Cardiologie : les femmes, moins bien dépistées, moins bien prises en charge
Les femmes victimes d'infarctus ou d'AVC sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus jeunes. Un problème de santé publique pourtant sous-estimé par le grand public, comme par les professionnels de santé, alerte la Fédération Française de Cardiologie, à l'occasion de la Journée mondiale du cœur ce 29 septembre.
Non, l’infarctus ne touche pas que les hommes fumeurs, cinquantenaire, à l'allure bedonnante. Les femmes, même jeunes, peuvent faire un infarctus ou un accident vasculaire cérébral (AVC). Elles sont même plus souvent touchées : en Europe, 55% des femmes décèdent d’une pathologie cardio-vasculaire, comparé à 43% des hommes. Les maladies cardiovasculaires sont aussi la première cause de décès chez les femmes, soit huit fois plus meurtrières que le cancer du sein. Et selon l’Institut de Veille Sanitaire, entre 2002 et 2008 en France, le nombre de personnes hospitalisées pour un infarctus du myocarde a baissé dans toutes les classes d'âges chez les hommes (- 8 % de 45 à 54 ans). Sur la même période, il a progressé chez les femmes (+ 18 % de 45 à 54 ans). Enfin, les femmes jeunes ne sont pas épargnées : on constate actuellement une nette progression des infarctus chez les femmes de moins de 60 ans.
Même mode de vie, mêmes risques. Le tabagisme actif est un facteur de risque majeur des pathologies cardio-vasculaires, notamment chez les jeunes fumeuses. En effet, avant 50 ans, plus d'un infarctus féminin sur deux est lié au tabac ! De plus, une fumeuse présente son premier épisode d’infarctus du myocarde 13,7 ans plus tôt qu'une non-fumeuse. Au-delà du tabac, c’est le mode de vie des femmes qui a évolué ces cinquante dernières années. Celles-ci vivent comme les hommes : elles fument, elles consomment de l'alcool, elles travaillent, elles sont plus sédentaires, elles sont davantage en surpoids et ont une vie plus stressante… "Une bonne hygiène de vie (une alimentation saine, variée et équilibrée, zéro cigarette, une activité physique régulière) est la solution la plus efficace contre la maladie cardio-vasculaire. J’incite activement tous les médecins généralistes et tous les gynécologues à sensibiliser et accompagner leurs patientes dans ce sens… ", souligne Claire Mounier-Vehier, la Présidente de la Fédération Française de Cardiologie.
Stress : quand le cœur fatigue. Sans compter qu'aujourd'hui, les femmes mènent parfois plusieurs vies en même temps : elles s'occupent de la maison, des enfants, tout en menant une activité professionnelle stressante. Bref, elles accumulent énormément de tension. Or, le stress est un facteur de risque cardiovasculaire. En particulier, il augmente la rupture des plaques de cholestérol, ce qui favorise les infarctus. Et de manière indirecte, le stress chronique conduit les femmes à grignoter, à fumer davantage... ce qui augmente encore les risques.
Pilule + tabac = danger. Et si les jeunes femmes fumeuses sont plus à risque de faire un accident cardio-vasculaire, c'est aussi parce qu'elles prennent très souvent une contraception en même temps. Or après 35 ans, l’association tabac et contraception oestro-progestative est redoutable pour les artères et pour le coeur : le risque d'infarctus est multiplié par 30. On a toutes en tête le scandale des pilules de 3e et 4e génération, et la plainte de Marion Larat, cette jeune femme handicapée à la suite d’un AVC, qui avait porté plainte contre le laboratoire Bayer. Depuis, les recommandations de prescription ont été revues et les femmes sont censées être mieux informées quant aux effets secondaires des pilules. Les recommandations sont claires : aucune prescription de pilule, quelle que soit sa génération, ne peut être faite sans un interrogatoire poussé. Qu'il s'agisse d'une première contraception ou d'un renouvellement de pilule, le professionnel de santé doit vérifier qu'il n'y a pas de contre-indication, par exemple des cas de phlébites dans la famille de la patiente. "Le choix contraceptif doit absolument tenir compte du risque cardio-vasculaire individuel de chaque femme", confirme le Pr Mounier-Vehier.
Infarctus : des signes atypiques chez les femmes. La douleur dans la poitrine, celle qui sert fort, comme un étau, elle parle à tout le monde. Pourtant, il s'agit de la description d'un signe clinique typiquement masculin. "Les femmes les plus jeunes ressentent bien ce type de symptôme, mais dans la majorité des cas et notamment après 50 ans, les symptômes sont bien plus insidieux. De la fatigue, des difficultés pour respirer, des palpitations, des troubles du sommeil ou de l'humeur, voire des douleurs digestives, peuvent évoquer des signes avant-coureurs d'infarctus", explique au JournaldesFemmes.com Claire Mounier-Vehier. Non seulement les femmes ne sont pas informées, mais le pire, c'est que les médecins non plus !". Aussi, lorsque les femmes évoquent ces symptômes, ils sont souvent pris pour de l'angoisse. Résultat : le médecin a tendance à orienter son diagnostic vers un syndrome anxieux, voire une dépression. Et le problème, c'est qu'il s'en suit un retard de diagnostic qui peut être pénalisant.
Pour un infarctus, les femmes arrivent aux urgences en moyenne une heure plus tard que les hommes ! En plus d’être moins protégées, les femmes sont aussi moins bien dépistées que les hommes. Angiographies, électrocardiogrammes d'effort… Ces examens sont moins souvent réalisés chez les femmes. "Je conseille aux femmes de s'écouter et de ne pas hésiter à parler à leur médecin traitant de ce qu'elles ressentent. Et qu'elles ne s'arrêtent pas à un seul examen." Car selon la cardiologue, les examens sont adaptés pour les patients hommes, donc plus fiables pour eux. Les artères des femmes étant plus petites, il faudrait donc revoir leur étalonnage. Qui plus est, selon une enquête réalisée dans le Nord-Pas-de-Calais, les femmes arrivent aux urgences pour un infarctus en moyenne une heure plus tard que les hommes. Un retard qui s’explique par la méconnaissance du malaise cardiaque chez les femmes : les proches notamment, réagissent plus vite quand il s’agit... d’un homme.
Consulter le Livre Blanc "Pour un plan cœur " remis aux autorités de santé en octobre 2014.
http://www.fedecardio.org/sites/default/files/presse/communiques/livre_blanc_0.pdf
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