Un nouveau métier : l'actiphysicien
Devant la nécessité d'éduquer les patients à l'activité physique, de nouveaux métiers sont nés, dont celui d'actiphysicien. Laurence Bensimon-Clémente, ancienne championne de natation, le pratique à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.
Dès 2008, dans son rapport sur les effets de l'activité physique sur la santé, l'Inserm recommandait d'identifier et valoriser de nouveaux métiers d'éducateur/animateur en activité physique et sportive, orientés sur la prévention ou l'éducation thérapeutique, permettant la mise en place et la pérennisation d'actions collectives et de prises en charge individualisées. Le métier d'actiphysicien entre dans cette recommandation.
Qu'est-ce qu'un actiphysicien ?
Laurence Bensimon-Clémente : Les actiphysiciens travaillent le plus souvent au sein d'hôpitaux ou de réseaux de santé. Ces nouveaux professionnels de la santé ont pour objectif de traiter les maladies chroniques par l'activité physique. Ce que les diététiciens sont à la diététique, les actiphysiciens le sont à l'activité physique ! Le métier d'actiphysicien, aussi appelé éducateur médico-sportif, est en plein essor. Entre 10 et 15 000 actiphysiciens sont diplômés tous les ans en France. Ils sont issus de deux grandes filières, l'une chapeautée par le ministère de l'Education nationale avec la filière Staps, et l'autre sous l'égide du ministère des Sports, de la Jeunesse, de l'Education populaire et de la Vie Associative, avec des brevets d'Etat (BPJEPS, DE JEPS, DESJEPS).
Qui doit faire de l'activité ?
L. B-C. : L'activité physique peut et doit se pratiquer à tout âge, malgré la maladie ou le handicap, puisque des personnes en fauteuil roulant en font. Si elle est adaptée, elle permet de bien vieillir, on peut donc en pratiquer jusqu'à la veille de sa mort !
Peut-on peut se faire prescrire de l'activité physique comme un médicament ?
L. B-C. : En quelque sorte. Les médecins recommandent de consulter un actiphysicien, oralement ou sur ordonnance. Une séance coûte entre 30 et 60 euros, en fonction de sa durée. Ces consultations ne sont pas remboursées par l'Assurance maladie, mais certaines complémentaires santé les prennent en charge.
Comment se déroulent les consultations chez l'actiphysicien ?
On peut pratiquer de l'activité physique jusqu'à la veille de sa mort !
L. B-C. : Tout d'abord, nous définissons ce que sera une activité physique modérée pour le patient. Pour certains, marcher à vive allure suffira pendant un certain temps, puis lorsqu'il aura amélioré sa condition physique grâce au programme élaboré sur mesure pour lui, cela ne sera pas assez intense et il lui faudra peut-être trottiner doucement.
Nous voyons généralement nos patients sur 5 ou 6 séances, durant lesquelles nous leur montrons comment bouger en fonction de leur maladie. Nous les aidons à surmonter tous les obstacles : douleurs, manque de temps, mauvais matériel... Et puis nous les incitons à pratiquer leur activité physique de façon autonome, seuls ou au sein de clubs et d'associations. Le suivi que nous réalisons ensuite nous montre qu'ils parviennent généralement à poursuivre leur activité une fois qu'ils sont "reconditionnés'', qu'ils se sentent bien mieux durant l'effort, et ce même deux ans après leur prise en charge.
Devez-vous leur faire changer radicalement leurs habitudes ?
L. B-C. : Inclure l'activité physique dans sa vie ne signifie pas changer radicalement de mode de vie. Nous incitons les patients à bouger sans rien changer aux incontournables de leur quotidien, que sont leur travail ou leur lieu de résidence. Cela se traduit par un programme spécifiquement dédié et des gestes simples intégrés au quotidien : avoir un vélo elliptique chez soi et en faire 20 minutes tous les matins avant la douche, on peut se lever plus souvent au bureau, emporter des baskets pour rentrer chez soi en marchant vite... Pour être durables, ces ajustements doivent se faire petit à petit et de façon suivie.
Notre étude montre que 1 Français sur 2 ne sait pas que l'activité physique peut permettre de prévenir et de traiter les grandes maladies.
Les grandes maladies chroniques de notre siècle ont changé la donne
L. B-C. : Ce n'est malheureusement pas très étonnant. Nous venons d'un système dans lequel le patient était passif et attendait tout de son médecin pour guérir. Mais les grandes maladies chroniques de notre siècle - cancers, troubles cardiovasculaires, diabète, etc.- ont changé la donne. Les nouveaux soignants ou "médecins'' de ces maladies sont les médias, dont on a particulièrement besoin pour en parler. Pour prévenir et soigner les maladies chroniques, tout le monde doit changer ses "mauvaises'' habitudes. Les Français doivent changer de mode de vie durablement, ce qui est la chose la plus difficile à faire. Nous, les actiphysiciens, sommes là pour les écouter, les recevoir, les conseiller, les guider, vers ce changement durable, mais encore faut-il qu'ils sachent que l'activité physique - et quelle activité physique -, leur est spécifiquement recommandée.
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