Blessure de rejet : c'est quoi, comment guérir ?
La blessure de rejet est une blessure émotionnelle. Elle correspond au fait de se sentir repoussé, méprisé, dénigré ou mis à l'écart que ce soit dans sa vie amoureuse, familiale, amicale ou au travail. Comment reconnaître cette blessure et la surmonter ? Symptômes et solutions avec la psychologue Aline Nativel Id Hammou.
Tout le monde peut se sentir un jour rejeté, exclu ou mis à l'écart. Que ce soit en société, au travail, dans sa vie amoureuse, au sein de sa famille, avec ses amis... Mais cela devient une blessure lorsque la personne en souffre de manière persistante. Quelle est la cause dans ce cas ? Comment reconnaît-on une blessure de rejet ? Quelles sont ses conséquences dans la vie de tous les jours ? Quelles sont les solutions pour la surmonter ? Quelles sont les étapes de la "guérison" ? Les clefs d'Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne.
C'est quoi la blessure de rejet ?
La blessure de rejet est une blessure émotionnelle qui a été popularisée par le livre "Les cinq blessures qui vous empêchent d'être soi-même", écrit par Lise Bourbeau. Selon l'auteure, spécialiste du développement personnel, la blessure de rejet est "relative au sentiment (fondé ou imaginaire) d'avoir été repoussé et non désiré par l'autre". Ce sentiment peut être plus ou moins fort en fonction de son âge, de sa structure de personnalité et du contexte. Le rejet peut correspondre à une opposition, un mépris, une exclusion, une mise à l'écart, un refus, un déni, un dédain, un licenciement, une rupture amicale ou amoureuse... "Il s'agit souvent d'une blessure refoulée et donc inconsciente qui se réactive dans le présent, en écho avec le passé. La personne qui souffre de cette blessure peut avoir l'impression de vivre des situations de rejet à répétition dans sa vie quotidienne. Et comme de nombreuses blessures émotionnelles, la blessure de rejet est souvent peu identifiée ou sous-estimée par la personne qui en souffre", précise la psychologue clinicienne.
Quelles sont les causes d'une blessure de rejet ?
"La blessure de rejet est souvent en lien avec les stades de développement de l'enfance, parce que c'est à ce moment-là qu'on va acquérir l'estime de soi et qu'on va être baigné dans un environnement social. Concrètement, cette blessure a souvent un lien avec l'angoisse de séparation (quand l'enfant prend conscience que lui et sa mère ne font pas qu'un, ndlr) vécue durant l'enfance. Cela peut aussi être lié au vécu de l'adolescence", précise notre interlocutrice. Autrement dit, on a tous été plus ou moins blessés dans notre enfance, mais certains d'entre nous ont réussi à complètement "effacer" ou refouler cette blessure car elle n'a pas été très impactante, tandis que d'autres ne sont pas parvenus à la cicatriser. La blessure de rejet est notamment renforcée par :
- La structure de personnalité ou son degré de sensibilité : "Les personnes hypersensibles, présentant des troubles psychiques ou des troubles autistiques sont plus susceptibles de ressentir un sentiment de rejet par exemple", précise notre psychologue.
- La récurrence du sentiment de rejet, autrement dit, plus l'impression de rejet est répétitive, plus la blessure est palpable.
- Une situation de violence, de négligence ou de maltraitance, particulièrement si elle a été vécue pendant l'enfance.
- Le degré d'affectivité avec la personne responsable du rejet. "Il est évident que le rejet sera moins bien accepté s'il a été infligé par une personne qui représente une figure d'attachement ou de référence (la mère, le père, un ami très proche...). Un rejet subi par un parent blesse plus qu'un rejet subi par un inconnu dans la rue par exemple", illustre la psychologue.
- Le contexte ou l'investissement : "Une personne qui s'investit beaucoup dans son travail ou dans son activité sportive par exemple ressentira le rejet un peu plus fort."
Symptômes, comportement, masque : comment reconnaître une blessure de rejet ?
La personne qui souffre de cette blessure va être dans une peur constante du rejet de l'autre et ce, dans différents contextes de sa vie : avec ses amis, en amour, avec sa famille, dans le domaine professionnel, dans ses loisirs, en société... Le comportement-type d'une personne qui souffre de la blessure de rejet est le suivant :
- Port d'un masque social dit d'un "masque du fuyant" qui constitue un mécanisme de défense. "La personne préfère fuir ou se désinvestir plutôt que de risquer de subir un rejet et/ou qu'on puisse ne pas l'apprécier/l'aimer dans son ensemble. Et comme elle n'arrive pas à s'investir, à être authentique ou à créer du lien, par peur de l'échec ou du rejet, elle est là sans être là, comme si elle était quasiment transparente" détaille notre interlocutrice.
- Mauvaise estime de soi avec une remise en cause de soi en permanence.
- Sentiment d'être toujours "attaqué" dans ses gestes ou ses paroles.
- Impression d'être facilement déstabilisé lorsque les choses ne vont pas dans son sens, ce qui peut entraîner un trouble de l'anxiété généralisée.
- Fait de penser ou croire qu'on n'est jamais apprécié ou aimé sincèrement.
- Actes d'auto-sabotage, à cause d'une forte anticipation du risque de rejet.
- Angoisse permanente de l'abandon et peur constante de décevoir et de perdre l'amour de l'autre.
- Attitude ambivalente car "la personne semble toujours être à la recherche de l'affectivité, de la reconnaissance et de l'approbation d'autrui".
- Recherche d'une forme de perfection absolue (chez elle et chez les autres), ce qui alimente sa blessure car en ne réussissant pas à être parfaite, elle a de vraies raisons de penser qu'elle ne vaut pas grand-chose.
- Sur-adaptation permanente aux autres pour correspondre à leurs attentes et ne pas montrer son vrai visage, de peur d'être rejeté.
Solutions : comment guérir la blessure de rejet ?
"On ne va pas vraiment guérir d'une blessure de rejet. On ne peut pas l'effacer ou l'oublier. Cette blessure fait partie de nous et il faudra apprendre à vivre avec. L'idée est de la cicatriser pour s'épanouir, voire même d'en faire une force et une marque de positivité, rétablit Aline Nativel Id Hammou. On ne peut pas vivre avec une plaie béante qui va faire de plus en plus mal et qui va ressurgir de manière souvent injustifiée. La cicatrisation va consister à apprendre à ne plus réagir de façon excessive et inadaptée à cette blessure."
► En prendre conscience et l'accepter pour lever le mécanisme de défense, de déni et de refoulement de la blessure. Pour cela, il faut oser en parler avec un ou plusieurs proches si on a la force et l'impulsion de le faire.
► Faire un travail d'introspection pour comprendre l'origine et le sens de cette blessure, en restant le plus objectif possible sur son vécu et en accueillant toutes ses émotions (les positives comme les négatives). Pour cela, il peut être intéressant de :
- Décrire et essayer d'analyser ses rêves et ses cauchemars pour faire parler son inconscient.
- Procéder à un travail d'écriture sur son histoire de vie (son enfance, son rapport à la famille, au sexe opposé...) et essayer de créer des liens entre sa blessure et les événements ou les relations vécus pour identifier les types de blessures, les causes, les contextes, les auteurs, les victimes...
- Prendre le temps d'analyser ses ressentis, ses souvenirs, son roman familial, les informations transmises par une tierce personne sur son histoire de vie.
- Se poser des questions sur les non-dits voire les secrets de famille.
- Oser en parler avec les personnes concernées par ce sentiment de rejet, soit en leur parlant de vive voix, soit en leur écrivant une lettre. "L'idée est de prendre le témoignage de tous sans critique ni jugement et pouvoir faire du tri", précise-t-elle.
► Ecouter son corps et analyser ce qu'on ressent (moralement et physiquement)
- Observer, ressentir et analyser ce qui se passe dans son corps, mais aussi ses pensées, ses émotions et son comportement pour être capable de prendre du recul.
- Prendre en compte l'importance de la psychosomatique (y a-t-il des choses que je refoule ? Est-ce que ça entraîne des symptômes physiques ? Dans quels contextes se manifestent-ils ?...).
- Trouver des experts corporels pour vous y aider (sophrologue, ostéopathe, psychomotricien, réflexologue, acupuncteur, méditation, yoga, hypnose...).
► Consulter un professionnel de soin psychique (psychologue, psychothérapeute, psychiatre...) si on en ressent le besoin. Cela permet de mieux se connaître et de trouver un interlocuteur à l'écoute et qui ne juge pas.
► Entamer une phase de reconstruction pour prendre de la distance et atténuer sa colère :
- Prendre du recul sur sa responsabilité en relativisant la notion de faute, de culpabilité et de honte (Quel ressenti domine le plus ? Et pour les autres, pouvez- vous les quantifier ? Pourquoi êtes-vous convaincu d'être responsable ? Une personne/situation alimente-t-elle votre blessure ? Quels types de "punitions" vous infligez-vous ? Avez-vous déjà pensé à la mort ? A votre propre mort ? A vous suicider ?...)
- Retrouver une confiance en soi pour se sentir mieux dans son corps et dans sa tête : "Cela va passer par le fait de prendre du temps pour soi, oser dire non ou stop quand on n'est pas d'accord, s'affranchir du regard des autres autant que possible, faire du tri dans ses relations (prendre ses distances avec les personnes que l'on juge toxiques et qui vont alimenter sa blessure), s'auto-complimenter au quotidien, se mettre au maximum en valeur, travailler son affirmation de soi en se challengeant et en se mettant des petits défis au quotidien, valoriser toutes ses réussites même les plus petites...", liste notre interlocutrice.
- Se pardonner et apprendre à pardonner aux autres. "Il faut accepter d'avoir fait des erreurs ou des mauvais choix relationnels et revoir ses exigences envers vous-même et envers les autres. Pour cela, on peut lire des ouvrages sur cette thématique en fonction de l'origine de sa blessure", conseille Aline Nativel Id Hammou
- Accepter de ne pas être apprécié par tous et de ne pas pouvoir maîtriser les attitudes des autres. "Il faut apprendre à maîtriser les formes de rejet car elles font partie de la vie quotidienne. Surtout en cas de rejet, il faut bien se dire que ce n'est pas sa personne toute entière qui est rejetée. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'une personne n'est pas d'accord avec nous ou rejette notre idée qu'elle rejette notre personne toute entière et qu'elle ne nous aime pas nous en tant que personne".
► Prendre son temps. "La cicatrisation de la blessure prend du temps. Il faut de la patience, accepter le décalage de la temporalité psychique et ne pas vouloir aller plus vite que son inconscient. C'est souvent nos rêves, nos cauchemars, nos lapsus ou nos actes manqués qui nous apprennent le plus sur nous-mêmes...", tient à conclure notre experte.
Merci à Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne.