Après un frottis anormal, la prise en charge pourrait être améliorée

La colposcopie permet de préciser la nature des lésions repérées lors d’un frottis. Et ainsi d’adapter le traitement chirurgical en conséquence. Mais elle est encore peu pratiquée en France. Explications du Dr Bernard Huynh, gynécologue.

Après un frottis anormal, la prise en charge pourrait être améliorée
© adamgregor - 123 RF

Le frottis est l'examen clé de dépistage du cancer du col de l'utérus. Il doit être effectué tous les trois ans, entre 25 et 65 ans, que l'on soit, ou pas, vaccinée contre les papillomavirus. "C'est la meilleure solution pour détecter le cancer du col de l'utérus", rappelait l'Institut national du cancer (Inca) début janvier à l'occasion d'une campagne d'information. "Le frottis est actuellement le seul moyen pour les femmes non vaccinées de prévenir le cancer du col de l'utérus, qui tue chaque année 1 200 femmes", nous précise le Dr Bernard Hyunh, chirurgien-gynécologue et trésorier de la Société Française de Colposcopie et de Pathologie Cervico-Vaginale. Il est donc indispensable, d'autant plus, rappelle-t-il, qu'avoir des lésions sur le col de l'utérus, ne donne "aucun symptôme".

Rappelons que le cancer du col de l'utérus est la conséquence d'une infection au papillomavirus (virus HPV), que la quasi totalité des femmes rencontrent au début de leur vie sexuelle. La plupart du temps, cette infection banale et sans complication, est éliminée par les anticorps. L'évolution vers les lésions précancéreuses est en fait très rare (on les détecte chez moins de 1% des femmes). De plus, les anomalies liées aux papillomavirus évoluent lentement et peuvent donc être diagnostiquées de nombreuses années plus tard (jusqu'à 30 ans). Les conséquences sont néanmoins sérieuses : environ 60% de ces lésions peuvent évoluer vers un cancer. 

Le frottis détecte les anomalies, la colposcopie les précise. Le frottis est un examen simple et rapide, qui consiste à prélever à l'aide d'un spéculum des cellules du col utérin. Le prélèvement est ensuite transmis à un laboratoire d'analyse. Toute une gamme d'anomalies peut alors être détectée, de la simple infection virale à des lésions cancéreuses plus avancées. A la suite d'un frottis évocateur, une colposcopie est alors nécessaire "afin de localiser et de préciser si ces lésions sont débutantes ou plus graves", détaille Bernard Hyunh. Le colposcope est une sorte de grosse loupe qui permet en somme de zoomer sur la lésion pour voir ce qu'on ne verrait pas à l'œil nu. Il est utilisé lors de la conisation, qui consiste à enlever un petit bout de col utérin.

Les femmes doivent s'informer. Mais le problème, c'est que la colposcopie est aujourd'hui insuffisamment utilisée par les praticiens. Ainsi, on compte dans notre pays environ 30 000 actes de conisation. Mais selon une étude déclarative, "70% des médecins qui la pratiquent, n'utiliseraient pas le colposcope au bloc opératoire", déplore la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV). Pour les patientes, les conséquences ne sont pas négligeables, surtout chez les plus jeunes, désireuses de préserver leur fertilité : lorsqu'une partie du col est retirée, "ces traitements peuvent être la source d'accouchements prématurés lors de grossesses ultérieures". Or, avec la colposcopie, on diminue le volume de ce qu'on enlève avec une qualité de traitement comparable. "Les femmes ne doivent pas hésiter à s'informer, commente le Dr Hyunh. Lorsqu'une conisation est prévue, elles doivent demander à ce qu'elle se fasse sous colposcopie au bloc opératoire". Car selon le médecin, se passer de cet examen de précision, c'est un peu comme "opérer à l'aveugle". Alors, forcément "la qualité de l'intervention est moindre et les résultats sont moins bons puisqu'on perd en précision".

Avec d'autres sociétés savantes, la SFCPCV s'est engagée à optimiser la prise en charge des femmes, via la mise en place d'une charte qualité, visant à améliorer la qualité des traitements et à homogénéiser les pratiques. L'idée étant de traiter les patientes de manière très ciblée, et donc de gagner en efficience. Car pour l'heure, "les médecins ne sont pas suffisamment formés et de nombreux CHU ne sont pas équipés en colposcopes, souligne le gynécologue. Cela prend du temps. Comme toujours en médecine, les pratiques médicales ne suivent pas toujours les progrès techniques !" Actuellement, environ 550 gynécologues se sont inscrits dans cette démarche.

En savoir plus : consulter la liste des médecins adhérant à la qualité en colposcopie