16 millions de Français prennent ce médicament : il augmente le risque de cancer de l'estomac
Il forcerait l'estomac à réagir d'une manière qui stimule la croissance de tumeurs, "surtout avant 65 ans".
C'est le médicament de référence contre les brûlures d'estomac. Utilisé par 16 millions de personnes selon la Haute Autorité de Santé, il est si efficace que son usage est devenu banal. Or, depuis plusieurs années, des soupçons pèsent sur lui : "Des mécanismes biologiques suggèrent un lien entre l'utilisation prolongée [de ces traitements] et un risque accru de cancer de l'estomac", expliquent des chercheurs nordiques dans leurs travaux.
Les scientifiques ont mené une vaste étude, le projet "NordGETS", dont les résultats viennent d'être révélés au Congrès européen de gastro-entérologie 2025 à Berlin. Les auteurs ont analysé les registres de santé de cinq pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède). Ils ont comparé les données de 1 790 patients atteints de "néoplasies neuroendocrines (NEN) gastriques", des tumeurs spécifiques, souvent à évolution lente, qui se forment dans la paroi de l'estomac. Les données ont été comparées à plus de 17 000 sujets témoins sains. L'analyse a tenu compte de facteurs comme l'infection à Helicobacter pylori (une bactérie qui infecte l'estomac) ou la gastrite atrophique chronique (une inflammation chronique de la paroi de l'estomac) pour isoler l'effet réel du médicament.
Rapportée par Medscape, l'étude "révèle pour la première fois un risque accru de 83% de NEN gastriques" chez les grands consommateurs de ces traitements en comparaison à ceux qui n'en prennent pas, "particulièrement les moins de 65 ans". Les médicaments en cause sont les Inhibiteurs de la Pompe à Protons ou "IPP". Ce sont des anti-sécrétoires gastriques très puissants, dont le rôle est de bloquer durablement la production d'acide dans l'estomac en agissant directement sur la "pompe" qui le fabrique.
En France, plusieurs IPP sont disponibles. On trouve notamment l'ésomeprazole (Inexium®), l'oméprazole (Mopral®, Zoltum®), le lansoprazole (Lanzor®, Ogast®), le pantoprazole (Eupantol®, Inipom®) et le rabéprazole (Pariet®), ainsi que leurs génériques. Le mécanisme suspecté ? En provoquant une "suppression acide chronique", les IPP forcent l'estomac à réagir. Il produit alors massivement une hormone, la gastrine. C'est cette "hypergastrinémie secondaire" qui est soupçonnée de stimuler, à terme, la croissance de ces tumeurs.
Faut-il pour autant arrêter leur prise ? Non, pas sans avis médical. "Ces résultats ne doivent [...] pas remettre en cause l'utilisation des IPP chez les patients dont l'indication est appropriée" explique le Dr Eivind Ness-Jensen, premier auteur de l'étude. Le risque se situe avant tout dans la prise de ces médicaments sur le long terme. La recommandation des chercheurs est de discuter avec son médecin de la pertinence de poursuivre le traitement au long cours et d'éviter l'automédication prolongée.
