Recherche sur l'embryon humain : les enjeux de la nouvelle loi
Porteuses d'espoir pour la médecine mais issues d'embryons humains, les cellules souches embryonnaires faisant l'objet de recherches soulèvent de nombreux questionnements. Quel est leur intérêt ? Que prévoit la loi ? Questions - réponses.
Assez méconnue du public, la recherche sur les cellules souches embryonnaires est un volet essentiel de la bioéthique, un domaine qui étudie les questions et les problèmes moraux engendrés par des pratiques médicales nouvelles impliquant la manipulation d'êtres vivants ou de recherches en biologie.
Le 13 juillet 2013, la proposition de loi concernant l'autorisation de la recherche sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires a définitivement été adoptée à l'Assemblée, faisant passer du régime de l''interdiction avec dérogations à une autorisation encadrée de la recherche. Un progrès médical considérable pour les radicaux de Gauche et le PS, une affaire d'éthique qui hérisse l'ensemble de l'UDI et de l'UMP.
Quelle législation en France ?
Depuis 2004, la recherche sur l'embryon (de même que toute commercialisation) était interdite en France, sauf exceptions. Lesquelles ? Ces exceptions concernaient jusque-là des protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires dont la pertinence et la conformité scientifique avaient été validés par l'Agence de la Biomédecine, seul établissement habilité à délivrer ces autorisations à titre dérogatoire et pour une durée de 5 ans. 70 projets ont ainsi été accrédités de cette façon depuis 2005.
Le 16 juillet 2013, le texte défendu par les radicaux de gauche autorisant la recherche sur l'embryon et les cellules souches a définitivement été adopté par le Parlement par 314 voix contre 223.
Cellules souches embryonnaires, quel intérêt ?
La recherche sur l'embryon implique de pouvoir étudier les cellules souches embryonnaires, obtenues à partir de ces derniers. Oui mais pourquoi ? Parce que les cellules souches embryonnaires ont la particularité d'être pluripotente. Un terme spécifique qui signifie qu'elles peuvent se diviser indéfiniment et se transformer en tout type de cellules du corps humain (cœur, peau, cerveau...), contrairement aux cellules différenciées qui sont spécialisées dans une fonction bien précise. Ces cellules peuvent donc donner naissance à l'ensemble des tissus et des cellules de l'organisme ce qui en font des outils thérapeutiques indéniables.
Leur étude permet non seulement de comprendre les mécanismes qui gouvernent ces transformations mais cette recherche ouvre également des pistes pour le traitement de certaines pathologies génétiques rares (mucoviscidose, myopathie...) et de maladies dégénératives (maladie de Parkinson, sclérose en plaques entre autres). Une nouvelle médecine "régénérative" est évoquée.
D'où viennent les embryons destinés à la recherche ?
En France, seuls les embryons surnuméraires sont autorisés à faire l'objet de recherches. Ils peuvent être issus d'une fécondation in vitro (FIV) dans le cadre d'une procréation médicalement assistée (PMA) pour un couple stérile. Dans ce cas, tous les embryons obtenus ne peuvent être placés dans l'utérus de la femme pour conduire à une grossesse, les autres sont alors congelés pour un transfert ultérieur si le couple le souhaitait. Lorsque ce dernier n'a plus de projet parental, il peut donner son accord (par écrit et dans un délai de 3 mois) pour que les embryons ainsi conservés fassent l'objet de recherches. Autre cas : celui des embryons porteurs de maladies graves destinés à être détruits qui peuvent faire l'objet d'études.
En somme, les embryons susceptibles d'être utilisés dans le cadre de recherches ne sont pas fabriqués artificiellement - la législation française l'interdit - et sont dans tous les cas voués à être détruits.
A quel stade de développement les obtient-on ?
Les embryons proviennent de la fusion d'un ovule et d'un spermatozoïde, une notion élémentaire. Après la fécondation s'ensuivent plusieurs étapes de division cellulaire. Ce qu'il faut savoir, c'est que la recherche sur l'embryon concerne uniquement la première semaine du développement humain, autrement dit de l'ovule fécondé au blastocyste. A ce stade, l'embryon a la taille du diamètre d'un cheveu, le minimum observable à l'œil nu. C'est à partir de la 12e semaine de grossesse (3e mois) que l'on parle non plus d'embryon mais de fœtus. Aucune recherche n'est effectuée à ce stade de développement.
Les polémiques engendrées...
La recherche sur l'embryon est à l'origine de débats, souvent houleux, et pose un problème éthique. En effet, les cellules souches embryonnaires étudiées proviennent d'embryons humains à leurs tout premiers stades de développement, et l'idée dérange. Visuellement, un embryon n'a rien à voir avec un fœtus. L'Agence de la biomédecine, organisme public qui encadre cette activité, n'autorise pas les recherches poussant le développement embryonnaire au-delà de la première semaine. D'une part parce que seule la première semaine de développement embryonnaire peut s'opérer dans une boite de pétri en laboratoire. Après, l'utérus de la mère devient indispensable pour le bon développement de l'embryon. D'autre part, parce que cela permet de restreindre la recherche à des embryons dépourvus d'organes.
Combien d'embryons disponibles pour mener à bien ces recherches ?
Au 31 décembre 2010, le nombre total d'embryons congelés s'élevait à plus de 170 000, dont près de 110 000 faisant encore l'objet d'un projet parental, selon les chiffres de l'Agence de la biomédecine. 17 000 ont été proposés par des couples à la recherche et près de 13 000 ont été offert à des couples non fertiles.
EN VIDEO : à la veille du vote de la proposition de loi sur la recherche sur l'embryon, Marc Peschanski, chercheur à l'institut des cellules souches à Evry, expose son point de vue.