Témoignage. "Le cheval m'a fait perdre ma vie mais c'est aussi lui qui me l'a redonnée"
Marie a été victime d'un très grave accident de cheval.
Tout commence comme un rêve dans le monde des chevaux, mais c'est Cécile, sa mère, qui le raconte. Car Marie, 34 ans, a tout oublié le 19 février 2015 quand elle est tombée de cheval à Wellington, aux États-Unis : "Marie avait commencé le cheval à 6 ans, une passion familiale, avec une grand-mère allemande éleveuse, moi qui donnais des cours, entre autres le mercredi et le samedi à mes quatre enfants. Marie était la plus passionnée, au point de devenir championne de France." C'est ce qui la conduit aux États-Unis, après l'école des jeunes cavaliers de Saumur, à Wellington (Floride), lieu de l'accident : "Marie entraînait les chevaux d'une cavalière olympique de sauts d'obstacle. On l'a retrouvée inanimée, le cheval était peut-être tombé aussi, sur elle."
Quand le chirurgien américain joint Cécile chez elle en France, près de Bordeaux, c'est pour lui dire que c'est "très grave" puisque le pronostic vital est engagé : "La certitude est qu'elle avait perdu la parole, l'audition, la mobilité des jambes, mais elle risquait surtout de perdre la vie à cause de la pression intracrânienne. Marie avait un énorme hématome à gauche et un caillot à droite." Suivent des mois d'angoisse pour la mère, pas pour la fille : "Pour réaliser d'où je venais, où j'en étais, j'ai mis deux ans. La conscience du traumatisé crânien revient par paliers, chiffrés de 1 à 10 par les médecins", explique Marie, dont l'élocution reste encore difficile aujourd'hui. "C'est comme le corps. Je dicte un mouvement mais ma jambe ne suit pas, ce qui me rend fragile, et mon sens de l'équilibre est totalement perturbé."
Quatre ans de rééducation
Les hospitalisations et le temps de rééducation en centre vont s'étaler sur 4 ans, aux Etats-Unis grâce à la prise en charge en accident du travail : "Marie était heureusement bien couverte, précise Cécile, ce qui nous a permis d'aller dans les meilleurs centres, pour le traumatisme crânien comme dans un centre d'aphasie, avec des professionnels adorables et un équipement sophistiqué, des piscines adaptées, une combinaison qui stimule les sensations neurologiques, puis de l'équithérapie." Renouer avec le cheval, une idée de Cécile à qui les médecins ont conseillé de rapprocher Marie de ce qui la stimule. Si la jeune fille a tout oublié, elle a en revanche instinctivement un penchant pour ce qu'elle a déjà connu, et le cheval était toute sa vie.
Cécile a tiré un trait sur sa vie française pour stimuler Marie du matin au soir sept jours sur sept, en s'installant à proximité. Père, frères et sœurs, cousins, se succèdent dans les centres à son chevet, Cécile fait les deux heures de trajet pour le centre où Marie retrouve un peu la magie de sa passion, sans parler encore, en fauteuil roulant, sujette à des crises d'épilepsie : "Je lui apprenais aussi bien à tenir une fourchette qu'à reconstruire sa musculation et retrouver sa coordination sur le cheval, l'encourageant comme on le fait pour une enfant : "C'est bien Marie, bravo !"." Après cinq ans d'une patience d'ange et armée d'une foi hors du commun, les progrès sont là, et Cécile a une idée : "Et si Marie faisait du para-dressage ?"
Remonter à cheval grâce au para-dressage
L'équipe américaine de para-dressage (équitation pour cavalier handicapé) lui a immédiatement ouvert les bras, en lui prêtant un cheval et tous les gestes oubliés sont revenus, petit à petit. En quelques mois, Marie a trouvé sa place dans le top 5, de quoi envisager une participation aux JO de Paris 2024. Relever des défis l'a toujours motivée et le cheval est plus que jamais son meilleur ami : "Quand je suis sur un cheval, valide ou pas, c'est pareil. Il est mes jambes." Après un dur entraînement, Marie a fait son retour en France en avril 2024 avec Bomba Stic d'Arion, un mâle de 11 ans qu'elle monte avec les pieds élastiqués dans les étriers, pour éviter tout écart, une selle aménagée sur mesure en fonction de ses faiblesses, des rênes avec des repères. Ce cheval français, "rencontré" en 2020 lors d'un passage en France, est devenu son binôme. Qualifiée comme suppléante pour les Jeux paralympiques, Marie n'a pas concouru sur le devant de la scène, mais elle en a partagé toutes les émotions, reconnue internationalement comme athlète de haut niveau.
Et ce n'est sans doute qu'un au revoir : "Là, on se pose un peu, expliquent-elles en chœur. Pour faire le point." Mais les JO 2028 se déroulant dans le pays où Marie a failli perdre la vie, avant de la retrouver, ce serait tout un symbole. L'essentiel est que les progrès continuent, sur le plan de la parole, de la coordination, de la joie de vivre aussi, grâce à sa famille, sa mère en tête, et à son cher cheval.