Deuil blanc : définition, Alzheimer, Parkinson, comment faire ?
Dans le deuil blanc, l'aidant fait le deuil d'une relation avec la personne touchée par une pathologie dégénérative qui est encore présente à ses côtés, qu'il continue à accompagner mais qui n'est plus celle qu'il a connue auparavant. Anna Bertrand, psychologue, nous explique comment il se manifeste, comment s'y préparer et qui consulter.
Définition : qu'est-ce que le deuil blanc ?
Le deuil blanc est une forme de pré-deuil chez l'aidant/les aidants qui accompagnent une personne touchée par une pathologie dégénérative altérant petit à petit les fonctions cognitives (par exemple dans la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, certains cancers…). "La personne malade ne réagit plus comme avant, n'agit plus de la même façon et apparaît différente aux yeux de celui/celle qui l'accompagne, du fait des troubles cognitifs, explique Anna Bertrand, psychologue. La personne est toujours là mais n'est plus ce qu'elle était, ce qui peut être source d'une grande douleur pour l'aidant. Ce phénomène est bien différent du deuil et du chagrin rencontrés lors d'un décès "classique" qui surviennent lorsqu'il y a mort physique car la personne en deuil sait qu'elle pleure quelqu'un qui est disparu."
Est-ce pareil que le deuil anticipé ?
Le deuil blanc n'est pas le deuil anticipé. "Ce dernier correspond aux situations rencontrées lors de l'annonce d'une pathologie mortelle (certains cancers par exemple), sans nécessairement qu'il y ait présence de troubles neurologiques ou cognitifs, où le proche s'engage alors dans un travail de deuil par anticipation pour se protéger de la douleur et l'impuissance ressentie face à l'inévitable. D'une certaine façon, c'est un premier travail psychique de séparation d'avec le proche."
Comment se manifeste le deuil blanc ?
Dans le deuil blanc, on constate souvent une ambivalence des sentiments chez l'aidant. "Celui-ci aime toujours son proche mais souffre de ne plus le reconnaître, poursuit la thérapeute. Cela peut générer une forte culpabilité liée à une envie de rejeter son proche qui n'est plus comme avant, faire le deuil de celui-ci alors que l'histoire avec cette personne continue de s'écrire, celle-ci étant toujours en vie." France Alzheimer recense deux types de deuil blanc :
► Le "deuil intuitif". "Il se caractérise par des vagues d'émotions ostensibles (tristesse, douleur intérieure intense, désespoir, solitude, culpabilité, colère, dépression, manque d'énergie physique, pleurs) et passe par un besoin de verbalisation des émotions et des pensées."
► Le "deuil instrumental". "Il se manifeste par un besoin d'agir pour "éteindre" les émotions vécues comme trop intenses. Il peut également générer de l'anxiété puisque les tentatives d'action pour "outrepasser" le deuil sont souvent mises en échec du fait de la confrontation à la réalité : le proche est toujours là même s'il est différent d'avant."
Comment s'y préparer ?
"La fatigue et les tensions avec la personne malade fragilisent l'aidant qui aura besoin de soutien et dans la mesure du possible, d'exprimer ce qu'il ressent, complète Anna Bertrand. Il pourra alors s'appuyer sur des groupes de parole au sein d'associations, un professionnel pour du soutien psychologique individuel ou auprès l'entourage de l'aidant."
Deuil blanc et Alzheimer
On parle de deuil blanc lorsqu'une personne est touchée, entre autres, par une maladie neurocognitive comme la maladie d'Alzheimer. "Peu à peu, avec l'évolution des troubles cognitifs, sa personnalité change, à un point tel que la personne ne correspond plus à celle que l'on a connue, à ce qu'elle était avant" souligne notre interlocutrice.
Se sentir épaulé, écouté et soutenu permet de se sentir mieux psychologiquement et d'accompagner plus sereinement son proche.
Deuil blanc et Parkinson
La maladie de Parkinson entraîne une altération des capacités physiques puis des capacités cognitives avec l'évolution de la pathologie. "Le deuil blanc peut être observé chez l'aidant, au même titre que pour d'autres maladies neurodégénératives, ce dernier faisant face au deuil de la relation avec son proche tel qu'il l'a connu auparavant."
Deuil blanc et cancer
"Certains cancers peuvent altérer les capacités cognitives, amenant de ce fait, la même problématique que pour les aidants accompagnant un proche touché par une maladie neurodégénérative avec un changement de comportement, de personnalité de ce dernier."
Deuil blanc et démence
"La démence n'est pas une pathologie à proprement parlé. Elle est plutôt la résultante des maladies neurodégénératives, d'AVC ou de cancers impactant le cerveau" rappelle la spécialiste. Par conséquent, la problématique est la même que pour les aidants accompagnant un proche avec un changement de comportement, de personnalité.
Quand et qui consulter ?
Il est conseillé de se rapprocher des associations et/ou de professionnels de la santé formés à cette problématique (psychologues, médecins…). "Intégrer un groupe de parole pour partager son vécu, créer du lien avec d'autres personnes rencontrant ces mêmes difficultés, consulter un professionnel pour délivrer sa parole et mettre du sens sur ce qui arrive peuvent être des pistes salvatrices, rassure la psychologue. Chaque situation est unique, il y a de nombreuses possibilités de vivre son deuil et de le dépasser. Une chose est certaine, se sentir épaulé, écouté et soutenu permet de se sentir mieux psychologiquement et d'accompagner plus sereinement son proche." En revanche lorsque le deuil blanc entraine un véritable état dépressif réactionnel (perte d'appétit, d'envies, fatigue intense, insomnies), il est nécessaire de consulter un professionnel de santé.
Merci à Anna Bertrand, psychologue clinicienne spécialisée en gérontologie, Thérapeute EMDR & Hypnothérapeute à Montlaur (31)