Rétinite pigmentaire : causes, âge, symptômes
Maladie génétique affectant la rétine et évoluant vers la cécité, la rétinite pigmentaire affecte une personne sur 3 500. À quoi est-elle due ? À quel âge apparaît-elle et sous quelles formes ? Quels sont les traitement ? Les docteurs Chafik Keilani et Raphaël Atia, chirurgiens ophtalmologistes nous expliquent cette maladie.
Définition
La rétinite pigmentaire est une maladie génétique dégénérative de l'œil caractérisée par une perte progressive et graduelle de la vision évoluant généralement vers la cécité. La rétinite pigmentaire est encore appelée RP ou rod-cone dystrophie ou retinitis pigmentosa, synonymes dérivés de son nom en anglais.
Causes
La maladie touche indifféremment les personnes des deux sexes, quelle que soit leur origine géographique. La rétinite pigmentaire est une maladie génétique due à la mutation de gènes impliqués dans le fonctionnement des photorécepteurs, cellules de la rétine, indispensables pour la vision. "Dans la moitié des cas, la personne atteinte est la première à l'être dans la famille, explique le Dr Kelani. On dit alors que la rétinite pigmentaire est sporadique. Dans ce cas, la maladie est la conséquence d'une mutation génétique survenue inopinément, elle est transmissible à la descendance". Dans l'autre moitié des cas, la rétinite pigmentaire est dite "familiale", car au moins deux personnes de la même famille sont atteintes. Plusieurs gènes entraînant la maladie ont été décrits et la transmission peut se faire selon tous les modes : autosomique dominant, autosomique récessif, transmission liée à l'X. Les gènes responsables sont très nombreux, plus d'une trentaine et la recherche continue d'en découvrir. La mutation de certains gènes est plus fréquente. Dans les formes autosomiques dominantes, la mutation de la rhodopsine (RHO) se retrouve dans un cas sur quatre tandis qu'une mutation du gène retinitis pigmentosa 1 (RP1) est présente dans 6 à 8 % des cas. Le gène RPGR est le gène majeur des formes dont la transmission est liée au chromosome X. Environ 15-20% sont de type autosomique dominant, 20-25 % de type autosomique récessif et 10-15% sont liées à l'X. Lorsque la maladie est dite autosomique dominante, cela signifie que la présence d'une mutation sur un des deux chromosomes suffit pour être malade. Une personne atteinte a un risque sur deux –c'est-à-dire 50% – de transmettre la maladie à ses enfants à chaque grossesse, quel que soit leur sexe : un seul exemplaire du gène muté, transmis soit par la mère soit par le père, entraîne l'apparition de la maladie. Lorsque la maladie est dite autosomique récessive, seuls les enfants ayant reçu le gène muté à la fois de leur père et de leur mère, sont atteints. Ainsi, les personnes atteintes sont porteuses de deux exemplaires du gène muté alors que chacun des parents n'en est porteur qu'à un seul exemplaire. Dans ce cas les parents sont des porteurs sains, ils ne présentent pas les signes de la maladie. Cette maladie ne touche donc habituellement que des frères et sœurs dans une même famille.
La probabilité d'avoir un autre enfant atteint est d'une sur quatre.
La probabilité d'avoir un autre enfant atteint est d'une sur quatre. Lorsque la maladie est dite récessive liée au chromosome X, cela signifie qu'elle touche essentiellement les personnes du sexe masculin. La femme porteuse d'un gène muté situé sur un de ses deux chromosomes X n'a habituellement aucune manifestation de la maladie ; le gène non muté situé sur le second chromosome X vient compenser ce défaut. En revanche, un enfant de sexe masculin qui a cette mutation sur le seul chromosome X qu'il possède (et qu'il a hérité de sa mère), développera la maladie. Une femme ayant un seul chromosome X porteur de la mutation pourra donner naissance une fois sur deux à un garçon malade ; dans 100% des cas les filles ne seront pas malades mais dans 1 fille sur 2 (50%) sera porteuse du gène malade. Un homme malade n'aura que des enfants indemnes. Cependant, toutes ses filles vont obligatoirement recevoir de leur père son chromosome X porteur du gène muté. Tous ses garçons héritant du chromosome Y, non impliqué dans la maladie, sont indemnes.
Âge
Le rétinite pigmentaire peut débuter à n'importe quel âge selon le gène malade avec une fréquence d'apparition plus grande entre 10 et 30 ans.
Symptômes
La rétinite pigmentaire débute généralement par des problèmes de vue lorsque l'intensité de la lumière diminue (héméralopie). "La première plainte sera une mauvaise vision la nuit, signale le Dr Kelani. Des difficultés d'adaptation à l'obscurité sont fréquentes". Puis progressivement, le champ visuel se rétrécit avec l'impossibilité de voir les choses en haut, en bas ou sur les côtés, donnant une impression de "vision en tunnel". Cette atteinte est bilatérale, c'est à dire que les deux yeux sont affectés. Cela altère progressivement les gestes de la vie quotidienne : la personne développe une certaine maladresse, des difficultés à conduire de nuit, parfois aussi de jour... Des troubles dans la vision des couleurs sont souvent présents (dyschromatopsie). La vision centrale est généralement conservée jusqu'à des stades tardifs de la maladie. Sa diminution se manifeste d'abord par des difficultés à réaliser des activités minutieuses ou à lire puis, progressivement l'acuité visuelle diminue et aboutit généralement à la cécité. La cataracte, qui est
une opacification du cristallin perturbant progressivement la vision, est également une complication fréquente.
Diagnostic
Le diagnostic est établi lors d'un bilan ophtalmologique effectué suite à des problèmes de vision nocturne, un accident par défaut de vision périphérique, ou une baisse d'acuité visuelle. Des examens complémentaires confirmeront le diagnostic. L'électrorétinogramme permet d'explorer l'activité cellulaire rétinienne au cours d'une stimulation lumineuse et dans le noir ; il met en évidence le dysfonctionnement des cellules de la rétine. La réalisation d'un électrorétinogramme ne nécessite pas d'hospitalisation, il est indolore. L'examen du fond de l'œil après avoir dilaté la pupille avec un collyre met en évidence la présence des dépôts pigmentés sur la rétine. Un examen du champ visuel, central et périphérique, est réalisé et permet d'évaluer le handicap visuel. D'autres examens complémentaires peuvent éventuellement être réalisés. Lorsque le diagnostic de rétinite pigmentaire est posé, le médecin pourra rechercher la mutation d'un gène déjà connu par un test génétique.
Traitement
"Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de traitement permettant de guérir de la rétinite pigmentaire, déplore le Dr. Kelani. Quelques précautions peuvent ralentir la progression de la maladie. Le port de verres protecteurs et filtrants adaptés, protégeant de la luminosité et des rayons ultraviolets est recommandé". Leur but est également de diminuer la sensation d'éblouissement, tout comme le port d'un chapeau. Il est également conseillé d'éviter les expositions au soleil. Un apport en vitamine A et E pourrait ralentir les altérations mais est prescrit au cas par cas. En cas de cataracte précoce, une intervention chirurgicale peut être conseillée. Cette opération n'est pas différente de celle réalisée chez les personnes qui ne sont pas atteintes de rétinite pigmentaire. Malgré l'absence de traitements curatifs, diverses aides dites "basse vision" peuvent être proposées lorsque la vision centrale est atteinte. En effet, la vision peut souvent être améliorée par des appareils spéciaux. Il s'agit d'aides optiques comme des lunettes grossissantes, des loupes, des
télescopes ou d'aides non-optiques qui consistent en un ensemble d'objets susceptibles de faciliter les activités de la vie quotidienne : livres et revues à gros caractères, cadrans de téléphone à gros caractères par exemple. Enfin des dispositifs de lecture informatisés intégrés sont utiles dans certaines circonstances. La mobilisation d'une équipe médicale pluridisciplinaire est nécessaire dans le suivi de la personne (ergothérapeute, spécialistes de la mobilité, etc.). Le suivi ophtalmologique est fait par un médecin ophtalmologiste. Il est aussi recommandé de rencontrer un médecin généticien connaissant les maladies oculaires. Ce médecin va pouvoir expliquer aux parents le mode de transmission de la maladie et les risques encourus par les membres de la famille et les options qui s'offrent à eux.
Par ailleurs, de nombreux essais thérapeutiques sont en cours de réalisation pour cette maladie. Deux types de traitements sont développés : les rétines artificielles avec des implants rétiniens par exemple et la thérapie génique avec l'injection d'un médicament permettant de traiter le gène malade.
Merci aux docteurs Chafik Keilani et Raphaël Atia, Chirurgiens ophtalmologistes au CHNO des Quinze-Vingts.