Ablation de la thyroïde : opération, iode, comment ça se passe ?
La prise en charge d'une pathologie de la thyroïde peut être chirurgicale ou nécessiter un traitement à base d'iode. Quelle méthode privilégier pour retirer la thyroide et pourquoi ? Comment se passe une ablation totale ? Partielle ? Le Docteur Alain Scheimann, endocrinologue, nous dit tout.
La thyroïde est une glande endocrine qui secrète deux hormones : triiodothyronine et tétraiodothyronine (T3 et T4). En cas d'ablation de la glande, ces hormones peuvent être remplacées par la prise quotidienne (le matin à jeun) de thyroxine de synthèse.
Quand se faire opérer de la thyroïde ?
Le docteur Alain Scheimann, endocrinologue, détaille les différents motifs d'opération de la thyroïde :
- Suspicion d'un nodule cancéreux
- Goitre compressif. Au-delà de l'aspect esthétique, le patient peut éprouver une gêne respiratoire ou des difficultés pour déglutir, avaler.
- La chirurgie peut également être envisagée dans le cadre d'une hyperthyroïdie liée à la maladie de Basedow avec laquelle le traitement médicamenteux serait en échec.
En quoi consiste l'opération de la thyroïde ?
L'opération consiste au retrait de tout ou partie de la glande thyroïde. De chaque côté derrière la thyroïde passe un nerf dit "récurrent" qui commande les cordes vocales. Un des buts de l'opération est de protéger ce nerf.
Les techniques chirurgicales
L'ablation de la thyroïde peut être totale ou partielle. Une thyroïdectomie totale consiste en une ablation de l'ensemble de la glande thyroïde. "L'intervention consiste à faire une incision à la base du cou, sous anesthésie générale, afin de retirer la glande thyroïde", explique l'endocrinologue. Les différentes techniques chirurgicales d'ablation partielle de la thyroïde sont la lobectomie ou lobo-isthmectomie ou l'isthmectomie. La lobectomie consiste à enlever un seul lobe de la thyroïde. La lobo-isthmectomie consiste en une ablation d'un lobe et d'une partie de l'isthme. L'isthmectomie consiste en une ablation de l'isthme, tissu en avant de la trachée reliant les 2 lobes. Enfin, le curage ganglionnaire correspond à l'ablation des ganglions situés au voisinage de la thyroïde.
Chirurgie ou iode ?
Le Docteur Scheimman précise qu'en France la prise en charge chirurgicale est privilégiée. Toutefois, si elle est impossible, la thyroïde sera neutralisée avec un traitement à base d'iode radioactif.
Quelles sont les complications de la chirurgie ?
L'acte chirurgical a généralement peu de retentissement sur l'état général, il entraîne peu de douleurs locales (un peu mal à la gorge comme une angine) calmées par les antalgiques. La cicatrisation prend environ 6 mois. Un œdème peut apparaître et persister environ ainsi qu'une sensation d'anesthésie de la zone opérée, symptômes qui disparaissent environ en quelques semaines, parfois un peu plus longtemps pour l'œdème (il peut persister pendant 1 à 3 mois). Ci-dessous, les complications possibles :
• Hématome au cou
Un hématome, provoqué par un saignement peut survenir au niveau de l'intervention, dans la partie occupée par la thyroïde, et ceci dans les quelques heures suivant l'intervention. Cette complication nécessite un traitement urgent avec une nouvelle intervention car il peut comprimer la trachée et provoquer une gêne respiratoire plus ou moins sévère.
• Une paralysie du nerf récurrent
Les 2 nerfs récurrents qui innervent chacun une corde vocale sont situés au contact de la face postérieure de la thyroïde. Un des 2 nerfs peut être atteint d'une paralysie au cours de l'intervention. Dans de très rares situations, les 2 nerfs récurrents peuvent être touchés. Il s'agit souvent d'une situation urgente, pouvant provoquer une asphyxie et nécessiter une trachéotomie. Peuvent apparaître dans ce cas, des difficultés pour avaler des liquides, une modification de la voix et de son intensité ainsi que des troubles respiratoires. Dans la majorité des situations, la paralysie observée reste transitoire et la personne opérée récupère dans les 2 à 3 mois, parfois même avant. Il arrive parfois que ces modifications ne disparaissent qu'au bout de 1 an. Des séances d'orthophonie permettent une amélioration et une récupération plus rapides. Dans de très rares cas, moins de 1% des situations environ, la paralysie reste définitive.
• Une infection locale
Une infection située au niveau de l'intervention peut survenir dans des cas exceptionnels plusieurs jours après l'intervention.
• Une hypoparathyroïdie
Les glandes parathyroïdes, au nombre de 4, sont situées de chaque côté de la glande thyroïde. Une intervention sur la glande thyroïde peut provoquer une anomalie de fonctionnement d'une ou de plusieurs des glandes parathyroïdes à l'origine d'une baisse de la calcémie qui peut se prolonger jusqu'à 2 mois. En effet ces glandes secrètent la parathormone thyroïdienne qui agit sur la régulation du calcium et phosphore dans le sang. Une hypocalcémie peut provoquer des crampes, des fourmillements autour des lèvres et des crises de tétanie. Cette anomalie disparaît le plus souvent spontanément ou nécessite parfois un traitement de vitamine D et/ou de calcium. La persistance définitive d'une hypocalcémie est exceptionnelle.
• Hypothyroïdie post-opératoire
L'arrêt du traitement hormonal substitutif après thyroïdectomie peut entraîner une hypothyroïdie qui sera corrigée par le traitement par la lévothyroxine.
Quelles sont les contre-indications à la chirurgie ?
Le Docteur Scheimman précise que c'est l'état de santé et l'âge du patient qui pourraient contre-indiquer la chirurgie : "Avec un patient plus âgé présentant par exemple des difficultés respiratoires ou cardiaques, on pourra hésiter à opérer en raison des risques liés à l'anesthésie générale".
Merci au Docteur Alain Scheimann, endocrinologue et auteur de Et si c'était la thyroïde ? (In Press, 2017)
Source : La chirurgie thyroïdienne, Gustave Roussy, 2020.