Paquet neutre, tiers payant généralisé… : le Sénat n’en veut pas

Le Sénat, majoritairement à droite, examinait cette semaine la loi Santé. Le texte, profondément remanié, fait disparaître (momentanément) les mesures phares portées par Marisol Touraine, le paquet neutre et le tiers payant.

Paquet neutre, tiers payant généralisé… : le Sénat n’en veut pas
© Sénat

Réunie le mercredi 22 juillet 2015, la commission des affaires sociales du Sénat, présidée par Amain Milon (Vaucluse – Les Républicains), a examiné le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Au final, le texte est profondément remanié : 206 amendements sur 209 ont été adoptés et 50 articles ont été supprimés. De plus, les sénateurs n'ont pas manqué de critiquer certaines dispositions relevant à son sens davantage d’une "volonté d’affichage" et alourdissant le texte de loi déjà "volumineux".

Non sans surprise, l’article relatif à la généralisation du tiers-payant, adopté en avril dernier par les députés, a été supprimé, la commission estimant "complexe" sa mise en œuvre et pas véritablement nécessaire "dès lors qu’elle s’appliquait déjà aux publics les plus fragiles et aux patients atteints d’affections de longue durée".

Paquet neutre et lobbys. Autre sujet très attendu, les mesures relatives au tabac. Alors que la ministre de la Santé avait réuni lundi les pays favorables au paquet de cigarette sans logo, notamment l’Australie, mais aussi le Royaume-Uni et l’Irlande, la commission a jugé prématuré l’engouement pour le paquet neutre, selon elle "peu partagé par nos partenaires européens." Aussi, a-t-elle adopté un amendement substituant à l’instauration du paquet neutre une stricte transposition de la directive européenne prévoyant de porter à 65 % la surface des paquets de cigarettes consacrée aux avertissements sanitaires. L’Association nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA) a déploré la suppression de cette mesure "anti-marketing efficace pour réduire les dommages sanitaires, défendue par la ministre de la santé Marisol Touraine, et promue par dix autres pays occidentaux."Avant de dénoncer l’influence des lobbys du tabac, comme ceux de l’alcool sur les sénateurs, dont l’objectif est le même : "laisser la plus grande liberté au marketing ou à la publicité, et au commerce, et qu'importent les dommages sanitaires et sociaux." "Le Sénat, soucieux des intérêts des industriels du tabac comme il l'a été de ceux du lobby de l'alcool, traite avec la plus grande désinvolture les 73 000 morts annuels dus au tabac, soit de la même manière que les 49 000 morts imputables à l'alcool", regrette encore l’ANPAA. Le paquet neutre pourra toutefois être réintroduit en séance, en septembre, ou rétabli en nouvelle lecture à l’Assemblée, qui aura le dernier mot.

IVG, don d’organe : un pas en arrière. Par ailleurs, jugeant que certaines dispositions ne pouvaient être traitées au détour d’un amendement, alors qu’elles révélaient de réflexions plus approfondies dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, la commission a décidé de les supprimer. Sont concernées, les mesures visant à renforcer le consentement présumé au don d’organes et à supprimer le délai de réflexion de sept jours entre deux consultations pour l’IVG.

Déserts médicaux : non aux mesures coercitives. Même si les sénateurs jugent essentiel de discuter la question des déserts médicaux, ils ont rejeté la proposition de la commission du développement durable portée par Hervé Maurey (Eure – IDI-UC). À contre-courant de ce que prône le gouvernement, l'amendement qu'il avait proposé visait à introduire le conventionnement sélectif dans les zones surdotées afin de réguler l'installation des médecins (et qui existe déjà pour les autres professionnels de santé). En d’autres termes, si un praticien libéral veut s'installer en zone où ses confrères sont déjà nombreux, il ne sera pas conventionné par la Sécu et ses patients ne seront donc pas remboursés. Une mesure musclée visant à prendre à bras le corps le problème de la désertification médicale qui s’aggrave chaque année. "On fait de l’incitatif depuis 25 ans et cela ne marche pas", avait déclaré Hervé Maurey lors d’une conférence de presse, avant d’ajouter "les mesurettes ne suffisent plus, il faut arrêter la politique du tout incitatif". Déplorant que certaines pathologies chroniques comme le diabète nécessitent des consultations régulières, mais que dans certains territoires, les malades ne peuvent se faire soigner que tous les six mois, le sénateur avait ajouté qu'il fallait "écouter les concitoyens" et avoir "une politique courageuse, loin des lobbys des médecins et étudiants en médecine".