Mélanie victime d'un prolapsus témoigne : "Mon utérus s'est décroché"

Deux ans après son accouchement, Mélanie sent son utérus, sa vessie et son rectum chuter. C'est un prolapsus génital, aussi appelé "descente d'organes". A seulement 25 ans, la jeune maman vit un véritable calvaire. Rendez-vous médicaux à la chaîne, opération ratée, incompréhension... Elle nous raconte son quotidien.

Mélanie victime d'un prolapsus témoigne : "Mon utérus s'est décroché"
© DR

La vessie qui descend anormalement. L'utérus qui s'affaisse vers la vulve. Le rectum qui n'est plus soutenu par le périnée et qui s'effondre. C'est ce qu'on appelle un prolapsus ou une descente d'organes. Cela concernerait 40% des femmes entre 45 et 85 ans, d'après les chiffres d'une enquête hollandaise, seule étude fiable sur le sujet. A seulement 25 ans, Mélanie en souffre depuis maintenant 2 ans. Quels ont été les signes d'alerte ? Comment le vit-elle au quotidien ? Connaît-elle la cause de son prolapsus ? Malgré un parcours de santé semé d'embûches, une opération ratée et le manque d'écoute de certains spécialistes, la jeune maman garde espoir et se confie. Rencontre. 

Le Journal des Femmes : Depuis quand souffrez-vous de prolapsus ?

Mélanie : En 2015, je donne naissance à un petit garçon. C'est un accouchement tout à fait normal, sans difficultés et très rapide. J'ai juste eu une petite épisiotomie (deux fils). Deux ans après l'accouchement, je commence sérieusement à être embêtée. J'ai en permanence l'impression de mal vider ma vessie, je sens constamment une pesanteur au niveau de mon vagin et j'ai toujours envie d'aller à la selle. Je ne m'inquiète pas plus que ça et je ne préfère pas en parler autour de moi. Un jour, en voulant aller aux toilettes, je sens cette fois une boule au niveau de mon anus. Cette boule, j'ai l'impression qu'elle sort de plus en plus de mon anus lors de la poussée. Mais je n'ose pas me regarder dans le miroir car j'ai trop peur de ce que je peux découvrir. A partir de ce moment-là, je m'inquiète sérieusement. J'en parle à mon médecin traitant et je lui explique mes symptômes. Selon lui, il s'agit d'une crise d'hémorroïdes et il me prescrit une pommade adaptée.

Le médecin est choqué car c'est la première fois de sa vie qu'il voit une chose pareille.

Cependant, l'envie constante d'aller aux toilettes ne disparaît pas. La sensation de pesanteur non plus. Selon moi, ça ne peut pas être des hémorroïdes car la boule semble bien trop grosse. Je prends mon courage à deux mains et décide de faire quelques photos afin de les montrer à mon médecin. En voyant les photos, le médecin est choqué car c'est la première fois de sa vie qu'il voit une chose pareille. D'après lui, il s'agit d'une descente d'organes et il m'oriente vers un gastro-entérologue. Lors de mon premier rendez-vous, je lui explique mes symptômes et lui montre les photos. Et sans m'examiner, il est convaincu que j'ai bien un prolapsus. L'IRM pelvienne confirme bien que j'ai un prolapsus des trois organes : le rectum, l'utérus et la vessie. 

La chirurgienne proctologue ne me prend pas au sérieux !

On m'explique que mon rectum est en train de chuter car j'ai un utérus rétroversé, c'est-à-dire un utérus qui bascule vers l'arrière en direction du rectum, et non vers l'avant comme dans la majorité des cas. Comme l'utérus est rétroversé, il fait pression à chaque effort sur le rectum qui du coup s'extériorise au niveau de l'anus. La chirurgienne proctologue que je consulte ne me prend pas vraiment au sérieux, ne comprend pas pourquoi j'ai mal et ne veut pas intervenir sur mon rectum au vu de mon jeune âge. Elle semble un peu dépassée et moi, je me sens un peu comme un cobaye. Pour elle, la priorité, c'est de s'occuper de l'utérus qui appuie sur mon rectum. Je décide donc d'avoir un deuxième avis et de consulter en parallèle un gynécologue qui me propose de m'opérer.

Comment se déroule l'opération ?

J'ai l'impression d'avoir une lame de couteau dans les fesses et une boule de pétanque au niveau de mon anus.

 

Mélanie : Mon gynécologue me conseille de faire une promontofixation de l'utérus qui consiste à le redresser, à l'accrocher au niveau du ligament et à lui redonner une forme "plus normale" afin qu'il ne soit plus rétroversé. Pendant cette opération, il en profite pour tirer le rectum vers le haut afin de le remonter (méthode Richter). L'opération se déroulant sous cœlioscopie, j'ai seulement quelques cicatrices, plutôt discrètes. Après l'opération, qui a été très compliquée pour moi - j'ai mis trois mois à m'en remettre - je sens que mon utérus est bien remonté, je ne sens plus la pesanteur au niveau de mon vagin. En revanche, je sens toujours une pesanteur au niveau de mon rectum et j'ai toujours une envie constante d'aller à la selle. Sans pouvoir l'assouvir car je n'arrive pas à pousser. Et quand on se retient, ça fait comme des grosses coliques. J'ai mal en permanence. Parfois, j'ai l'impression d'avoir une lame de couteau dans les fesses et une boule de pétanque au niveau de mon anus qui ne demande qu'à sortir. Quand je l'explique au médecin, on me répond que je ne devrais pas souffrir et que c'est probablement dans ma tête. Mais non, les douleurs existent bel et bien. 

A cause de tous ces problèmes, je perds 30 kg.

Comme je ne suis pas satisfaite de l'opération, je consulte une nouvelle fois mon gynécologue, mais malheureusement, il ne peut rien faire pour mon rectum. Cela sort de son domaine de compétence. En revanche, il me propose de faire des séances de laser pour retendre mon utérus, jusqu'alors distendu. Et surtout, à cause de tous ces problèmes, je perds 30 kg. Je ne m'alimente presque plus et je n'ai plus faim. Mon fils de 4 ans mange carrément plus que moi. Inconsciemment, je me dis sûrement qu'il faut que je mange moins pour avoir moins envie d'aller aux toilettes. Je suis faible, je suis en hypotension et à bout. En juillet 2019, j'insiste auprès de la proctologue pour me faire à nouveau opérer. Elle n'est pas vraiment d'accord car elle m'estime trop faible, mais je la force à intervenir. Je n'en peux plus d'être dans cet état-là. L'opération est prévue pour fin août 2019.

C'est tellement critique que je suis obligée de le faire rentrer manuellement.

Coup de théâtre : trois jours avant l'opération, elle annule l'opération et préfère m'orienter vers un autre spécialiste. Je dois donc reprendre un énième rendez-vous chez un médecin, en l'occurrence, un professeur au CHU de Lille qui est chirurgien-gynécologue spécialisé dans la descente d'organes. Je le rencontre début du mois d'octobre 2019. Je le sens bien plus à l'écoute et bien plus rassurant. Il ne comprend pas pourquoi on m'a laissé dans un tel état pendant autant d'années. Pour lui, il n'y pas 36 solutions : il faut accrocher mon rectum. Pour cela, il m'explique qu'il va mettre en place une sorte de filet qui va englober tout le rectum et qui va être directement fixé à la colonne vertébrale. L'opération est prévue le 2 décembre 2019. Sauf que récemment, pendant une poussée, je ressens une vive et brusque douleur. Je me rends compte que mon utérus s'est complètement décroché et reste bloqué à l'extérieur. C'est tellement critique que je suis obligée de le faire rentrer manuellement. Je fonde beaucoup d'espoir sur cette opération et sur l'expertise de ce professeur. J'attends beaucoup de lui. Au total, j'ai vu au moins 5 gastro-entérologues, une proctologue, un gynécologue... Alors là, j'espère que c'est le bon !

Connaissez-vous la cause de votre prolapsus ?

Mélanie : Je suis dans l'incompréhension la plus totale. J'ignore pourquoi j'ai une descente d'organes vu mon jeune âge. Normalement, le prolapsus concerne les femmes plus âgées, celles qui ont eu beaucoup de grossesses ou qui ont vécu un accouchement difficile. Les médecins ne trouvent pas d'explication non plus. Et puis je culpabilise beaucoup, je me dis que c'est parce que n'ai pas fait la rééducation du périnée. Alors que, selon mon gynécologue, ça n'a absolument pas d'impact. Néanmoins, en regardant de plus près le compte rendu opératoire, je me suis aperçue qu'il y avait écrit "adémyose probable" (endométriose). Est-ce que cela pourrait être à l'origine de mon prolapsus ? Il faut que les médecins approfondissent cette piste. 

Je souhaite qu'on me ligature les trompes, voire qu'on me retire complètement l'utérus.

Pensez-vous pouvoir retomber enceinte ?

Mélanie : Une grossesse semble possible d'après mon gynécologue. Néanmoins, il me le déconseille fortement car il y a de grands risques que l'utérus lâche complètement. De mon côté, je n'ai pas envie de revivre une grossesse dans ces conditions. Quand je vois comment je souffre actuellement, je n'ai pas du tout envie d'avoir un autre enfant. C'est pour cela que lors de ma prochaine opération, je souhaite qu'on me ligature les trompes, voire même qu'on me retire complètement l'utérus. J'y tiens ! C'est mon corps après tout.

Quel impact le prolapsus a-t-il eu sur votre vie ?

Mélanie : Ma descente d'organes a complètement chamboulé ma vie. Personnellement et professionnellement. Ma recherche d'emploi est en stand by depuis des mois car je suis incapable de marcher ou de rester debout trop longtemps. Rien que les 5 minutes de marche pour accompagner mon fils à l'école est un supplice. La position debout ou le fait de marcher est insupportable. Et si j'ai le malheur d'éternuer ou de tousser, c'est une catastrophe ! Quand je suis malade, ne serait-ce qu'un petit rhume, je suis obligée d'être alitée. Je ne peux plus porter mon fils, ni de charges lourdes ou faire des tâches ménagères. Heureusement, mon conjoint est là pour me soutenir et m'aider au quotidien. Je ne peux plus vraiment sortir ni partir en vacances. Mes proches sont impressionnés et se demandent comment je fais pour rester debout. 

Dans ma vie intime, c'est compliqué aussi. Même si je n'ai pas forcément mal pendant l'acte, je souffre terriblement après. J'ai des règles beaucoup plus abondantes et elles durent quasiment 7 jours. J'ai des saignements même en dehors des règles. Je suis en train de disjoncter. Mon dernier espoir reste mon rendez-vous avec le professeur du CHU de Lille. J'espère qu'il va enfin me proposer une solution. En attendant, j'essaye de rester positive, mais croyez-moi, ce n'est vraiment pas facile tous les jours...

Prolapsus : les signes qui doivent alerter

  • Gêne permanente et sensation de pesanteur dans le bas-ventre ou dans le vagin.
  • Impression d'avoir une "boule" qui s'extériorise au niveau de la vulve, en position debout, à l'effort ou accroupie.
  • Troubles urinaires : difficultés à uriner, sensation de mal vider sa vessie, besoin d'uriner très fréquent, incontinence urinaire, fuites, infections urinaires à répétition...
  • Troubles des selles : incontinence anale (perte des matières fécales), besoin d'aller à la selle très fréquent, douleurs lors de la poussée, parfois une constipation...
  • Gêne pendant les rapports sexuels, saignements après l'acte, écoulements vaginaux...