"Docteur, est-ce que mon cœur va bien ?"
Non, l'infarctus ne touche pas seulement les hommes. Laurence en a fait la douloureuse expérience en 2012, à seulement 50 ans, et alors qu'elle n'avait pas de souci de santé particulier. Témoignage.
La douleur dans la poitrine, brutale, intense, et qui irradie dans le bras gauche et la mâchoire, est typique de ce que ressentent les hommes lorsqu'ils font un infarctus. Mais chez les femmes, le tableau clinique est tout autre. Conséquence : près de la moitié d'entre elles, victimes d'un infarctus du myocarde avant 60 ans, passent à côté des signaux d'alerte, ce qui réduit leur chance d'être prises en charge à temps. En outre, les femmes se sentent souvent protégées du risque cardiovasculaire par leurs hormones. A tort ! Depuis qu'elles ont calqué leur style de vie sur celui des hommes, elles sont elles aussi concernées, et de plus en plus jeunes. Chez les femmes de moins de 50 ans, les infarctus ont même triplé ces 15 dernières années. Il faut encore savoir qu'une femme sur trois va décéder d'une pathologie cardio-cérébro-vasculaire. C'est huit fois plus que par cancer du sein. A l'occasion de la semaine du cœur, qui s'est déroulée du 26 septembre au 2 octobre 2016, la Fédération Française de Cardiologie a lancé un clip original, percutant et 100% féminin, afin de sensibiliser les femmes aux signes atypiques de l'infarctus.
Comme la majorité des femmes, Laurence, 50 ans, ne s'inquiétait pas de la santé de son cœur. Jusqu'à un soir de 2012 où l'infarctus lui est "tombé dessus", Aujourd'hui, elle va bien, mais cet électrochoc lui a fait comprendre combien il est important de soigner son mode de vie. Elle est aussi davantage à l'écoute de son corps.
Quel mode de vie meniez-vous avant de faire votre infarctus ?
Je faisais un peu attention à mon alimentation, mais sans plus. Je fumais. Je n'étais pas sportive, je n'ai jamais aimé cela ! Et surtout, j'avais un travail stressant [elle travaille dans un cabinet d'avocat, ndlr] et je faisais beaucoup d'aller-retour entre Paris et la Province.
Aviez-vous conscience des éventuelles conséquences sur votre santé ?
Non pas du tout, j'ignorais tout du risque cardiovasculaire. Je n'avais aucun suivi médical particulier, mis à part le suivi gynécologique. Je ne prenais pas de traitement, je n'avais pas de tension artérielle, ni de cholestérol. D'ailleurs, jamais aucun médecin ne m'avait demandé si j'avais des antécédents d'accidents cardiovasculaires dans ma famille, et je n'avais jamais passé d'examen particulier. On nous prépare à avoir un cancer du sein ou un cancer de l'utérus car il y a des campagnes d'information, mais on ne nous parle jamais de santé cardiovasculaire ! Les femmes sont très mal informées...
Avez-vous ressenti des signes particuliers juste avant l'accident ?
Avec le recul, il est vrai que je me sentais fatiguée, mais sur le moment je n'y prêtais pas attention : j'avalais des vitamines, et je passais vite à autre chose. Cela n'était pas alarmant. Il y a eu d'autres signes mais je les ai ignorés aussi. Par exemple, je ressentais depuis quelques temps un peu d'essoufflement pour effectuer des gestes qui ne méritaient pas d'effort particulier, en montant les escaliers ou simplement en marchant, mais je mettais cela sur le compte du tabac.
Que s'est-il passé le jour de votre infarctus ?
Cela s'est passé après un weekend festif. Et pour cause : je venais de me remarier ! Cela faisait donc suite à une période éprouvante physiquement et émotionnellement en raison des préparatifs. Le soir même, j'ai ressenti une très légère douleur dans le bras, j'avais également chaud, l'impression d'étouffer et d'avoir du mal à respirer, mais sans plus. Comme cela ne passait pas, mon compagnon a fini par appeler les pompiers, qui ont décidé de m'hospitaliser. Pendant le transport je me souviens m'être dit que c'était sans doute rien, que ça allait passer. En réalité, j'ai fait mon arrêt cardiaque dans la salle d'attente des urgences. Je me suis réveillée trois jours plus tard en soins intensifs.
"Sur le moment, je n'ai pas compris pourquoi cela m'était arrivé, à moi ?"
Quelle a été votre réaction quand les médecins vous ont parlé d'infarctus ?
Mal ! Sur le moment je n'ai pas compris pourquoi cela m'était arrivé, à moi ? Habituellement, c'est quelque chose qui touche les plus vieux... Enfin, c'est ce que je pensais. Et puis surtout, j'avais très peur que cela puisse se reproduire. J'ai beaucoup culpabilisé, je ne m'expliquais pas ce que j'avais mal fait. J'ai aussi pensé à une malformation cardiaque, ce qui n'était évidemment pas le cas. Heureusement, mon cardiologue a été très pédagogue. Elle m'a expliqué que les femmes font comme les hommes des infarctus, mais avec des symptômes différents. Et puis, j'ai vite été remise sur pieds, avec seulement un traitement médicamenteux, donc finalement je m'en sortais plutôt bien.
Aujourd'hui, qu'avez-vous changé dans votre mode de vie ?
Je ne fume plus. J'ai toujours autant de mal à faire du sport, ce n'est pas mon truc. Mais je sais que c'est important, donc j'essaie de faire un minimum d'activité physique, de la marche ou du vélo quand il fait beau. Cela me fait du bien moralement surtout, cela libère l'esprit ! Côté alimentation, j'évite les viandes grasses, le sucre... Je ne me restreins pas mais je fais attention un minimum. Je fais cet effort car je sais que cela permet de diminuer les risques.
"J'ai appris à relativiser et à laisser glisser les événements stressants..."
Mais surtout, je n'hésite plus à voir mon cardiologue quand je sens que quelque chose ne va pas. J'écoute davantage mon corps et je suis attentive aux signaux d'alerte. J'ai aussi appris à relativiser et à laisser glisser les événements stressants ou contrariants plutôt que de les absorber. Car le corps s'en souvient ! Grâce à la rééducation que j'ai suivie après mon infarctus, j'ai d'ailleurs acquis quelques méthodes pour me détendre quand je suis trop stressée, cela peut être de la respiration, du yoga, de la méditation... Cela permet de se créer un carapace. J'ai enfin appris à dire non, à faire des breaks et à profiter des moments de détente à 300% !
Si vous deviez donner un conseil aux femmes ?
J'ai envie de leur dire qu'elles doivent prendre conscience qu'un infarctus peut arriver n'importe quand et à n'importe qui. Et même s'il met du temps à arriver, quand il nous tombe dessus, il peut être grave, voire fatal. C'est pourquoi il faut apprendre à anticiper au maximum, sutout à partir de 45-50 ans, surtout quand on est fumeuse ou en surpoids. Aussi, au moindre signe inhabituel et anormal (mal au ventre, mal de tête...), qu'elles n'hésitent pas à consulter pour demander à leur médecin ou à leur cardiologue : est-ce que mon coeur va bien ? Si l'on fait ça, on peut arriver à diminuer le taux d'infarctus. Je crois que le plus important, c'est d'être vigilantes et nous écouter.