spécialisé dans les virus des voies respiratoires, de l'École Icahn de médecine à l'hôpital Mount Sinai (États-Unis).

Le confinement nous a obligé pendant plusieurs semaines à faire un travail d'acceptation et de lâcher-prise

Ce deuxième confinement est une mesure drastique et radicale, mais nécessaire. Oui, on vit cette année 2020 dans un monde "restreint" pendant plusieurs semaines et notre devoir de citoyen est de l'accepter. On a eu la preuve que cette situation était temporaire et il faut continuer à se dire qu'il y aura indéniablement un retour à la normale dès lors que cette crise sanitaire sera finie. "Cette situation actuelle de "confinement" est totalement inédite en France : elle nous oblige pendant plusieurs semaines à faire un travail d'acceptation et de lâcher-prise, à rester acteur de sa vie, à développer son imagination, à se projeter sur l'après et à apprendre à apprécier ce temps qui nous est certes imposé mais dont on se plaint souvent de manquer", tient à conclure Johanna Rozenblum.

Comment rester psychologiquement motivé en télétravail ?

Pour ce deuxième confinement, de nombreuses personnes sont obligées de télétravailler de chez elles. Mais comment s'organiser, rester concentré et être efficace ? La clé pour nos psychologues : essayer de maintenir un rythme quotidien qui se rapproche autant que possible de notre rythme habituel pour avoir des repères structurants.

  • Se fixer une heure de réveil.
  • S'habiller (on évite de rester en pyjama toute la journée pour éviter ce sentiment d'impassibilité) et échelonner tout au long de la journée les activités quotidiennes avec les enfants : devoirs, musique, activité physique, travaux manuels... "Les temps calmes sont également importants : prenez-les comme des occasions de se poser en famille, de prendre du bon temps avec ceux qui nous sont chers", insiste notre interlocuteur.
  • Ne pas travailler dans son lit et déterminer une zone de travail dans votre logement. Il est ainsi plus facile de séparer son activité professionnelle de ses activités personnelles.
  • Prendre ses repas à heures fixes.
  • Respecter une heure de coucher.
  • S'accorde des moments pour soi. "Pendant plusieurs semaines, les activités hors du domicile ont été mises à l'arrêt. Cela a peut être été mal vécu pour certaines personnes qui n'ont pas pu évacuer leur stress et leurs frustrations. Il est désormais important de s'accorder des moments à soi pour vaquer à ses occupations", conseille Bruno Vibert. 

Merci à Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris et à Bruno Vibert, psychothérapeute.