Purple drank : les ados de plus en plus accros au sirop contre la toux
Le cocktail violet, ou purple drank, élaboré à partir de sirop antitussif semble gagner en popularité auprès des jeunes. Un phénomène addictif qui inquiète l’Ordre des Pharmaciens.
De la limonade, des glaçons et… du sirop contre la toux : telle est la recette du purple drank (cocktail violet) qui séduit les jeunes et affole les pharmaciens. Cette pratique venue des Etats-Unis aurait débuté en France en 2013, même si la recherche d'ivresse par l'absoption de sirops existe depuis le début des années 2000 dans notre pays. Dans un communiqué de presse du 10 mars 2016, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) met en garde l'ensemble des acteurs concernés par la prise en charge sanitaire ou sociale de jeunes publics sur l'usage détourné de ces médicaments délivrés avec ou sans ordonnance.
Car le purple drank semble gagner de plus en plus d’adeptes. "Alors que les premiers signalements ont été rapportés au réseau d'addictovigilance de l'ANSM en 2013, une nette augmentation a été constatée depuis lors", précise le communiqué. L’Ordre des Pharmaciens avait lui aussi alerté, en mai 2015, les officines sur la vente sans ordonnance de ces sirops antitussifs contenant du dextrométhorphane (DXM), suite à une statistique publiée par le site PsychoActif ("l’espace solidaire entre les consommateurs de substances psychoactives") : "En 2014, le forum de discussion en ligne dont le nombre de posts a le plus augmenté est celui consacré au DXM, avec une augmentation de 1 700 %".
Quels effets sur la santé ? La consommation d’un tel cocktail génère chez la personne qui l’absorbe un effet euphorisant, désinhibant et hallucinatoire. En effet, le DXM est un dérivé de la morphine et par ses propriétés chimiques psychotropes, il modifie le fonctionnement du système nerveux. C'est pourquoi, à forte dose, il s’avère dangereux pour la santé et provoque des dépendances. Ainsi les doses de DXM absorbées dans un purple drank atteignent des sommets : alors que la dose recommandée pour un traitement contre la toux se situe entre 15 et 30 mg par prise, toutes les six à huit heures, entre 200 et 400 mg sont absorbés dans un seul verre de purple drank pour obtenir les effets recherchés. Certains consommateurs augmentent même les doses jusqu’à 1000 mg, se rapprochant dangereusement de la limite potentiellement létale de 2500 mg. Les principaux risques de ces fortes doses : des convulsions, une forte somnolence ou encore des troubles de l’élocution. En France, les antitussifs contiennent le plus souvent du DXM car cette substance bloque le reflèxe nerveux de la toux. D'autres sirops antitussifs contiennent de la codéine, également dérivé de la morphine : leur action est similaire au DXM mais les sirops codéinés sont moins fréquents en France, car leurs effets secondaires sont plus marqués. Ces sirops sont néanmoins eux aussi très appréciés des adeptes du purple drank. Dans les deux cas, la limonade ou les sodas utilisés pour diluer le sirop limitent les effets secondaires communs tels que les démangeaisons. À ce cocktail viennent souvent s’ajouter des comprimés antihistaminiques (contre les allergies) vendus eux aussi sans ordonnance qui procurent un effet anti nauséeux et sédatif, contribuant à diminuer les effets secondaires des dérivés morphiniques.
Les jeunes peu conscients des risques. Les risques liés à l’absorption de ce cocktail sont souvent ignorés par les jeunes qui consomment cette boisson, dont la liste des ingrédients se trouve sans aucune difficulté sur internet. L’aspect de ce cocktail, "coloré et sucré" lui confère même une apparence "ludique et inoffensive" explique sur son site le Centre d’Évaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance d’Île-de-France (CEIP).
Un phénomène peu chiffré. Depuis deux ans, peu de statistiques ont été réalisées en France sur l’étendue de cette pratique. En novembre 2014, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) avait néanmoins lancé un appel pour mettre en garde les pharmaciens contre ce phénomène suite aux résultats d'une étude rétrospective menée entre 1999 et 2013 : entre 2009 et 2013, 39 cas d'abus de DXM ont été signalés aux réseaux des CEIP et des Centres Régionaux de PharmacoVigilance (CRVP) contre seulement 12 cas entre 2003 à 2008. Le phénomène demeure donc marginal mais nécessite une grande vigilance de la part des pharmaciens, vis-à vis de ces médicaments disponibles sans ordonnance. En janvier 2015, le CEIP Île-de-France avait lui aussi tiré la sonnette d’alarme en avertissant sur son site internet que "le détournement de médicaments par les adolescents nécessite une vigilance renforcée des professionnels de santé", l’usage récréatif de médicaments psychoactifs constituants "une porte d’entrée possible dans l’addiction".