Hybristophilie : comment des femmes peuvent tomber amoureuses de criminels ?

Mi-janvier 2024, une information fait la Une des médias et choque : Nordahl Lelandais, condamné à la prison à perpétuité pour les meurtres de la fillette Maëlys de Ajauro et d'Arthur Noyer en 2017, et condamné aussi pour l'agression sexuelle d'une de ses petites-cousines, est devenu père en prison. Avant lui, d'autres criminels comme Charles Manson, Marc Dutroux ou encore Guy Georges ont suscité eux aussi l'attirance de femmes. "Comment est-ce possible ?" diront certains. Effectivement, qu'est-ce qui peut expliquer une telle fascination pour des criminels jusqu'à leur écrire des lettres, aller les rencontrer en prison, avoir des relations sexuelles et garder un enfant de telles personnalités ? On appelle cela "l'hybristophilie".

Qu'est-ce que l'hybristophilie ?

L'hybristophilie est un terme utilisé pour décrire une attirance ou une excitation sexuelle liée à des partenaires qui ont commis des actes criminels, en particulier des crimes graves tels que le meurtre, le viol ou d'autres comportements violents. "Les personnes attirées par des criminels peuvent être fascinées et séduites par le danger, le mystère, la force ou le pouvoir que ces individus peuvent représenter" nous explique le Dr Mathieu Lacambre, coordonnateur de la Filière de psychiatrie Légale du CHU de Montpellier. L'hybristophilie n'est pas universellement acceptée comme un trouble psychiatrique, et les opinions sur son existence et sa validité peuvent varier parmi les professionnels de la santé mentale et les outils théoriques utilisés. "Certaines personnes peuvent être attirées par des criminels en raison de problèmes personnels ou de traumatismes antérieurs, mais cela ne s'applique pas à tout le monde. Comme pour tout comportement humain complexe, il est difficile de généraliser et de fournir une explication unique pour ce type d'attirance."

Comment se manifeste l'hybristophilie ?

Cela dépend des personnes. "Certains individus manifestent leur hybristophilie par un intérêt marqué pour les criminels notoires, poursuit le spécialiste. Ils peuvent suivre de près les actualités concernant des crimes graves ou s'immerger dans des documentaires, des films ou des livres traitant de tels sujets." D'autres peuvent chercher à établir une correspondance avec des détenus. "Cela peut se faire par le biais de lettres, de visites en prison, voire de relations amoureuses pouvant aller jusqu'au mariage en détention." Enfin, certains individus peuvent idéaliser ou romantiser le criminel, attribuant des traits positifs ou mystérieux à leur personnalité, malgré les actes répréhensibles qu'ils ont commis.

Quelles sont les causes de l'hybristophilie ?

L'origine de l'hybristophilie reste complexe et peut être associée à différents facteurs psychologiques et émotionnels. Selon notre interlocuteur, elle peut résulter :

• de problèmes personnels profonds
• de besoins non satisfaits dans la vie de la personne concernée
• d'expériences traumatisantes dans leur propre vie. "Le traumatisme peut créer un besoin de compréhension ou de contrôle, et l'attraction envers des criminels peut être une façon de traiter ces expériences."
• d'un désir inconscient de contrôler ou de manipuler des situations complexes et potentiellement dangereuses à travers le lien créé avec la personne criminelle
• de troubles de la personnalité
• d'une envie de transgresser des normes sociales en étant attiré par des comportements socialement inacceptables ou interdits, l'idée peut être "source d'excitation"
• de fantasmes liés au danger, à l'interdit, à la répétition des crimes ou à des scénarios de pouvoir

Enfin, "certaines personnes peuvent ressentir un déficit émotionnel ou une difficulté à établir des relations saines, et l'attraction envers des criminels peut être une tentative de combler ce vide émotionnel".

Quels sont les traitements de l'hybristophilie ?

L'hybristophilie n'est pas officiellement reconnue comme un trouble psychiatrique distinct dans les manuels diagnostiques tels que le DSM 5-TR. "Par conséquent, il n'y a pas de protocole de traitement standardisé spécifique pour cette attirance", confie notre interlocuteur. Cependant, plusieurs approches peuvent être mises en place :

• Consultation d'un professionnel de la santé mentale : Un psychologue, un psychiatre ou un thérapeute peut aider à explorer les causes de l'hybristophilie et à développer une compréhension plus profonde des facteurs qui contribuent à cette attirance. "Ils peuvent également fournir un soutien émotionnel et des outils pour gérer ces sentiments."
• Thérapie individuelle : La thérapie individuelle peut être bénéfique pour aider la personne à explorer les expériences de vie, les émotions et les schémas de pensée qui peuvent contribuer à l'hybristophilie. "Des approches telles que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peuvent être utilisées pour travailler sur des schémas de pensée et de comportement spécifiques."
• Thérapie de groupe : Participer à des groupes de soutien ou à des thérapies de groupe peut offrir à la personne l'occasion de partager ses expériences avec d'autres qui peuvent comprendre et apporter un soutien mutuel.

Quels sont les dangers de l'hybristophilie ?

L'hybristophilie en soi n'est pas considérée comme dangereuse, mais les comportements qui peuvent découler de cette attirance peuvent l'être.

"La fascination favorise la mise en place d'une relation d'emprise pathologique"

"Par exemple, si une personne attirée par des criminels entre en relation avec un criminel dangereux, cela peut présenter des risques pour sa sécurité, rappelle le psychiatre. En effet, la fascination altère les capacités de jugement et favorise la mise en place d'une relation d'emprise pathologique". La sécurité personnelle doit toujours être une priorité, et il est essentiel de faire preuve de discernement lorsqu'on établit avec une personne une relation fondée sur la fascination du crime qu'elle a commis. "Les professionnels de la santé mentale peuvent aider à explorer les causes sous-jacentes de l'hybristophilie et à développer des stratégies pour favoriser des relations harmonieuses, saines et sécurisées", conclut le Dr Lacambre.