Est-ce que les psys doivent voir un psy ?
Notre psychologue lève le mystère.
Cette question, bien que légitime, peut faire sourire. C'est un peu comme si on demandait si un coiffeur allait chez le coiffeur ou à un boulanger s'il achetait du pain dans une autre boulangerie. Pour autant, il y aurait plusieurs intérêts pour un psy d'aller voir un autre psy.
Déjà, d'un point de vue purement personnel, le fait d'être psychologue ne protège pas de moments de doute, d'angoisse ou de périodes difficiles à traverser. C'est un être humain comme tout le monde qui peut souffrir de dépression, de problèmes de couple, familiaux ou professionnels, traverser un deuil, un divorce, un licenciement, une lourde maladie... ou tout ce qui justifie d'aller consulter. "Dans ce cas, il enlève sa casquette de psychologue et se rend chez un psychologue en tant que "patient lambda" afin de suivre des séances de psy classiquement, indépendamment de son travail", nous explique Line Mourey, psychologue clinicienne et psychothérapeute (@la_parenthese_psy sur Instagram).
Ensuite, le psy peut aller voir un autre psy - généralement avec plus d'expérience que lui - dans le cadre de sa pratique professionnelle. On parle alors de "supervision". Le superviseur est un référent, une espèce de "maitre Yoda" comme aime à l'appeler notre interlocutrice, avec lequel le supervisé vient parler, non pas de sa vie privée, mais uniquement de sa pratique professionnelle. "Il peut par exemple aborder en séance une situation thérapeutique qui l'interroge, qui le renvoie à une émotion particulière, tout comme il peut faire le choix de parler d'une difficulté qui survient dans le cadre de sa profession", explique-t-elle. C'est un véritable espace de pensée et un soutien professionnel qui permet au supervisé in fine d'accompagner au mieux ses patients dans leur neutralité et essayer de rester le plus juste possible. C'est aussi un moment privilégié pour parler de son cadre de travail et des questions "d'éthique et de déontologie" en lien avec le cadre de travail. Par exemple, comment le professionnel peut se positionner quand il est confronté à telle ou telle situation (retard, non règlement de séance, dédommagement, durée des séances...).
Enfin, cela permet de s'assurer que l'on n'est pas en situation d'épuisement professionnel. "Le psychologue, comme le médecin ou beaucoup d'autres professions encaisse énormément la vie émotionnelle de nombreuses personnes et - les statistiques le montrent - est plus à risque d'épuisement professionnel. C'est vraiment une profession dans laquelle on a particulièrement besoin de travailler en réseau pour se sentir bien et ne pas faire d'erreurs. Il y a finalement peu de professions où on a la chance de pouvoir être accompagné comme tel". "Tous les psychologues peuvent être des superviseurs, mais on considère qu'il faut un minimum d'expérience pour pouvoir proposer des séances de supervision. Les superviseurs peuvent avoir eux-mêmes des superviseurs et ainsi de suite", précise la psychologue.
Aujourd'hui en France, il n'est pas obligatoire pour un psychologue d'avoir de la supervision, mais il est vivement recommandé d'en avoir régulièrement (par exemple une séance chaque mois). La supervision peut se faire de manière individuelle avec un confrère/consœur, ou en groupe d'intervision (rassemblement de plusieurs psychologues pour réfléchir à leur pratique : ici, il n'y a pas de "superviseur spécifique", chacun contribue à la réflexion sur la situation rencontrée par un collègue) ou encore en groupe avec un superviseur (dans ce cas, on parlera plutôt de séances d'analyse de la pratique). A savoir que pour valider certaines formations complémentaires de psychothérapie (Thérapie comportementale et cognitives - TCC, EMDR...), une supervision peut être demandée.