Intelligence émotionnelle : c'est quoi, test, la développer
L'intelligence émotionnelle est la capacité à percevoir, maîtriser, exprimer et décoder une émotion qui nous est propre ou chez les autres. Quelle influence sur sa vie personnelle ? Au travail ? Dans son rapport à l'autre ? Comment la développer ? Eclairage et conseils de Dana Castro, psychologue.
On mesure souvent l'intelligence de quelqu'un avec un test de QI (Quotient intellectuel). Mais savez-vous qu'il existe d'autres types d'intelligence ? Parmi eux, l'intelligence émotionnelle qui va au-delà des capacités cognitives et intellectuelles attribuées traditionnellement à la notion d'intelligence. L'intelligence émotionnelle correspond à la capacité à avoir une compréhension de soi-même et des autres dans un contexte social. Autrement dit, c'est percevoir, analyser et maîtriser ses propres émotions et composer avec celles des autres. Quelles sont les caractéristiques de l'intelligence émotionnelle ? Quel test pour la mesurer ? Comment la développer ? Dans sa vie personnelle ? Dans sa vie professionnelle ?
Définition : qu'est-ce que l'intelligence émotionnelle ?
L'intelligence émotionnelle (abrégée EI ou IE) représente "la capacité qu'ont certaines personnes à reconnaître, comprendre et à réguler leurs émotions propres, à décoder les émotions des autres, afin de prendre des décisions et de réagir en fonction d'elles. C'est une conscience accrue de ses propres émotions et de celles des autres, ce qui permet une meilleure adaptation de ses actions, définit la psychologue Dana Castro. L'émotion est un signal qui révèle toujours des choses sur soi-même et sur les autres". Un exemple concret d'intelligence émotionnelle serait d'accepter une critique sans se vexer ou s'effondrer. La première utilisation officielle du terme d'intelligence émotionnelle est attribuée à John Mayer et Peter Salovey en 1990, les premiers psychologues à l'avoir conceptualisée. Selon eux, l'intelligence émotionnelle s'articulerait autour de quatre branches :
- Percevoir et évaluer les émotions (celles de soi-même et celles des autres) via un langage verbal et non verbal.
- Intégrer et assimiler les émotions pour faciliter et améliorer les processus de cognition et de perception.
- Connaître le domaine des émotions (au sens de "savoir"), comprendre leurs mécanismes, leurs causes et leurs conséquences.
- Gérer ses propres émotions et celles des autres.
Comment reconnaître l'intelligence émotionnelle chez une personne ?
D'après les travaux de Mayer et Salovey (1997), une personne est dotée d'une intelligence émotionnelle si elle a une habileté à :
- Etre consciente de ses émotions et les exprimer correctement aux autres.
- Faire la distinction entre différentes émotions ressenties et reconnaître celles qui influent sur le processus de pensée.
- Vivre ou abandonner une émotion selon son utilité dans une situation donnée.
- Comprendre des émotions complexes (éprouver deux émotions simultanément par exemple) et reconnaître les transitions d'une émotion à une autre.
Evidemment, le concept d'intelligence émotionnelle regroupe d'autres capacités comme : l'auto-assurance, l'humour auto-dérisoire, l'auto-évaluation réaliste, la fiabilité, l'intégrité, l'envie d'accomplissement, l'optimisme (particulièrement face à l'échec), l'empathie, la sensibilité interculturelle, l'ouverture d'esprit, l'intérêt et la curiosité des autres, l'implication, le pouvoir de persuasion, la remise en question constructive...
D'où vient l'intelligence émotionnelle ?
"Le cerveau est façonné par nos expériences répétées"
"On n'a pas tous la même intelligence émotionnelle. C'est d'abord lié aux expériences et aux situations vécues pendant la construction psychique. Il y a aussi une question de caractère, comme quelque chose de presque inné. L'acquisition d'une intelligence émotionnelle en étant adulte implique d'avoir traversé des phases durant l'enfance. Et ces phases, tout le monde ne les a pas connues, explique notre interlocutrice. "La partie du cerveau sur laquelle s'appuie l'intelligence émotionnelle est le dernier circuit du cerveau à atteindre sa maturité anatomique et, du fait de la plasticité du cerveau, le cerveau est façonné par nos expériences répétées", a établi Daniel Goleman dans son livre consacré à l'Intelligence émotionnelle (1995). "Plusieurs études montrent que les enfants qui ont un vocabulaire riche, une aisance verbale, qui aiment lire ou qui sont créatifs ont une plus grande intelligence émotionnelle à l'âge adulte. Il y aurait donc un lien entre la logique, l'ouverture d'esprit, la richesse du vocabulaire, la sensibilité, l'esprit d'analyse et de déduction et la gestion de ses émotions", précise Dana Castro.
Quels sont les bienfaits d'une intelligence émotionnelle ?
Avoir une intelligence émotionnelle a une influence positive, notamment sur :
- La maîtrise de soi (le self-control)
- La confiance en soi, et l'acceptation de ses ressentis, perçus davantage comme des forces plutôt que des faiblesses
- La motivation dans sa vie professionnelle et personnelle
- L'intégrité et globalement les relations avec les autres
- La communication avec son entourage social et professionnel
- Le développement de ses compétences et aptitudes sociales et professionnelles...
Quelle est l'importance de l'intelligence émotionnelle au travail ?
Une personne dotée d'une intelligence émotionnelle apparaît comme motrice dans une équipe
Daniel Goleman a démontré à travers ses recherches que le quotient émotionnel était plus important dans le travail que le quotient intellectuel. Selon lui, les 2/3 des résultats d'une entreprise seraient dus aux compétences émotionnelles des gestionnaires. D'une part, parce que l'intelligence émotionnelle inspire la confiance (l'interlocuteur se sent à l'écoute, entendu, compris...), d'autre part, car elle facilite l'aisance sociale, la motivation, l'émergence de nouvelles idées... "Une personne dotée d'une intelligence émotionnelle apparaît comme motrice dans une équipe", résume notre psychologue.
Quel test pour mesurer son intelligence émotionnelle ?
De la même manière qu'il y a un test pour évaluer le quotient intellectuel (QI), il y a un test pour définir le quotient d'intelligence émotionnelle (QE). "C'est une mesure que l'on compare à une norme", indique notre experte, après avoir répondu à différentes questions divisées en plusieurs catégories (perception de soi, expression individuelle, gestion du stress, prise de décision, relations humaines...). Le résultat donne un aperçu global du niveau d'intelligence émotionnelle, mais il est à affiner avec des mises en situation, qui ne sont pas mesurables avec un outil. Le test de QE le plus reconnu et utilisé dans le monde serait le diagnostic EQi 2.0 (Emotional Quotient inventory) mis au point en 1997. Il y a plusieurs tests de QE accessibles sur internet mais ils ne sont pas officiellement validés par la communauté scientifique. Ils ne sont pas totalement représentatifs de l'intelligence émotionnelle d'une personne.
Comment développer son intelligence émotionnelle ?
A ne pas reconnaître les émotions, on en vient à se faire des idées négatives sur soi-même et sur l'opinion qu'ont les autres de nous.
Les émotions impactent la réflexion et la prise de décision. Elles jouent donc un rôle prépondérant dans nos comportements, d'où l'intérêt de ne pas négliger l'intelligence émotionnelle voire même de la développer si on en manque. Mais pour contrôler ses émotions, il faut d'abord les comprendre. "A ne pas reconnaître les émotions, on en vient à se faire des idées négatives sur soi-même et sur l'opinion qu'ont les autres de nous. Cela peut engendrer des prises de décision irrationnelles ou démesurées. Ce n'est pas sain. Quand on comprend les signaux inhérents aux émotions, le comportement et la réaction sont toujours plus appropriés à la situation", observe notre interlocutrice. Le développement de l'intelligence émotionnelle passe donc par la gestion de ses émotions. Voici plusieurs pistes qui, à force d'être pratiquées, vont devenir des automatismes :
- Essayer de ne pas refouler ou réprimer ses émotions, en prenant conscience du stress, de la colère, de l'anxiété, de la tension, de la tristesse qu'une situation peut engendrer, en posant des mots dessus et en les verbalisant, avec le lexique émotionnel le plus précis possible ("qu'est-ce que je ressens concrètement, est-ce de la colère, de la tristesse, de la culpabilité, de la frustration, de l'oppression ?..." et connaître ses points sensibles, ses failles, ce qui permet de limiter les réactions impulsives et d'anticiper certaines situations "à risque".
- Ne pas émettre de jugement rapide, sans fondement. Pour cela, il faut prendre en compte le contexte, tous les arguments (et pas seulement ceux qui vont dans notre sens), ignorer aucun paramètre ou élément, tenir compte des potentielles conséquences, mais aussi, laisser ses réflexions mûrir, car la première réaction est souvent dictée par une émotion biaisée.
- Remettre les choses en perspective et dans son contexte, par exemple, en ne prenant pas la critique de manière isolée, mais dans une globalité, dans son contexte.
- Bégayer sur ses erreurs, en prenant du recul, sans les oublier pour autant, et en assumant ses responsabilités (autrement dit, ne pas blâmer les autres pour les réactions qu'on peut ressentir). La rumination et la rancune entravent la prise de distance.
- Travailler sur son intuition (être sensible aux différents signaux émotionnels envoyés par les autres) et être davantage à l'écoute des autres (ne pas couper la parole, ne pas tout ramener à soi, ne pas calquer son histoire sur la nôtre, ne pas chercher à faire de comparaisons ou des raccourcis maladroits, rester concentré du début à la fin de la confidence...)
Enfin, "le développement d'une intelligence émotionnelle peut être l'un des objectifs d'une psychothérapie ou en tout cas d'une aide psychologique, qui permet de trouver avec la personne la bonne méthode pour reconnaître ses émotions et agir en fonction", précise Dana Castro.
Quels sont les livres sur l'intelligence émotionnelle ?
Voici quelques exemples d'ouvrages qui ont traité le sujet de l'intelligence émotionnelle :
- L'Intelligence émotionnelle, de Daniel Goleman
- Intelligence émotionnelle : améliorer la gestion de ses émotions, la confiance en soi et son propre bien-être, de Chiara Marchitelli
- L'intelligence émotionnelle : comprendre les émotions, de Kristin Berger-Loewenstein
Merci à Dana Castro, psychologue.