Cinquième branche de la Sécurité sociale : ça changerait quoi ?

La Sécurité Sociale a quatre branches : famille, maladie, accidents du travail, retraite. Le gouvernement propose d'en créer une cinquième pour couvrir la perte d'autonomie face à la hausse des besoins de prise en charge des personnes âgées. De quoi s'agit-il ? Comment serait-elle financée ? Quelles conséquences pour les assurés ?

Cinquième branche de la Sécurité sociale : ça changerait quoi ?
© olegdudko - 123RF

La crise sanitaire engendrée par la pandémie de Covid-19 depuis mars 2020 bouscule profondément tout le système de santé, mettant en lumière une hausse des besoins pour la prise en charge des personnes âgées. Pour faire face aux dépenses croissantes liées à la perte d'autonomie de ces personnes, le gouvernement a proposé le 19 mai deux projets de loi permettant de créer une cinquième branche à la Sécurité Sociale. Elle s'ajouterait aux quatre existantes : maladie/maternité, accidents du travail/maladies professionnelles, famille et retraite. Elles sont assorties d'une 5e branche cotisations/recouvrement. L'Assemblée nationale s'est prononcée en faveur, le 16 juin. Le gouvernement a présenté son projet de loi de financement le 29 septembre 2020. Concrètement, ça changerait quoi pour les assurés ?

Pourquoi une cinquième branche à la Sécurité Sociale et pour qui ?

Les deux textes rédigés par le gouvernement font état des conséquences de la crise du coronavirus. Ils pointent le besoin d'améliorer la prise en charge des personnes âgées et dépendantes, parfois handicapées, à la fois chez elles ou en établissements de santé comme les Ehpad. Une cinquième branche de la Sécurité Sociale permettrait de prendre en charge les frais liés aux soins de santé, à l'aide spécifique autour de la perte d'autonomie ou à l'hébergement en établissement spécialisés. Elle aurait pour mission de protéger les personnes âgées contre tous les risques à partir de leur retraite, dans une politique de soutien de leur autonomie dont les objectifs sont :

  • Un objectif d'universalité, à travers une meilleure équité territoriale dans l'accès aux droits des personnes en perte d'autonomie ;
  • Un objectif de qualité renforcée de l'offre d'accompagnement ;
  • Un objectif de renforcement des politiques transversales du handicap et du grand âge ;
  • Un objectif de démocratie avec un examen annuel de la politique de l'autonomie et des conditions de son financement à long terme dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale.

Les besoins des personnes âgées ont évolué avec l'allongement de l'espérance de vie. "En 1948 année où a été mis en place l'âge du départ à la retraite à 65 ans, l'espérance de vie d'un retraité était courte, 18 mois. Aujourd'hui, on peut espérer vivre 30 ans après la retraite" souligne Laurent Levasseur, Directeur de Bluelinea, spécialise des questions liées à la dépendance des seniors. "Il est temps de gérer ces personnes. En ayant un responsable unique (la cinquième branche), il va être possible d'avoir une vision globale de la personne âgée durant sa retraite, d'avoir un parcours sanitaire et sociale cohérent. Une personne âgée doit pouvoir vivre mieux et longtemps en étant accompagnée. Cette crise du Covid-19 a ouvert les yeux sur la situation des personnes isolées, même en Ehpad, qui sont aussi mortes d'ennuis et de solitude." La cinquième branche serait "une avancée sociétale majeure, où le parcours des seniors prend toute sa dimension". La réforme est amorcée par le gouvernement dans le cadre du Ségur de la santé lancé le 25 mai 2020.

Actuellement les quatre autres branches de la Sécurité Sociale sont :

  • La branche maladie couvre les frais d'hospitalisations, de consultations médicales et le remboursement des médicaments (gérée par l'Assurance Maladie).
  • La branche retraite gère le versement des pensions de retraite ou de veuvage ainsi que le minimum vieillesse (gérée par l'Assurance Retraite).
  • La branche accidents du travail et maladies professionnelles assure la prise en charge des maladies et les accidents liés au travail (gérée par l'Assurance Maladie et par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) en région).
  • La branche famille aide les foyers dans leur vie quotidienne et assiste les personnes les plus pauvres (gérée par les Allocations familiales).

Comment serait financée cette cinquième branche ?

La cinquième branche reposerait, comme les autres branches, sur un principe de solidarité, chacun participant à son financement selon ses moyens. La loi du 7 août 2020 - relative à la dette sociale et à l'autonomie - qui a introduit cette nouvelle branche au sein du régime général gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) prévoit que cette dernière reprenne l'ensemble de ses dépenses auxquelles s'ajoutera l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) jusqu'à présent versée par la branche Famille de la sécurité sociale. Elle a également prévu des financements nouveaux à compter de 2024 :

  • par la réaffectation à la CNSA d'une fraction de CSG (0, 15 points soit 2,3 milliards d'euros) détenue par la CADES.
  • La CNSA va également bénéficier à partir de 2021 d'un financement propre : 28 milliards d'euros de contribution sociale généralisée (CSG) - toutes assiettes de revenus - à compter de 2021, lui seront affectés.

Les premières mesures de financement sont prévues en projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 afin d'organiser le fonctionnement de cette nouvelle branche et garantir un financement autonome et équilibré. C'est une première étape. Le projet de loi sur le grand âge et l'autonomie, qui sera présenté dans les mois à venir, viendra fixer les contours de cette ambition nationale en faveur du grand âge. Le gouvernement planche pour identifier des financements pérennes nouveaux pour cette branche autonomie. Toutefois, en avance de phase, le PLFSS 2021 annonce que 2,5 milliards d'euros sont consacrés en 2021 à des mesures nouvelles en faveur du secteur de l'autonomie. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait évoqué devant l'Assemblée le 15 juin, qu'"au moins 1 milliard d'euros" du Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 - voté à l'automne 2020 - serait destiné à l'aide à l'autonomie. Les besoins sont bien plus importants - les 2,5 milliards d'euros ne suffiront pas - : estimés à une dizaine de milliards supplémentaires par an à l'horizon 2030, pour gérer l'accompagnement des personnes âgées. Le rapport de 2019 de Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFPS) "Concertation grand âge et autonomie" indique un besoin supplémentaire de 6,2 milliards d'euros en 2024, et de 9,2 milliards en 2030 lié à un bond du vieillissement prévisible de la population. "En 2040, 14,6 % de la population aura plus de 75 ans, contre 9,1% en 2015.. Des montants qui s'additionnent aux dépenses actuelles : 30 milliards d'euros par an, liées à la perte d'autonomie, soit 1,4% du produit intérieur brut (PIB), selon le rapport de Dominique Libault, Les dépenses sont actuellement financées à 80% par les pouvoirs publics via la Sécurité Sociale ou par les collectivités territoriales, entre autres. Et, quelque 6 milliards d'euros restent à la charge des ménages. 

Une cinquième branche contestée, pourquoi ?

Si le ministre de la Santé, Olivier Véran a souhaité une nouvelle branche à la sécurité sociale, distincte des quatre autres, et consacrée au financement des risques liés à la perte d'autonomie des personnes âgées et au handicap, c'est la gestion et le financement de ce projet qui font débat. Le ministre a indiqué en mai dernier "qu'au moins 1 milliard d'euros" supplémentaires seraient consacrés pour financer "la perte d'autonomie" des personnes âgées et handicapées dès l'automne 2020, dans le budget de la "Sécu" pour 2021. Alors que la Sécurité Sociale s'est alourdit de 136 milliards d'euros de déficit avec la crise du coronavirus, cette annonce ministérielle fait figure de promesse intenable pour l'opposition qui critique le projet comme "une coquille vide" sans possible financement.

Les opposants à ce projet dans les départements dénoncent une prise en charge déjà effective de la dépendance des personnes âgées ou vulnérables par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Cette dernière gère les fonds consacrés à la dépendance et au handicap. Toutefois elle n'a pas le pouvoir de gérer l'ensemble de la chaîne des financements, alors que la Caisse nationale d'Assurance maladie en a la possibilité. "La perte d'autonomie est gérée par les départements, en créant la cinquième branche, les départements perdent sa gestion. Le Ségur de la Santé doit définir comment" explique Laurent Levasseur. Toute la difficulté revient à la définition des rôles et du budget. La proposition d'Olivier Véran reprend les termes du Président Emmanuel Macron qui avait évoqué la création d'une cinquième branche de la Sécurité sociale dédiée à la dépendance, en avril 2018. Il était également revenu sur la question d'une réforme en 2019. Celle-ci devrait prendre forme dans le Ségur de la santé.

Merci à Laurent Levasseur, Directeur de Bluelinea, spécialiste des questions liées à la dépendance des seniors.

Sources :

Sécurité Sociale, les branches.

Le rapport de Dominique Libault "Concertation grand âge et autonomie", mars 2019.