Bienvenue dans le cabinet médical connecté
A l'intérieur des télécabines médicales, il n'y a pas de médecin, mais un écran et des capteurs pour mesurer la tension ou faire un bilan auditif. Objectif : améliorer l'accès aux soins, pour tous, sur tout le territoire.
La société H4D s'est lancée dans l'aventure de la télémédecine il y a quelques années, en lançant après plusieurs années de développement ses premières télécabines connectées. Actuellement, près d'une vingtaine de télécabines sont opérationnelles en France.
Rassurez-vous, il ne s'agit pas de remplacer le cabinet médical traditionnel. L'idée est en fait de venir soutenir l'offre de soins classique dans les zones sous médicalisées. Avec pour objectif d'améliorer l'accès à la santé de proximité pour le plus grand nombre de personnes. "Je suis parti d'un constat de terrain très simple, nous explique le docteur Frank Baudino, ex-médecin urgentiste et concepteur de la télécabine, c'est que les difficultés d'accès aux soins touchent désormais aussi les pays développés, dont la France." D'où l'idée d'apporter une solution qui puisse venir en aide aux patients isolés géographiquement. Mais pas que. "Au-delà de la problématique des déserts médicaux, les télécabines peuvent aussi apporter une aide en zone urbaine. Je pense par exemple aux personnes âgées qui ne vont pas toujours chez le médecin parce qu'elles sont isolées socialement. Mais aussi aux étudiants, qui une fois loin de chez eux, souvent pour des raisons économiques, renoncent à se soigner."
A quoi ça ressemble ? La cabine ressemble à une cabine de douche, de 2,50 m de haut sur 1,80 m de large, équipée sur ses parois, de capteurs et d'un écran. Ces capteurs permettent de mesurer des paramètres physiologiques, tels que le poids, la taille, la température, la tension artérielle ou encore la fréquence cardiaque. Ainsi que des examens cliniques : bilans ophtalmologiques, ORL ou encore dermatologiques.
Pour le patient, comment ça se passe ? Une fois entré dans la cabine, le patient communique à distance avec un médecin par visioconférence. Celui-ci est équipé d'un logiciel sécurisé installé dans son cabinet. A l'heure dite, un voyant rouge lui indique l'appel de son patient. La téléconsultation commence de manière habituelle par un interrogatoire des plus classiques (antécédents médicaux...), puis le médecin, formé à la télémédecine, va guider son patient afin de l'aider à utiliser les capteurs. Ces derniers sont numérotés afin de faciliter leur utilisation. Sous le contrôle permanent du médecin, le patient réalise donc lui-même son examen médical. Le médecin peut ainsi regarder ses tympans, prendre sa tension, observer un grain de beauté, etc. "Imaginons un patient qui consulte suite à une crise d'asthme [hors cas d'urgence, NDLR]. Le médecin va le guider afin d'écouter ses poumons avec un stéthoscope ou mesurer son taux d'oxygène dans le sang. Il peut aussi, si besoin, lui faire une prescription, de sorte que le patient repart avec son ordonnance."
Une question survient quand même naturellement : est-ce que l'absence de contact direct entre le médecin et le patient ne nuit pas à la relation ? "Pour le moment, le retour global que nous avons des patients est vraiment positif car en réalité la relation médecin-malade est toujours présente. Pendant toute la consultation, le médecin n'est certes pas présent physiquement, mais il l'est par la voix et l'image. Et surtout, il est présent avec son patient pour le guider, lui parler, interagir…, développe le Dr Baudino. Et quid de la sécurisation des données ? Sur ce point, le médecin se veut là aussi rassurant : "la télécabine, comme tout dispositif médical répond à des des normes qualité strictes. Les données des patients sont stockées dans des bases sécurisées, auxquelles le médecin seul peut accéder." Par ailleurs, le tarif est le même que pour une consultation classique. La cabine est en effet équipée d'un lecteur de carte vitale.
Pour quels types de soins ? Tous les soins ne sont pas adaptés à cette prise en charge. D'abord, il faut exclure tous les soins d'urgence vitale. De même que les soins invasifs, de type plaies ou vaccination, concède le médecin. Par ailleurs, ces consultations à distance ne sont pas adaptées pour les personnes psychiquement désorientées. Ni pour des malades chroniques. "L'idée est de venir en relais de l'activité médicale lorsque l'offre médicale est insuffisante, mais pas de suivre des patients sur le long terme." Et c'est pour éviter toute demande farfelue ou non appropriée qu'une étape de régulation est indispensable au moment où le patient appelle un opérateur ou le Samu. "Si le patient peut être pris en charge en téléconsultation, on lui propose cette option, qu'il peut évidemment refuser", précise encore le Dr Baudino.
L'idée séduit les mutuelles étudiantes. L'autre intérêt de la télécabine, c'est de pouvoir réaliser des bilans de santé dans le cadre d'actions de prévention ou de dépistage ponctuel. Ici, il ne s'agit pas de cabines de téléconsultations : les patients, guidés pas une voie off, sont seuls dans la cabine. Ainsi, des programmes de suivi de l'obésité ou de l'arrêt du tabac peuvent être mis en place au sein d'hôpitaux, de maisons de retraite, et même d'entreprises privées. Une télécabine a par exemple été installée au centre de la Smerep à Paris afin d'inciter les étudiants à faire régulièrement des bilans de santé.
Encore des réticences. Si la télécabine ne remplacera jamais la consultation médicale classique, elle peut sans doute contribuer à améliorer l'accès aux soins pour tous. A condition de l'intégrer dans un parcours de soin, en coopération avec les acteurs locaux. Sans quoi le risque est de voir apparaître des réticences du côté des professionnels de santé. "Si on installe une télécabine sans les prévenir, il est évident qu'ils y seront hostiles, analyse Frank Baudino. Mais ce n'est pas l'objectif et globalement jusqu'à aujourd'hui, les télécabines sont bien perçues par les médecins, justement parce qu'il sont associés et intégrés tout au long du projet. C'est un point évidemment crucial. Les télécabines sont des supports à leur activité. Sans les médecins, elles n'ont aucune utilité. Ce sont eux qui font la réussite des projets !"
Mais nul doute que cela prendra du temps. En effet, il n'est pas question d'imposer trop vite ces nouvelles cabines sans se demander, en amont, pourquoi on les installe et comment ? "Avant de se lancer, il faut savoir ce que l'on veut faire et quel service médical on veut rendre. Et ne pas se tromper d'objectif. Si les besoins sont bien qualifiés, ça fonctionnera, mais c'est le nerf de la guerre !"