Expérience du sommeil russe : comment la privation de sommeil peut rendre dingue
L'expérience du sommeil russe aurait été menée à la fin des années 40 pour observer les effets d'une privation de sommeil. Les résultats annoncés ont été terrifiants. Mais qu'en est-il vraiment ?
La Russian Sleep Experiment, ou "expérience du sommeil russe" en français, se serait déroulée à la fin des années 1940. Cette expérience aurait été effectuée sur cinq prisonniers du goulag. Ces derniers auraient été enfermés dans une pièce remplie d'un gaz psychotrope destiné à les empêcher de dormir. Au préalable, on leur avait fait croire que s'ils parvenaient à tenir 30 jours sans dormir, ils seraient libérés. Leurs conversations étaient enregistrés. Au bout de cinq jours, ils ont arrêté de communiquer entre eux et ont commencé à présenter des signes de paranoïa et de détresse psychologique. Ils se sont mis à crier et à gémir. Les scientifiques ont fini par ouvrir la pièce et ont découvert que les prisonniers s'étaient automutilés, certains s'étaient arrachés la peau et l'un d'entre eux est décédé. Cette expérience a mis en lumière les effets délétères d'une privation de sommeil sur l'organisme et a fait beaucoup de bruit quand elle a commencé à circuler sur Internet. Mais "elle relève de la pure science-fiction et il n'existe aucune preuve que cette histoire a vraiment existé, elle ne figure dans aucun manuel d'histoire officiel" réagit le Dr Marc Rey, neurologue spécialiste du sommeil, président de l'Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV), que nous avons interrogé. Pour autant, la privation de sommeil a de vrais effets néfastes pour l'organisme et reste un moyen de torture bien connu. En 2021, l'opposant à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny avait déclaré être privé de sommeil par les gardiens de sa prison, comme le rapportait Reuters.
Quels sont les effets démontrés d'une privation de sommeil ?
"Il y a 30 ans, les fonctions du sommeil nous semblaient difficiles à comprendre car nous ne vivions pas dans une société où la privation de sommeil était chronique. Aujourd'hui, les effets d'une privation de sommeil sont bien connus", explique le Dr Marc Rey. Une privation de sommeil entraîne :
► Un facteur d'obésité : la leptine, hormone de la satiété, est en déficit tandis que la ghréline, qui stimule l'appétit, est sécrétée en excès. "Par conséquent, on va manger plus et stocker plus. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il y a plus d'obèses chez les personnes qui travaillent la nuit", détaille le neurologue.
► Une diminution de la sécrétion de l'hormone de croissance qui est sécrétée pendant le sommeil. Celle-ci sert à la croissance chez l'enfant et à tout un tas de réparations chez l'adulte.
"Cette expérience est une pure fiction"
► Un affaiblissement du système immunitaire : "quand on dort, il y a un certain nombre de choses qui se passent au niveau de notre système de défense, une privation chronique de sommeil rend donc plus sensible aux infections"", explique le Dr Marc Rey.
► Des atteintes neurologiques : "la privation de sommeil peut provoquer une somnolence dangereuse, en particulier au volant, qui est responsable de 20% des accidents sur autoroute", indique le spécialiste.
► Des troubles de la mémorisation et de la concentration : pendant la nuit, on consolide ce que l'on a appris au cours de la journée. "Autrement dit, il est contre-productif de faire une nuit blanche pour bachoter son examen. C'est également pour cette raison que les enfants doivent dormir beaucoup plus que les adultes, en particulier les premières années de vie. Un bébé qui ne dort pas suffisamment sera plus susceptible de souffrir de troubles du langage", argue le neurologue spécialiste du sommeil.