Messieurs, attention à l'abus d'ibuprofène !
Consommé fréquemment et à forte dose, l'ibuprofène pourrait altérer la production de testostérone chez les hommes, particulièrement chez les sportifs. Explications.
En France, près de 18 millions de boîtes d'ibuprofène sont vendues chaque année. Redoutable pour soulager les douleurs dentaires et rhumatismales, les maux de tête ou la fièvre, ce médicament délivré sans ordonnance sous de nombreuses appellations (Advil, Antarène, Nurofen) ne serait pas sans risque pour la gent masculine. Et particulièrement pour les sportifs qui utilisent cet anti-inflammatoire pour prévenir et anticiper les douleurs liées à l'effort. C'est en tout cas ce que révèle une étude franco-danoise publiée dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), le lundi 8 janvier 2017.
Pour parvenir à ces conclusions, des chercheurs de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) de Rennes, en partenariat avec un laboratoire danois, ont étudié la production de testostérone de 31 sportifs volontaires âgés de 18 à 35 ans. Près de la moitié d'entre eux (14) ont consommé cet anti-inflammatoire quotidiennement à fortes doses (1 200 g par jour) et les autres ont pris un placebo. Résultats : Au bout de 14 jours, les scientifiques ont remarqué une forte hausse du taux d'hormone hypophysaire (LH), une hormone qui joue un rôle clef dans la production de testostérone, chez les hommes qui ont pris de l'ibuprofène. Ces tests menés en laboratoire montrent également des effets délétères sur la production d'autres hormones testiculaires, entrant dans la fabrication de spermatozoïdes. Toutefois, le taux de production de l'hormone masculine est restée stable. Cela "est le signe d'un hypogonadisme compensé : les testicules qui peinent à produire la testostérone sont hyperstimulés par l'hypophyse pour maintenir ce taux de testostérone", explique Bernard Jégou, responsable de ces travaux et directeur à l'Inserm, avant de préciser que "ce déséquilibre hormonal lié à des troubles reproductifs et physiques touche habituellement 10 % des hommes âgés" : en effet, l'hypophyse se fatigue avec l'âge, leur taux de testostérone et leur fertilité chutent. Le chercheur et son équipe, qui ont déjà souligné l'an dernier les effets néfastes de l'ibuprofène sur la femme enceinte, vont même plus loin, "de toutes les molécules que j'ai testées, l'ibuprofène est la plus efficace pour provoquer des déséquilibres hormonaux à la fois chez l'adulte et le fœtus".
Ibuprofène à usage préventif : inutile et dangereux ! Les chercheurs se montrent tout de même rassurants et insistent sur le fait que les bienfaits de l'ibuprofène sont bien plus importants que les effets secondaires chez les personnes qui en ont réellement besoin au quotidien. Autrement dit, les chercheurs conseillent de continuer le traitement aux personnes qui souffrent de maladie chronique, après bien entendu un avis médical. Toutefois, "un usage préventif chez les sportifs n'a aucun sens. En plus d'être inutile, il les expose à des risques rénaux, cardiovasculaires et d'hémorragies digestives", tonne Bernard Jégou dans la revue américaine. Enfin, malgré les effets néfastes d'une prise prolongée et élevée d'ibuprofène, les conséquences sur le long terme restent inconnues. Leurs effets sont-ils totalement réversibles ? Observe-t-on les mêmes résultats avec d'autres anti-inflammatoires non stéroïdiens ? Les chercheurs comptent affiner leurs recherches en poursuivant d'autres études.