Faut-il avoir peur de l'aspartame ? Pr Hervé Nordmann : "Faites confiance aux scientifiques !"

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Faire approuver une nouvelle substance coûte si cher que seul le fabricant a un intérêt à effectuer ces études. © JNT Visual - Fotolia.com

Le professeur Nordmann est président du comité scientifique de l'Association internationale pour les édulcorants (ISA). Il regrette que sa parole de scientifique soit mise en cause du simple fait qu'il travaille pour l'industrie.

Que pensez-vous de la demande de Corinne Lepage d'apposer une mise en garde aux femmes enceintes sur les produits contenant de l'aspartame ?

D'abord, soulignons que cet amendement n'a pas encore été validé par le conseil des ministres. Il y a donc toutes les chances pour que ce dernier refuse et que la mesure soit enterrée.

Ensuite, je dirais qu'il s'agit là de la part de Mme Lepage d'un abus du principe de précaution, qu'elle applique à tort et à travers.

Et l'étude danoise qui lui a inspiré cet amendement et qui sous-entend que les édulcorants augmenteraient le risque d'accouchements prématurés ?

D'abord, cette étude n'est en réalité qu'une observation. Le chercheur s'est servi des données recueillies sur une cohorte de 60 000 femmes dans un cadre beaucoup plus général. En regardant de plus près, on s'aperçoit d'ailleurs que les résultats ne sont pas suffisamment significatifs. Le responsable de l'étude a finalement reconnu lui-même que le degré de certitude était faible.

N'y a-t-il donc rien à retenir de toutes ces études qui ont été publiées ces derniers temps ?

Toutes ces études, nous les avons faites analyser et nous les avons complètement démolies. Pour ne citer qu'un exemple, leur interprétation des conséquences du méthanol est complètement erronée. L'absorption de méthanol liée à l'aspartame représente à peine un dixième de la consommation globale de méthanol.

Alors comment expliquez-vous la "fronde" anti-aspartame qui sévit depuis quelque temps ?

Je dirais juste qu'elle coïncide avec l'arrivée sur le marché d'autres produits qui ont le goût du sucre sans ses calories...

On remet également en cause la façon dont la FDA a fini par approuver la mise sur le marché de l'aspartame, notamment parce que les études qui ont servi à prouver son innocuité ont été réalisées par l'entreprise qui voulait commercialiser ce produit...

Mais c'est toujours le cas ! Qui d'autre aurait intérêt à dépenser 200 millions d'euros pour développer et faire approuver un additif alimentaire qui ne lui appartient pas ? C'est un faux débat !

On a trop tendance à opposer la science de l'industrie à la science pure et dure. Il n'y a qu'une science et elle doit être rigoureuse, c'est tout !

Aujourd'hui, il y a une remise en cause permanente de notre système de référence. C'est dangereux car cela entame la confiance du consommateur, qui se met à douter de tout ! Je suis toxicologue depuis plus de trente ans et on considère que mon expertise ne vaut rien parce que je suis rémunéré par l'industrie ?! Pourquoi l'avis de politiques qui n'ont pas de formation scientifique vaudrait-il plus que le mien ?

Il faut toutefois reconnaître que la fiabilité du système de sécurité sanitaire a été bien ébranlée par le scandale du Médiator...

C'est vrai. Soulignons tout de même que ce n'est pas le même circuit puisqu'il s'agit d'un produit de santé alors que l'aspartame est un additif alimentaire. Ce n'est donc pas le même organisme qui gère les autorisations.

Dans le cas du Médiator, je pense qu'il y a véritablement eu un déficit de vigilance. Cela ne devrait pas arriver mais, hélas, c'est toujours possible.

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