Témoignage Covid long : "Je ne sais pas si je pourrais recourir un jour"
TEMOIGNAGE. Agée de 43 ans et originaire de Bretagne, Amélie a été infectée gravement par la Covid-19 en mars 2020. Marathonienne, elle ne peut plus courir aujourd'hui à causes de problèmes respiratoires persistants. Et ce ne sont pas les seuls symptômes avec lesquels elle vit toujours... Récit.
Amélie fait partie des patients atteints du Covid long. Agée de 43 ans et originaire de Bretagne, près de Rennes, elle a été infectée gravement par la Covid-19 en mars 2020. Hospitalisée plusieurs fois à causes de difficultés respiratoires, cette marathonienne ne peut plus courir aujourd'hui. Le virus a changé son quotidien désormais organisé au rythme des rendez-vous médicaux pour tenter de reprendre une vie normale. Amélie s'est engagée dans l'association"Aprèsj20" dédiée aux victimes de Covid Long. Récit.
Le Journal des Femmes : Quels ont été vos symptômes au début du Covid et lesquels persistent ?
Amélie : En mars 2020, j'avais tous les symptômes de la Covid : de la fièvre, je toussais beaucoup, j'avais du mal à respirer, j'ai même fait un malaise respiratoire sous ma douche et j'ai dû appelé le Samu. En tout, j'ai été trois fois aux Urgences. J'avais également des douleurs articulaires et musculaires, des problèmes de mobilité, des problèmes cutanés : j'étais toute rouge. J'ai eu des problèmes de goût et d'odorat. Tout ce que j'avalais avait un goût de pourri ou de métal brûlé. J'ai également eu des problèmes gastriques et je ne pouvais quasiment plus m'alimenter. J'ai perdu 10 kilos en 1 mois. En 14 mois, beaucoup de symptômes ont disparu mais j'ai toujours des problèmes respiratoires. Je courais 60 kilomètres par semaine alors qu'aujourd'hui, si je fais une heure de vélo, je sais que je vais devoir me reposer ensuite. Le Covid m'a rendue asthmatique, je suis un traitement pour asthme sévère. J'ai également un dérèglement hormonal depuis mon infection et les gynécologues que j'ai consulté ne savent pas pourquoi. Mes rougeurs cutanées du début de la maladie se sont transformées en couperose sur tout mon visage et mon décolleté. Un problème auquel les dermatologues ne trouvent pas de solution. Depuis août 2020, une dysphonie est apparue, c'est-à-dire que ma voix a changé, elle se brise : je deviens aphone et c'est douloureux. Ma fatigue extrême, omniprésente en mars 2020 survient encore parfois... Ma vision a également baissé à cause de la Covid. J'avais été opérée pour la myopie il y a trois ans, mais pourtant après mon infection je suis redevenue myope et je dois de nouveau porter des lunettes. Depuis la Covid mon système immunitaire s'est déréglé mais on ne sait pas exactement de quoi il s'agit. On vient également de m'apprendre que j'avais un léger décollement du péricarde.
Le Journal des Femmes : Est-ce qu'ils s'améliorent ou empirent avec le temps ?
Amélie : Je dirais que ce sont plus des montagnes russes. Parfois je n'ai plus de problèmes respiratoires, puis cela revient. Il s'agit de montagnes russes avec un progrès indéniable, mais des montagnes russes quand même. En novembre 2020, j'ai été opérée d'un polype, j'ai fait une rechute et je suis restée plus d'une semaine alitée, alors qu'en août j'allais mieux. En janvier 2021 j'ai également fait une rechute : ce sont des hauts et des bas.
"C'est un handicap invisible."
Le Journal des Femmes : Y a t-il des activités que vous ne pouvez plus réaliser aujourd'hui ?
Amélie : Aujourd'hui, j'ai retrouvé un petit quotidien, je peux travailler, m'occuper de ma fille mais je ne peux plus courir, et encore moins un marathon. Cela est une grande souffrance pour moi car c'est ma passion. Je ne sais pas si je pourrais reprendre cette activité physique un jour. J'ai repris le vélo elliptique chez moi et j'en fais quand je peux. J'ai aussi des difficultés à parler longtemps car je souffre de dysphonie et mes cordes vocales me font mal. C'est un handicap invisible, car quand vous me voyez, vous ne vous dites pas que je suis malade.
Le Journal des Femmes : Etes-vous toujours suivie médicalement ?
Amélie : Je vois des médecins toutes les semaines pour mes différents soucis liés au Covid Long. Parfois, il m'arrive d'en voir quatre dans la même semaine. Je consulte par exemple un médecin ORL, un kinésithérapeute, un cardiologue, un dermatologue, une gynécologue, un médecin pour ma rééducation et un psychologue.
Le Journal des Femmes : Vous voyez un psychologue, pourquoi ?
Amélie : Ce qui est étrange avec cette maladie c'est qu'elle est peut-être chronique. On ne sait pas si on pourra reprendre une vie "comme avant" un jour. Pour m'aider à comprendre et à accepter la situation, j'ai choisi d'être accompagnée psychologiquement. Il y a des personnes qui font un choix différent et certaines n'en ont malheureusement pas les moyens. J'ai été sous antidépresseurs à un moment mais je ne les ai pas bien supportés et j'ai arrêté. Le soutien psychologique m'a beaucoup aidée dans l'acceptation de la maladie : il fallait que je lâche prise et que je profite des moments où je suis bien. Si l'aide des proches est fondamentale pour vous porter et vous aider, un professionnel permet un vrai suivi. Je vais voir le psychologue tous les mois mais avant j'y allais tous les quinze jours.
"Il ne faut jamais se laisser dire que c'est dans la tête"
Le Journal des Femmes : Comptez-vous vous faire vacciner ?
Amélie : J'ai été vaccinée avec deux doses du vaccin Pfizer. J'ai été fatiguée par les effets usuels du vaccin, et eu une petite résurgence des symptômes qui est apparemment très courante chez les patients malades du Covid Long mais cela n'a pas duré.
Le Journal des Femmes : Que diriez-vous aux personnes qui, comme vous, souffrent de Covid Long ?
Amélie : Il y a autant de types de Covid Long que de personnes, il ne faut pas faire de généralités. Mais si je devais m'adresser aux personnes qui en souffrent, je dirais qu'il ne faut pas baisser les bras car le corps est une formidable machine et les médecins ont déjà fait des progrès énormes en 1 an et demi de maladie. Ensuite, je conseillerais de chercher du soutien auprès de la communauté Covid Long. Il y a plusieurs associations, comme "ApresJ20" dont je fais partie. S'écouter est également très important car le meilleur expert de son corps c'est le patient lui-même. Il ne faut pas accepter de se faire "gaslighter" c'est-à-dire de laisser un médecin être dans le déni médical, ou se faire traiter d'anxieux, il ne faut jamais se laisser dire que c'est dans la tête. Si c'est le cas, il faut changer de médecin sachant qu'il y en a de plus en plus qui sont investis sur le Covid Long. Au quotidien, je conseille de pratiquer le "pacing", c'est-à-dire se reposer entre plusieurs activités physiques ou cognitives pour se recharger (et éviter l'épuisement, ndlr). Il faut prendre le temps. Enfin, il ne faut pas tout croire en termes d'infos : il faut trier, se préserver mentalement le plus possible et se ressourcer auprès de ce qui nous fait du bien.
Merci à Amélie pour son témoignage. Propos recueillis le 3 mai 2021.