Vaccination par les pharmaciens : les généralistes piqués au vif
La ministre de la Santé souhaite donner aux pharmaciens la possibilité de vacciner les patients afin de lutter contre la désertification médicale et améliorer la couverture vaccinale. Mais les médecins désapprouvent.
Dès 2015, le pharmacien pourra vous vacciner contre la grippe. C'est en tout cas ce que prévoit le projet de loi de santé dévoilé par Marisol Touraine la semaine dernière. Objectif : améliorer l'accès de la population à la vaccination et couvrir à terme 95 % des Français. Dans le cas de la grippe par exemple, la vaccination reste le premier rempart pour protéger les personnes les plus fragiles, à savoir les plus de 65 ans et les personnes souffrant de maladies chroniques. Pourtant, la couverture vaccinale de ces populations à risque baisse régulièrement. Or selon les dernières estimations de l'InVS, 3 000 décès pourraient être évités si la couverture vaccinale atteignait l'objectif de 75 % fixé par l'OMS. Du côté des pharmaciens, la proposition a été bien accueillie. "Chaque jour, 3,5 millions de personnes poussent la porte d'une de nos officines. Nous sommes donc bien placés pour amener à la vaccination des personnes qui vont très peu souvent chez le médecin", a indiqué Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). La mesure doit permettre de "simplifier les choses" et de "favoriser la vaccination", a de plus affirmé la ministre de la Santé, invitée d'iTélé ce lundi soir. L'idée étant de pousser chaque Français à "se protéger soi-même" et à "protéger les autres" en bénéficiant de la facilité d'accès à leur pharmacie. "Il y a de moins en moins de gens qui se vaccinent [...] Si vous prenez un vaccin contre la grippe, chez les plus de 65 ans, a-t-elle ajouté, il y a un Français sur deux seulement qui se vaccine", a-t-elle déploré.
Les sages-femmes aussi. Au-delà des pharmaciens, la loi prévoit d'élargir les compétences d'autres professionnels de santé afin que les médecins généralistes puissent se consacrer davantage aux tâches purement médicales. Ainsi, le projet de loi ferait évoluer aussi le rôle et la place des sages-femmes. Elles pourront ainsi vacciner l'entourage des femmes et des nouveaux-nés (père, fraterie, grand-parents, etc.), prescrire des substituts nicotiniques ou encore réaliser des IVG médicamenteuses afin de faciliter son accès sur l'ensemble du territoire.
Les généralistes grincent les dents. Mais les syndicats de médecins généralistes ont déjà fait savoir qu'ils sont opposés à ce transfert de compétences. Ils dénoncent "l'absence de concertation ayant précédé cette annonce" et s'inquiètent des "conditions de ces vaccinations, comme de la traçabilité des actes effectués". Selon eux, la vaccination est un acte médical. Interrogé par le Parisien, Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) explique que "sous prétexte d'améliorer la vaccination, on la banalise en permettant à tout le monde de la pratiquer. La conséquence sera la même que lorsqu'en 2009 on a vacciné à tour de bras dans les gymnases contre la grippe H1N1 : les gens se sont méfiés."
Ce qui est clair, c'est que cette énième polémique autour de la vaccination, risque peut-être une fois de plus de décourager les Français, déjà frileux, à se faire vacciner.