L'affaire des prothèses de hanche pointe (encore) des failles de surveillance
Un homme de 46 ans victime de problèmes de santé à la suite de la pose d’une prothèse de hanche, dépose plainte contre l’Agence du médicament.
Frédéric Simon, 46 ans, a dû se faire réopérer pour se faire retirer une prothèse de hanche posée quatre ans plus tôt en février 2010. L’homme avait en effet rapidement ressenti des douleurs à la suite de l’opération qui s’était par ailleurs bien déroulée. "Fin 2013, en me baissant, j’ai entendu un grincement équivalent à celui d’une porte rouillée, au niveau de la hanche", raconte-t-il au Parisien. Inquiet, il se rend chez son médecin, qui lui prescrit des analyses de sang, faisant apparaître un taux anormal de cobalt de 4,2 mg par litre, soit plus de quatre fois la dose maximale habituelle. "Les médecins m’ont alors dit que cette présence de cobalt en trop grande quantité dans le sang était due à une usure anormale de la prothèse de hanche. Je suis tombé des nues car personne ne m’avait averti du danger." Opéré une seconde fois le 4 août 2014, le toulonnais s’est fait remplacer la prothèse en métal par une autre, en céramique. "Depuis, je vais mieux. Le dosage en cobalt est redevenu normal." Mais pour l'heure, Frédéric Simon est en colère et n’admet pas d’avoir été exposé à un risque, alors que celui-ci était connu des autorités et du fabricant.
Audience le 3 juin. Ses avocats assignent, devant le tribunal de grande instance de Bobigny, le fabricant de prothèses (Smith and Nephew), l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et la Sécurité sociale, a confirmé ce mardi l’AFP. Ils demandent au tribunal la désignation d'experts afin de démontrer le lien de causalité entre la prothèse et l'état de santé de leur client, et, le cas échéant, de faire procéder à son indemnisation. L’autre question que pose cette affaire, c’est de savoir pourquoi les autorités de santé françaises ont laissé sur le marché des prothèses qui avaient été retirées de la circulation dès 2010 aux Etats-Unis. L’audience est prévue le 3 juin prochain.
Rappel mondial de prothèses de hanche dès 2009. Ce n’est pas la première fois que les prothèses de hanche suscitent inquiétudes et interrogations. Déjà en 2012, le Figaro révélait que les autorités de santé françaises avaient tardé à réagir pour retirer du marché des prothèses de hanche fabriquées par la société DePuy. De fait, malgré des alertes lancées à l'étranger dès 2007 et un retrait définitif du marché australien, puis américain fin 2009, la firme continuera à vendre ses prothèses en toute légalité en France. Il faudra attendre août 2010 pour qu’une lettre soit diffusée par le fabricant aux chirurgiens, hôpitaux et cliniques pour les alerter.
Puis, en mars 2012, une étude de la revue Lancet relance la polémique. Réalisée entre 2003 et 2011, elle révèle alors des taux de réintervention chirurgicale très supérieurs chez les patients porteurs des prothèses en métal par rapport à celles en céramique. Suite à cet article, la Commission européenne met en place une action coordonnée à l'échelle européenne afin d’évaluer les bénéfices et risques de chacune des prothèses. Les résultats, connus seulement deux ans plus tard, conduisent l’ANSM à revoir ses recommandations en décembre 2014. Elle conseille alors aux chirurgiens orthopédiques de ne pas utiliser ces prothèses chez les femmes en âge de procréer et chez les patients allergiques à des métaux. En outre, concernant les prothèses (dites de resurfaçage), qui ont fait l’objet d’observations inquiétantes ces dernières années, l’ANSM préconise de restreindre leur utilisation aux hommes jeunes, à l’activité physique très intense. "Il existe en effet un intérêt fonctionnel de ce type de prothèses dans ces quelques rares situations cliniques très précises. Cette chirurgie doit, de plus, être réservée à quelques chirurgiens maîtrisant la technique opératoire spécifique à cet implant ainsi que le parfait positionnement de celui-ci."
Prothèses mammaires, prothèses de hanche… Quel suivi ? A-t-on vraiment tiré des leçons de l'affaire des prothèses PIP ? Au-delà de l’affaire judiciaire qui s’ouvre aujourd’hui, c’est encore une fois la question de la surveillance des dispositifs médicaux qui est soulevée. Car contrairement aux médicaments, le processus de mise sur le marché de ces derniers est beaucoup plus simple. Et surtout, leur dispositif de surveillance est inexistant.
En mars dernier, à l’occasion d’une conférence de presse sur les cas de lymphomes associés au port de prothèses mammaires, Marisol Touraine avait exprimé son souhait de "renforcer le dispositif réglementaire et législatif assurant la qualité et la sécurité des dispositifs médicaux implantables les plus à risque". Car si une révision législative est engagée au niveau européen, la ministre de la santé avait déploré qu’elle soit sans cesse "repoussée".
En attendant, un amendement au projet de loi de Santé a été déposé et adopté par les députés afin de renforcer le suivi et la traçabilité des dispositifs médicaux au niveau national. Celui-ci impose aux industriels de fournir un résumé des caractéristiques du produit à l’Agence du médicament et la tenue de registres dans les établissements de santé afin de détecter très en amont les problèmes de sécurité et/ou les moindres performances de certains dispositifs médicaux.
En 2013, environ 3000 personnes se sont fait poser des prothèses de hanche de ce type, soit 2% de l'ensemble des 140 000 prothèses de hanche implantées en France.