Autisme chez l'adulte : signes, tests, travail, logement

Autisme chez l'adulte : signes, tests, travail, logement

L'autisme est un trouble chronique du neurodéveloppement. C'est un réel handicap avec un fort retentissement sur la vie quotidienne. Quels sont les signes chez l'adulte ? Quels sont les tests de diagnostic ? La prise en charge ? Eclairage du Dr Hélène Vulser, psychiatre à l'hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris.

L'autisme ou les troubles du spectre de l'autisme (TSA) sont des troubles du neurodéveloppement (TND), dont les manifestations (troubles du comportement, problèmes de communication, réactions sensorielles exacerbées, altération des interactions sociales...) ont un fort retentissement sur la vie quotidienne. L'autisme est un handicap qui repose sur des critères diagnostics très précis. Quels sont les signes d'un autisme chez l'adulte ? Comment se passe le dépistage ? Avec quels tests ? Quelle est la prise en charge d'un adulte autiste ? Pour le logement ? Le travail ? Réponses. 

Chiffres : combien d'adultes autistes en France ?

Selon l'Inserm, il y a au minimum 700 000 personnes autistes en France (dont 100 000 qui ont moins de 20 ans), mais ce chiffre est certainement sous-estimé car il ne prend en compte que les personnes diagnostiquées. La Haute Autorité de Santé (HAS) rapporte qu'il y aurait 600 000 adultes autistes en France, mais "qu'aucune donnée épidémiologique n'existe à ce jour".

Quels sont les signes d'autisme chez l'adulte ?

"Il n'existe pas de critères spécifiques à l'adulte. On se base sur les mêmes critères que chez les enfants, pose d'emblée le Dr Hélène Vulser, psychiatre à l'hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris. Les signes de l'autisme sont regroupés en deux grandes dimensions qui doivent être présentes (donc observables) depuis l'enfance."

 Première dimension : des troubles des interactions sociales et de la communication. "Dans les anciennes classifications, ces deux troubles étaient séparés. Désormais, ils sont regroupés au sein de la même dimension", tient à préciser notre interlocutrice. Parmi les troubles des interactions sociales et de la communication, on retrouve :

  • Des problèmes de réciprocité sociale, "c'est-à-dire le fait de pouvoir partager avec les autres ses centres d'intérêt, ses émotions, le fait d'avoir une certaine connivence avec autrui. Ce sont des choses qui sont censées être plutôt naturelles, mais plus difficiles chez les personnes autistes", décrit notre spécialiste. Cela peut se traduire par une difficulté à comprendre une blague, à saisir un ton, à capter une ironie, mais aussi par une difficulté à transmettre une émotion ou un ressenti. 
  • Des difficultés de communication, notamment la communication non verbale. Les personnes autistes ont des difficultés à utiliser les moyens non verbaux pour communiquer. Spontanément, lorsqu'on parle, on a plusieurs moyens de communiquer dont les gestes, qu'ils soient empathiques (croiser les bras, faire des mouvements de main) ou descriptifs (qui servent à appuyer le propos). En revanche, les personnes autistes utilisent peu voire pas du tout ces gestes. "Parfois, certains utilisent ces gestes, mais ils ne sont pas en cohérence avec le discours ou ils sont très répétitifs, détaille la psychiatre. L'intonation de la voix, qui est censée être naturellement variable, a tendance à être plutôt monocorde chez la personne autiste, qui peut également avoir des difficultés à percevoir les changements de ton chez l'autre. Le regard peut également être mal coordonné (signe particulièrement présent chez l'enfant, et qui s'améliore généralement à l'âge adulte), être fuyant ou au contraire très fixe. La personne autiste a tendance à ne pas avoir un regard modulé et fluide mais un regard "en saccade", autrement dit le fait de regarder à côté puis dans les yeux de son interlocuteur de manière très hachée". 

"La personne autiste va avoir du mal à comprendre qu'une personne gentille avec elle n'est pas forcément son ami"

  • Des difficultés d'intégration au niveau social, comme par exemple se faire des amis ou s'intégrer dans le milieu professionnel. "La personne autiste va avoir du mal à comprendre qu'une personne gentille avec elle n'est pas forcément son ami. Une personne avec un autisme léger peut assimiler la définition d'un ami et en avoir quelques-uns. Globalement, les amis sont souvent très limités et les autistes mettent du temps à lier des vraies amitiés. En revanche, la corrélation n'est pas vraie : ce n'est pas parce qu'on n'a pas pleins d'amis que l'on est autiste. De la même façon, la personne autiste a assez peu d'intérêt pour les relations sentimentales jusqu'à tard (en général, 30 ans) et perçoit mal les codes de la séduction. Dans le milieu professionnel, l'insertion peut être compliquée."  

Deuxième dimension : des comportements ou intérêts restreints et répétitifs.

  • Des stéréotypies, autrement dit des attitudes très répétitives. "Ces stéréotypies peuvent être motrices (une tendance à répéter les mêmes gestes ou les mêmes mouvements) ou verbales (une tendance à répéter les mêmes phrases ou les mêmes mots). En général, ces stéréotypies sont très présentes pendant l'enfance et moins marquées à l'âge adulte", explique notre experte. Pendant l'enfance, la personne autiste a pu tourner sur elle-même, avoir eu une tendance à aligner des objets, se balancer... "Ce qui est fréquent, ce sont des mouvements avec les mainsla personne se tord les doigts d'une certaine façon : en général, les doigts les uns sur les autres sur une même main (il faut être prudent car une personne anxieuse par exemple peut également s'entortiller les doigts, mais pas de la même façon). Il ne faut pas non plus confondre les stéréotypies avec des tics qui sont des mouvements compulsifs et involontaires", poursuit-elle. 
  • Une intolérance aux changements avec des routines. "La personne autiste a besoin de faire les choses dans un ordre précis et si elles ne sont pas faites d'une certaine façon, elle peut être dans une grande détresse et totalement déstabilisée", prévient le Dr Vulser. Cela peut être de prendre chaque jour le même bus, manger à heures fixes, manger le même plat, faire le même trajet dans un supermarché, aller à la même caisse, marcher toujours sur le même trottoir... "Il ne faut pas confondre cela avec les personnes qui ont des difficultés de planification (fréquentes dans les troubles dys ou chez les personnes anxieuses) qui ont tendance à avoir des routines pour se rassurer", insiste la psychiatre. 
  • Des intérêts restreints et/ou particuliers et envahissants. En général, la personne autiste a peu de centres intérêts, mais elle possède un domaine pour lequel elle voue une grande passion. Elle va avoir tendance à monologuer et à passer un temps fou à s'intéresser au sujet. Le sujet en soi est pour elle une source d'excitation et d'euphorie. De plus, elle peut avoir des difficultés à comprendre que les autres ne s'intéressent pas aussi fort à ce sujet. "On dit que le sujet est envahissant car il prend une très grande place dans la vie de la personne qui a ainsi une connaissance encyclopédique sur ce sujet. Les sujets sont vastes et généralement très spécifiques et très pointus comme par exemple, les drapeaux, le poids et la taille des joueurs de foot, la nationale 7...", illustre notre spécialiste.  
  • Des particularités sensorielles, soit le fait d'avoir une hyposensibilité ou une hypersensibilité sensorielle. "La chose la plus courante, c'est une hypersensibilité aux bruits, particulièrement les bruits un peu brusques comme par exemple une porte qui claque ou un téléphone qui vibre. Il peut également y avoir une fascination (ou au contraire une aversion) pour certaines odeurs, certains bruits, certaines lumières...", détaille notre interlocutrice.   

Comment poser le diagnostic d'autisme chez l'adulte ?

Une personne qui a l'habitude de diagnostiquer les troubles de l'autisme saura percevoir les indices qui peuvent pourtant être invisibles pour la population générale.

"Pour poser un diagnostic d'autisme, il faut que les deux dimensions préalablement citées soient présentes, avec une preuve qu'elles aient été présentes durant l'enfance et qu'elles aient un retentissement dans la vie de la personne", indique la psychiatre. Dans le détail, il faut qu'il y ait la présence des 3 critères de la première dimension et au moins 2 critères (sur 4) de la deuxième dimension. "Précision de taille : en général, lorsqu'on a que la mise en place de routine et une hypersensibilité au bruit, ce n'est pas suffisant pour poser un diagnostic d'autisme. Autrement dit, si on a jamais eu de stéréotypies ou d'intérêts restreints, on a un gros doute sur le diagnostic et on va plutôt s'orienter vers de l'anxiété", précise-t-elle. Une personne qui a l'habitude de diagnostiquer les troubles de l'autisme saura percevoir les indices qui peuvent pourtant être invisibles pour la population générale. Par exemple, la personne peut avoir eu du mal à regarder dans les yeux pendant son enfance, puis ça s'est amélioré à l'âge adulte. "L'autisme n'est jamais invisible. Si l'un des critères est manquant, on va demander aux parents de venir pour qu'ils puissent témoigner, avec des exemples très précis, de ce qu'il a pu se passer dans l'enfance. On peut également demander des vidéos prises pendant l'enfance pour analyser comment étaient l'interaction sociale et la communication pendant l'enfance. On peut demander les bulletins scolaires aussi pour avoir un aperçu du comportement en classe...", détaille notre interlocutrice. Il y a également des outils diagnostics qui permettent d'évaluer la qualité de l'interaction sociale et de la communication : 

L'ADI-R : une évaluation avec les parents ou le tuteur d'un enfant que l'on soupçonne d'autisme et qui se base sur la période de 4 à 6 ans. "Cet outil est limité lorsque le diagnostic se fait chez un adulte car les souvenirs des parents sont souvent altérés, très imprécis ou absents", observe-t-elle.  

L'ADOS : un outil qui va avoir pour objectif de mettre la personne en situation d'interaction, de communication. "On va pouvoir observer ses comportements, ses gestes, son regard, sa façon de communiquer, la qualité de la conversation, ses réactions... Attention, quelqu'un de dépressif, de phobique sociale, de schizophrénie, de narcissique peut avoir un score élevé à ce test, ce qui ne permet pas de poser un diagnostic d'autisme. Voilà pourquoi les spécialistes regardent le score et la qualité de l'interaction", insiste le Dr Vulser. 

"Pour poser un diagnostic, les signes ne doivent pas pouvoir être mieux expliqués par un autre trouble"

Attention, il peut être très facile de calquer ses critères à sa situation personnelle. Avoir peu d'amis, mettre en place des routines, être dérangé par certains bruits, avoir des difficultés de communication ne sont pas des caractéristiques suffisantes pour poser un diagnostic d'autisme. Le diagnostic de l'autisme repose sur des critères très précis et envahissants qui constituent un véritable handicap et qui doivent être justifiés par des exemples concrets et étayés. "A titre informatif, dans notre centre, environ 80% des personnes qui viennent consulter pour suspicion d'autisme ne le sont pas. C'est un vrai problème. Pour poser un diagnostic, on estime que les signes ne doivent pas pouvoir être mieux expliqués par un autre trouble", insiste notre interlocutrice. Quand on fait une évaluation d'autisme chez un adulte, on évalue par ailleurs tous les autres troubles mentaux pour vérifier qu'il n'y a pas de TOC, de phobie sociale, de l'anxiété. La plupart du temps, les signes vont s'expliquer mieux par un autre trouble (c'est ce qu'on appelle un diagnostic différentiel). "Ce qui est très fréquent, c'est lorsqu'il y a deux troubles associés (phobie sociale et troubles obsessionnels par exemple) et qui peuvent parfois faire penser à un autisme. D'autant plus que ces dernières années, on a beaucoup insisté sur le fait que l'autisme n'était pas suffisamment diagnostiqué - ce qui est vrai - mais le problème est que tous les gens qui sont en crise identitaire ou en recherche d'une explication à certains de leurs symptômes peuvent avoir ce besoin de diagnostic et peuvent se reconnaître dans l'autisme, mais ne le sont pas", constate-t-elle. L'effet de médiatisation (au demeurant très positif et bénéfique, notamment pour les ouvertures de centres, un meilleur accès au diagnostic...) a considérablement fait bondir les listes d'attentes pour les diagnostics d'autisme en France. Si bien qu'il y a des centres où il y a un temps d'attente de 4 à 5 ans pour obtenir une consultation. "Il faut également faire attention aux diagnostics payants, chez des personnes qui ne sont pourtant pas autistes et qui saturent les temps d'attente dans les MDPH par exemple", déplore-t-elle. 

Quelle est la prise en charge chez l'adulte ?

En 2017, la Cour des Comptes soulignait que près de 80% des adultes sont accueillis dans des établissements généralistes qui n'ont pas reçu un agrément spécifique autisme. Pourtant, arrivée à l'âge adulte, une personne autiste doit pouvoir bénéficier d'un accompagnement favorisant son autonomie, son inclusion dans la vie de la cité et la mise en œuvre de ses droits au quotidien, estime la Haute autorité de Santé, qui a émis ses recommandations (à adapter au cas par cas) concernant la prise en charge de l'autisme chez l'adulte : 

► Assurer les droits de l'adulte autiste, l'associer à chaque décision : le droit à la non-discrimination en raison du handicap, le droit à la dignité et à l'intimité, le droit à une vie personnelle, privée et familiale, la liberté d'aller et venir, la liberté de faire ses propres choix, le droit d'accès aux soins, le droit à l'exercice de ses droits civiques (notamment le droit de vote), le droit à un logement…

► Privilégier l'inclusion en milieu ordinaire. L'offre d'accompagnement pour les adultes autistes souhaitant vivre en milieu ordinaire – et qui répond à l'ensemble de leurs besoins – est extrêmement peu développée. La Cour des Comptes estime dans son rapport de 2017 que seulement 11.6% des adultes autistes disposent d'un logement personnel et que 0.5% travaille en milieu ordinaire. L'inclusion en milieu ordinaire doit passer par la mise en place de services d'aide à la personne ou d'accompagnement à domicile, accompagnement en milieu professionnel... En parallèle, la vie au sein d'un établissement médico-social peut être un choix pour certains adultes autistes ou la seule solution adaptée. Toutefois, le choix d'une vie en établissement n'est pas un choix définitif, un accompagnement vers une vie en milieu ordinaire peut et doit être envisagé à tout moment.

► Intervenir sur l'environnement de l'adulte autiste. L'accompagnement des familles est ensuite primordial : soutien et écoute bienveillante des aidants, information et formation sur l'autisme, propositions d'organisations adaptées à chaque famille, accompagnement lors des moments de transition (adolescence, vieillissement), aide pour établir des liens avec d'autres parents d'adultes autistes ou pour trouver des solutions de répit (aide à domicile, structure d'hébergement temporaire…).

► Garantir les soins des troubles associés. Un bilan de santé doit être effectué une fois par an au moins et lors d'un changement de comportement soudain. Par ailleurs, certaines personnes autistes peuvent présenter des troubles psychiatriques associés (dépression, troubles anxieux,…) qui peuvent passer inaperçus mais qui nécessitent une prise en charge dédiée.

Quelles sont les structures d'accueil pour un adulte autiste ?

Plusieurs structures peuvent accueillir un adulte autiste (généralement à partir de 20 ans). Les établissements médico-sociaux sont accessibles sur notification de la commission de la MDPH, en fonction des besoins, des attentes et de l'accord de la personne autiste (ou de son représentant légal).

Quelles sont les structures d'hébergement ?

Il y a plusieurs types d'hébergement :

  • Les Foyers d'hébergement, des établissements dédiés à l'habitat des travailleurs en ESAT (établissement et service d'aide par le travail)
  • Les Centres de Jour, les Services Accueil de Jour ou les Foyers de vie Externat qui accompagnent les adultes handicapés en journée.
  • Les Foyers d'Accueil Médicalisé (FAM), dont certains sont spécialisés dans l'accompagnement des adultes autistes, grâce à une équipe pluridisciplinaire, en accueil de jour ou en hébergement complet. 
  • Les Maisons d'Accueil Spécialisé (MAS), qui accueillent, en accueil de jour ou en hébergement complet, les personnes lourdement handicapées (avec un très faible taux d'autonomie, qui nécessitent l'aide constante d'une tierce personne et/ou qui nécessitent une surveillance médicale importante)

Un adulte autiste peut également être maintenu à domicile et bénéficier de services d'accompagnement comme les SAMSAH (Service d'accompagnement médico-social pour adultes) et les SAVS (Service d'accompagnement à la Vie sociale) qui interviennent dans tous les lieux de vie sociale de la personne (formation, école, lieu de travail, activités de loisirs...), mais aussi qui aident à la gestion de la vie quotidienne (alimentation, démarches administratives, logement, travail, gestion du budget...).

Quelles structures d'accueil pour le travail ?

Les ESAT (établissement et service d'aide par le travail) accueillent des travailleurs handicapés en leur proposant une activité professionnelle adaptée et un soutien médico-social et éducatif. Les EA (entreprises adaptées) emploient au moins 80% de leurs salariés en situation de handicap dans leurs effectifs. La personne, reconnue comme travailleur handicapé par la MDPH, signe un contrat classique (CDI ou CDD) et bénéficie d'une rémunération a minima égale au SMIC mensuel. Certains adultes autistes peuvent tout à fait travailler en milieu ordinaire, dans une entreprise classique, moyennant parfois quelques adaptations. 

Merci au Dr Hélène Vulser, psychiatre à l'hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris.

Autour du même sujet