Quand la cuisine moléculaire flirte avec les dangers sanitaires

Alors que l'engouement pour la cuisine moléculaire ne cesse d'envahir les tables des grands restaurants étoilés, il s'avère que cette dernière peut gravement nuire à la santé. Retour sur les dérives et les dangers d'une cuisine hors du commun.

Quand la cuisine moléculaire flirte avec les dangers sanitaires
© margouillat photo - Fotolia.com
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Un plat de Ferran Adrià © Francesc Guillamet

Le 30 juillet 2011, les amateurs de grande cuisine et de découvertes en tous genres ont vécu avec une certaine nostalgie la fermeture provisoire du restaurant El Bulli. Fondé en 1961 et consacré "Meilleur restaurant du monde", cette cantine de luxe avait pour particularité de proposer une cuisine tout à fait révolutionnaire : la gastronomie moléculaire. Mais que les gourmands se rassurent, El Bulli rouvrira ses portes en 2014 avec un nouveau projet à visée écologique.

Il faut savoir que la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique inventée par Nicholas Kurti et Hervé This en 1985. Bien sûr, de grands physiciens et chimistes, comme Parmentier ou Lavoisier, s'étaient déjà penchés sur la question alimentaire, mais c'est véritablement Kurti et This qui l'ont exploitée et développée comme une spécialité à part entière.

Aujourd'hui très à la mode, la cuisine moléculaire fait un véritable tabac, quitte à parfois flirter avec les dangers sanitaires...

Consommateurs et cobayes, tous dans le même panier 

En apparence très "hype", et donc forcément bonne pour la santé, la cuisine moléculaire peut en berner plus d'un. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une expérience chimique testée sur un consommateur aveuglé par l'œuvre d'art exposée dans son assiette. 

Un internaute raconte sur Slate : "Il y a quelques années une sauce au tabac chez El Bulli a envoyé un ami à l'hôpital, ce qui est normal la nicotine étant un poison puissant". Effectivement, tout n'est pas bon à la consommation, et pourtant Adrià semble ne pas avoir pris de précaution.

En 2009, un journaliste allemand, Jörg Zipprick, publie Les dessous peu appétissants de la cuisine moléculaire, une diatribe virulente qui dénonce les pratiques douteuses de certains grands chefs tels que Ferran Adrià.

L'auteur y explique que la cuisine moléculaire contient trop d'additifs tels que le glutamate ou la catharantine. Ces produits, exhausteurs de goût et conservateurs, consommés en trop grande quantité peuvent en effet s'avérer très nocifs pour la santé. Le lycopène par exemple favorise les démences du type Alzheimer ou Parkinson.

Ce pamphlet n'est pas le premier discours explosif à avoir attaqué la cuisine de Ferran Adrià, et donc indirectement la cuisine moléculaire en général. Il fait en fait office de soutien au chef trois étoiles Santi Santamaria qui avait déjà accusé Adrià d'empoisonner ses clients à coups de produits chimiques.

"Du point de vue de la médecine nutritionnelle, la cuisine moléculaire doit être vue d'un œil critique. Certaines recettes fonctionnent comme de véritables cocktails chimiques", explique le docteur Suzanne Kübler.

 

A l'origine, des enjeux bénéfiques

 

Toutefois, malgré les aspects peu engageants liés à l'étude et la manipulation chimiques des aliments, la gastronomie moléculaire s'avère très pratique dans le domaine des régimes alimentaires stricts. Certains aliments peuvent en effet se substituer facilement à d'autres produits et permettent ainsi d'éviter réactions allergiques et autres intolérances. Le sucre, par exemple, peut facilement être remplacé par le sorbitol, un édulcorant naturel faisant partie de la famille des additifs.

De même pour les œufs qui possèdent des propriétés émulsifiantes, moussantes et coagulantes, ce qui les rend plutôt indispensables en cuisine. Or, il s'agit de protéines potentiellement allergisantes. Il est donc possible de substituer l'agar-agar à l'œuf, sorte de gélatine extraite de certaines algues rouges et qui possède des propriétés comparables à celles de l'œuf.

 

Mais la gastronomie moléculaire n'assure pas seulement  la substitution d'aliments par d'autres. Elle permet également de réduire les risques de contamination bactérienne dans l'industrie agroalimentaire. L'une des infections les plus répandues est la salmonellose. Celle-ci provient de la bactérie Salmonella que l'on retrouve fréquemment dans les œufs crus, mal cuits ou périmés. 

Or, avec l'industrie massive de fabrication de plats préparés, il n'est pas dit que le consommateur soit à l'abri d'une infection type salmonellose. Dans ces cas-là, l'étude physico-chimique des aliments permet d'assurer la comestibilité de produits cuisinés et non frais commercialisés dans les grandes surfaces. C'est ainsi que l'on peut consommer des plats préparés Fleury-Michon ou Picard dont la date de fabrication ne correspond pas au jour de l'achat sans risquer l'intoxication alimentaire.

De la gastronomie à la cuisine moléculaire

La gastronomie moléculaire a rapidement suscité l'intérêt de nombreux chefs qui ont vu en elle l'occasion de donner un second souffle à leur cuisine. En effet, pourquoi ne pas associer cuisine et laboratoire ? Après tout, les chefs peuvent être assimilés à des chimistes culinaires. C'est ainsi que de nombreux restaurants – de luxe pour la plupart – se sont mis à proposer des plats atypiques, mélangeant textures et saveurs pour le plus grand bonheur des snobs de la papille.

 

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Risotto de Soja sans riz, par Thierry Marx © bloggyboulga - Flickr

Parmi les chefs moléculaires français, on retrouve Pierre Gagnaire, Marc Veyrat, ainsi que Thierry Marx qui a profité de l'émission Top Chef pour faire découvrir ses talents de chimiste aux téléspectateurs assidus de la chaîne M6.

La gastronomie moléculaire s'est désormais émancipée de la section recherche pour s'étendre au domaine culinaire proprement dit. Il ne s'agit plus uniquement de contrôler l'industrie agroalimentaire, mais également d'exploiter une nouvelle forme de bonne chère.

Autant dire qu'une cuisine branchée ne fait pas toujours la qualité !