Un spray nasal anti Covid développé au CNRS
Une équipe de chercheurs français du CNRS a imaginé un spray nasal qui serait capable de neutraliser le coronavirus dans l'organisme et de stopper l'infection. Quel est son mode d'action ? Son efficacité réelle sur le Covid-19 ? Ses effets secondaires ? Sa date de disponibilité ?
Une équipe de chercheurs français dirigée par le Pr Philippe Karoyan (Sorbonne Université au Laboratoire des Biomolécules, Ecole normale supérieure/CNRS) a imaginé une molécule qui serait capable de neutraliser le Sars-Cov-2 - le virus responsable de l'épidémie de Covid-19 - et de l'empêcher de pénétrer dans les cellules du poumon. Cette molécule pourrait être le principe actif d'un spray nasal, un produit qui viendrait renforcer notre système immunitaire. "On pourrait imaginer se faire une pulvérisation de ce spray à chaque fois qu'on sort dehors, car elle aurait une efficacité de trois heures", précise le Pr Karoyan, interrogé sur BFMTV le 4 septembre 2020. Si les essais cliniques chez l'homme s'avèrent concluants, cette découverte innovante pourrait constituer une solution alternative à la vaccination.
Quel est son mode d'action ?
Pour qu'il y ait une infection au Covid-19, il doit y avoir une interaction entre la protéine virale du Sars-CoV-2 et le récepteur de la protéine ACE2. "Cette interaction ouvre au niveau pulmonaire les portes d'entrée des cellules au virus, à l'origine de l'infection et de la multiplication du virus", expliquent les chercheurs dans leur communiqué du 28 août 2020. Ce spray nasal agit en fait comme "un leurre, capable de bloquer, de façon irréversible, le virus Sars-CoV-2 en l'empêchant d'infecter les cellules pulmonaires", développent-ils. Concrètement, ce spray nasal contient un peptide (une petite protéine) qui imite le récepteur de la protéine ACE2. Présente sur la surface de certaines de nos cellules, la protéine ACE2 est la "serrure" par laquelle passe le coronavirus. Grâce à ce spray, les leurres agissent comme des "fausses serrures" : au lieu de se fixer sur les vraies protéines ACE2, le virus, ainsi piégé, s'accroche sur ces serrures, ce qui empêche l'interaction entre la vraie protéine ACE2 et le virus, et donc l'infection.
Quelle efficacité contre le Covid-19 ?
Les leurres ont été testés in vitro sur des cellules pulmonaires humaines et trois d'entre eux ont montré des résultats encourageants. Deux se sont même montrés "très puissants pour stopper l'infection virale". Ces leurres seraient 1 000 fois plus puissants que les cellules naturelles, assure le Pr Karoyan lors d'une interview sur le site Actu.fr. En s'agglutinant sur le coronavirus, les leurres l'empêcheraient d'atteindre les cellules du poumons et bloqueraient ainsi l'infection. Lors du test, l'interaction entre ces leurres peptidiques et la protéine virale du coronavirus a été "si forte qu'elle a été irréversible", expliquent les chercheurs français. De ce fait, "ces leurres constitueraient de puissants outils qui pourraient être utilisés dans des approches prophylactiques et thérapeutiques pour lutter contre la COVID-19", estiment-ils.
Quelle est sa composition ?
Ce spray a été créé à partir d'acides aminés naturels, des éléments de base constituant les protéines. Les acides aminés sont capables de se fixer sur une cellule virale.
Quels sont les éventuels effets secondaires ?
Interrogé sur BFMTV le 4 septembre, le Pr Karoyan insiste sur le fait que "ce produit ne présente aucune toxicité pour les cellules pulmonaires humaines à 150 fois la dose efficace pour bloquer l'infection".
Où en sont les essais cliniques ?
Pour le moment, les résultats sur ce spray nasal sont préliminaires et sont au stade "in vitro". Le spray n'a ni été testé sur les animaux, ni sur les hommes. Ces travaux sont accessibles en pré-publication sur la plateforme BioRχiv et n'ont encore pas fait l'objet de publication dans des revues scientifiques. Ce projet, soutenu par la direction de la recherche de la faculté des Sciences et Ingénierie de Sorbonne Université et la SATT-Lutech, fait toutefois l'objet d'une demande de brevet, licencié à la Start-up χ-Pharma, le 8 mai 2020. Le projet est également encouragé par les membres du Conseil scientifique du Covid-19. Les chercheurs ont désormais besoin d'un financement estimé entre 700 000 et un million d'euros pour réaliser des tests in vivo (étudiés dans un organisme vivant) et mettre au point un traitement préventif, qui pourrait prendre la forme de pastilles à faire fondre sous la langue, d'un spray oral ou nasal. Le traitement pourrait être disponible dès la fin de l'année, selon l'équipe du CNRS, à condition d'obtenir les fonds nécessaires.
Source : Découverte d'un peptide bloquant l'infection des cellules pulmonaires par le Sars-CoV-2, Sorbonne Université, CNRS, ENS, PSL, 28 août 2020.