Comment avoir de la répartie ?

Lors d'une conversation ou d'un échange, la "bonne" phrase, bien sentie et dite avec aplomb, ne sort pas toujours facilement. Heureusement, le sens de la répartie se travaille et se développe ! Astuces et petits exercices avec Corinne Blanc-Faugère, psychosociologue, coach en éloquence et auteure.

Comment avoir de la répartie ?
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"J'aurais dû dire ça" ! On a tous déjà marmonné cette phrase après qu'une situation, qui nous a laissé sans voix, se soit passée. Que ce soit par peur des conséquences, par manque d'audace, par timidité, par susceptibilité ou par manque d'inspiration, ne pas savoir répondre du tac au tac est plutôt normal et fréquent. Au contraire, peu nombreux sont ceux qui parviennent à parfaitement maîtriser l'art de la réplique verbale. Bonne nouvelle, avoir le sens de la répartie et plus globalement une communication verbale fluide, se travaille et peut se développer grâce à plusieurs techniques. Voici les clefs et les astuces de Corinne Blanc-Faugère, psychosociologue, coach en éloquence et répartie, actrice et auteure de Maîtrisez l'art de la répartie aux Editions Leduc.

C'est quoi la répartie ?

"Selon moi, la répartie est tout simplement le fait d'avoir quelque chose à dire ou à répondre dans une situation donnée. En somme, il s'agit d'avoir une communication fluide et aisée. Il faut sortir des préconçus de la punchline qu'il faut dire au bon moment et qui va mettre son interlocuteur au sol comme si c'était un match de boxe. L'idée est de se sentir à l'aise dans une manière de répondre quelque chose, d'avoir une communication qui nous ressemble et qui est en phase avec qui on est", pose d'emblée notre interlocutrice. 

Quels sont les avantages d'avoir un bon sens de la répartie ? 

Cela dépend des contextes et des enjeux, mais de manière générale :

  • On gagne en affirmation de soi
  • On gagne en sérénité, avec une communication plus fluide
  • On évite l'effet "cocotte-minute" (à trop se contenir, les émotions débordent et explosent d'un coup)
  • On gagne en éloquence et en charisme

Est-on tous égaux face au sens de la répartie ?

"On n'est pas tous égaux face à la répartie mais on a tous la capacité de répondre et d'avoir des choses à dire. Ce n'est donc pas parce qu'on ne se sent pas capable de faire quelque chose, qu'on n'a pas le potentiel pour cela", insiste Corinne Blanc-Faugère. 

Pourquoi certaines personnes manquent de répartie ?

"L'impression de manquer de répartie est souvent liée à un manque de confiance ou d'affirmation de soi, et à l'intime conviction de ne pas être à la hauteur. On peut, dans une situation où on n'est pas à l'aise, se sentir un peu bête ou penser qu'on est incapable de répondre. On anticipe souvent le pire. Cela peut même engendrer un repli sur soi ou un isolement social, en entreprise par exemple, argue notre psychosociologue. A la lumière de notre culture française, ce qu'il se passe avec la communication, c'est que souvent, on se musèle et on ne s'autorise pas à répondre quelque chose. On est souvent pétri par le regard de l'autre. 

"Quand une question est posée à un autre interlocuteur, on peut essayer d'y répondre dans notre tête."

Et en parallèle, le fait d'avoir la bonne phrase du tac au tac est valorisé. Or, ce n'est pas possible, car si on a donné à notre cerveau l'habitude de ne pas parler et de se brimer, la répartie n'est pas naturelle. La bonne nouvelle est que la solution, on l'a en nous, puisque c'est souvent quelques heures après que l'on se dit "j'aurais dû répondre ça". En fait, la bonne phrase arrive généralement quelques heures après, dans un moment où on lâche prise."  

Comment améliorer son sens de la répartie ?

Corinne Blanc-Faugère
Corinne Blanc-Faugère © Droits réservés

Une personne qui estime ne pas avoir de répartie peut tout à fait en acquérir. Evidemment, il n'y a pas de recette toute faite. C'est par la pratique et les occasions de s'entraîner que la répartie sera de plus en plus intuitive. L'idée est de sédimenter sa réflexion et de trouver ses propres clefs pour développer sa propre répartie, étape par étape :

► Savoir lâcher prise et accepter d'y aller progressivement. Pour cela, on peut se demander quelle estime nous avons de nous-même, quelle valeur nous nous accordons, essayer de voir comment fonctionne notre cerveau et voir comment nous pouvons nous en servir à bon escient. Parfois, il faut savoir déconstruire son mode de pensée et s'autoriser à changer le regard que l'on porte sur nous-même. Et une fois que nous sommes plus à l'aise avec nous-même, ce sera plus facile d'être à l'aise avec les autres. 

► Tester sa répartie dans des environnements où on se sent à l'aise, avec ses amis ou sa famille par exemple. "Améliorer sa répartie passe nécessairement par la pratique. Voici un exercice-jeu relationnel que j'aime bien proposer pour "travailler" sa répartie. Quand une question est posée à un autre interlocuteur (au travail, entre amis, à la radio...), on peut essayer d'y répondre dans notre tête. "Si cette question m'avait été posée, qu'est-ce que j'aurais répondu ?". C'est une sorte de training positif et sans enjeu parce que personne n'entendra la réponse. Comme tout apprentissage, les débuts ne seront peut-être pas évidents, mais au fur et à mesure, les réponses sembleront plus naturelles", rassure Corinne Blanc-Faugère. Se mettre en action, considérer les occasions comme des opportunités de s'entraîner, tester sa créativité, essayer de répondre avec entrain, dynamisme, espièglerie, second degré, aplomb... Tout ceci contribue à un cercle vertueux dans lequel on ne peut que "progresser". 

Lorsque quelqu'un nous envoie une phrase piquante, faire mine de ne pas avoir compris et demander à répéter en regardant la personne dans les yeux.

 Commencer sa réponse par "oui même que". "Souvent, quand on se sent attaqué, on peut manquer de répartie et de recul. Face à une réflexion gratuite ou déstabilisante, je suggère de répondre une phrase qui commence par "oui même que". Cela a trois avantages : Un, de répondre quelque chose avec aplomb et donc de ne pas se museler. Deux, d'aller dans le sens de son interlocuteur, ce qui a un effet surprenant pour l'autre car il est peu habitué à ce type de réponse. Trois, nous apporter une sécurité intérieure car en ayant quelque chose à répondre, on entretient une image positive de nous-même. Par exemple, à la réflexion "c'est quoi cette coupe de cheveux ?", on peut répondre "oui même que j'ai fait beaucoup d'effort, je suis ravi que tu le remarques". De la même façon, lorsque quelqu'un nous envoie une phrase piquante, on peut faire mine de ne pas avoir compris et de demander à répéter en regardant la personne dans les yeux. 9 fois sur 10, la personne, déstabilisée, ne répétera pas car elle sentira que son effet n'a pas fonctionné. 

► Etre dans l'authenticité et trouver le répondant qui nous ressemble. Inutile de donner une autre image de nous-même. "J'invite chacun à être lui-même, y compris dans un entretien d'embauche, de savoir valoriser son parcours et ses choix de vie, avec authenticité. En ne mettant pas de masque, en donnant l'image de soi-même la plus réelle et la plus cohérente, c'est bien plus facile de justifier ses choix, ses valeurs, ses qualités, ses défauts...

► Etre le plus possible dans l'ici et maintenant. Ne pas s'auto-flageller en imaginant le pire (ces schémas alimentent nos peurs) et accueillir ce qu'il se passe au moment où on le vit. Les "il faut" et "je dois" sont à bannir car ils induisent une pression intérieure. "Si je pense être incapable de répondre, autant ne pas vivre la situation car je risque de la vivre comme une catastrophe. En revanche, si je n'anticipe pas le pire, je me laisse la possibilité d'être surpris par mon répondant et je laisse l'ouverture à un échange avec mon interlocuteur.

► Être dans l'écoute. "La personne qui estime ne pas avoir de répartie est souvent enfermée avec elle-même. Si elle commence à s'ouvrir, à être à l'écoute des autres, à observer l'environnement qui l'entoure, elle aura plus de facilité à se servir de ses observations et à avoir un échange fluide", conseille notre experte. Autre idée de formulation qui facilite la répartie et qui assoit l'écoute : commencer par "si j'ai bien compris...". 

► Ne pas avoir peur de ne pas savoir. Sortons du schéma que les gens veulent nous piéger et partons du principe que bien souvent, si une personne nous pose une question, c'est qu'elle estime que nous avons une légitimité à répondre. "Se taire peut aussi être une preuve de répartie. Donc même si vous n'avez pas la réponse, assumez de ne pas savoir et exprimez-le avec maturité et pertinence : "à l'heure actuelle, je ne peux pas vous répondre, je me renseigne et reviens vers-vous" ou dans une assemblée ou dans une réunion "je ne suis pas en mesure de répondre, est-ce que quelqu'un dans la salle aurait un élément de réponse ?". Ainsi, on montre qu'on est très à l'aise avec la communication, l'image, l'échange et qu'on n'a pas de tabou à ne pas savoir. 

► Regarder son interlocuteur dans les yeux. "On peut avoir la meilleure réponse du monde, si on la prononce en regardant ses chaussures, il n'y a pas d'intérêt. En revanche, on peut presque ne rien dire et avoir un sacré impact quand on soutient le regard de l'autre et quand on se tient droit", assure la coach. C'est surtout avec le langage non verbal que l'on cultive un aplomb. Enfin, il y a le paraverbal, "comment j'utilise ma voix", est-ce qu'elle chevrote ?"... "La répartie est un ensemble qui ne se résume pas qu'aux mots", complète l'experte en éloquence. 

► Actualiser les données. "L'impression de manquer de répartie peut être liée à des souvenirs d'école où on est resté coi face à une situation. Mais depuis, on a développé tellement de ressources qui ont permis de modeler une manière de répondre plus affirmée. L'idée est de ne plus se voir avec les freins que l'on avait enfant ou adolescent. Donc si on n'actualise pas régulièrement les données, on passe à côté de soi-même". 

► Et pourquoi pas tester les cours de théâtre ou les ateliers d'improvisation théâtrale "pour débrancher son mental et gagner en aisance. L'improvisation théâtrale fait peur, mais en réalité, on participe à des jeux d'impro toute la journée : on s'adapte au travail, à ses collègues, au temps qu'il fait, à ses proches... La vie est une longue improvisation à laquelle on participe sans s'en rendre compte"

Merci à Corinne Blanc-Faugère, psychosociologue, coach en éloquence et répartie, actrice et auteure de Maîtrisez l'art de la répartie aux Editions Leduc. Retrouvez-y de nombreux conseils, jeux, exercices et témoignages afin d'aller encore plus loin dans l'évolution de la répartie. Et aussi, son dernier livre "Vas vers toi-même et deviens !", un roman initiatique.