C'est quoi le scandale des eaux contaminées Nestlé ?
Un rapport de l'Anses révèle la contamination de plusieurs eaux minérales commercialisées par le groupe français Nestlé.
Panique chez Nestlé. Le jeudi 4 avril, Le Monde et franceinfo ont révélé les résultats d'un rapport confidentiel mené par l'Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) faisant état d'une contamination généralisée à des bactéries et des contaminants chimiques des eaux exploitées par le groupe Nestlé en France. Les eaux des marques Perrier, Hépar, Vittel ou Contrex sont concernées. L'expertise, transmise au gouvernement en octobre 2023, indique que la qualité sanitaire ne serait pas "garantie" aux consommateurs. Que reproche-t-on vraiment aux eaux Nestlé ? Que risque-t-on si on boit ? Résumé et enjeux de ce scandale sanitaire.
Point de départ de l'alerte
► En décembre 2020 : un ancien salarié du groupe Alma (Cristalline, Châteldon, St-Yorre, Vichy Célestins...) lance une alerte et déclenche une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les pratiques des producteurs français d'eaux en bouteille. Pendant l'enquête, la répression des fraudes fait une autre découverte : le groupe Alma serait loin d'être le seul à avoir recours à des traitements interdits. En analysant les fichiers des fournisseurs de filtres, les enquêteurs découvrent parmi les noms des clients celui de Nestlé Waters.
► En juin 2023 : le directeur de l'ARS Occitanie, Didier Jaffre, sollicite les services de l'Anses "au regard de la vulnérabilité" des ressources en eau du site de Vergèze, là où sont produites les eaux Perrier® (groupe Nestlé). Même chose pour le directeur de l'ARS Grand Est où sont produites à Arches (Vosges) les eaux Hépar®, Vittel® et Contrex®. Dans leur courrier, les agences régionales de santé évoquent "la présence de traitements interdits" dans deux usines d'embouteillage, "la présence de micropolluants" et "une contamination régulière des eaux brutes sur au moins 5 des 7 forages".
► En octobre 2023 : après une enquête menée par le laboratoire d'hydrologie de Nancy, les experts de l'Anses remettent au ministère leurs conclusions, précisant n'avoir pas eu accès qu'à des informations "tronquées et parcellaires" pour mener leur expertise.
La note pointe le recours à des traitements interdits sur les eaux minérales comme les ultraviolets et les filtres au charbon actif.
Malgré tout, leurs conclusions sont sans appel et confirment les alertes précédemment émises : la note pointe des contaminations régulières à des bactéries et la présence de contaminants chimiques, mais aussi le recours à des traitements interdits sur les eaux minérales comme les ultraviolets et les filtres au charbon actif. La non-conformité des eaux révèle donc "un niveau de confiance insuffisant" ne pouvant "garantir la qualité sanitaire des produits finis", autrement dit, les eaux minérales naturelles commercialisées par le groupe Nestlé. L'Anses recommande au ministère de la Santé un "plan de surveillance renforcé" considérant que ces anomalies "ne devraient pas conduire à la production d'eaux embouteillées" dans ces sources, écrit encore l'Anses.
► Aujourd'hui : malgré les recommandations des autorités sanitaires, Nestlé semble continuer à exploiter les sources contaminées pour produire de l'eau minérale naturelle. Contacté par franceinfo, le groupe répète que la qualité de ses eaux est conforme à la réglementation et assure avoir retiré les autres traitements illicites (filtres à charbon actif et ultraviolets) mis en place ces dernières années et qui sont pourtant nécessaires pour assurer une désinfection efficace de l'eau.
Que reproche-t-on aux eaux Nestlé ?
Deux problèmes majeurs sont soulevés :
- la note de l'Anses rapporte des contaminations microbiologiques "d'origine fécale" régulières à des bactéries coliformes, type Escherichia coli ou entérocoques intestinaux sur de nombreux forages "pouvant atteindre des concentrations élevées" alors que la réglementation sur les eaux minérales naturelles ne tolère la présence d'aucune bactérie dans l'eau, que ce soit avant ou après embouteillage.
- le rapport révèle la présence de Pfas (substances per- et polyfluoroalkylées), des polluants dits "éternels" massivement utilisés par l'industrie, ainsi que des pesticides et leur produit de dégradation dont la somme peut, pour certains captages, "dépasser 0,1 microgrammes par litre", soit le seuil réglementaire pour l'eau minérale naturelle.
Un surprenant hasard de timing car un projet visant à restreindre la fabrication et la vente de produits qui contiennent des Pfas doit être examiné ce jeudi 4 avril à l'Assemblée Nationale.
Quelles sont les eaux du groupe Nestlé ?
D'après leur site, le groupe Nestlé Waters détient les eaux :
- Vittel®
- Perrier® (et Perrier Fines Bulles)
- Contrex®
- Hépar®
Le groupe Nestlé détient également les marques San Pellegrino®, Acqua Panna®, Nestlé Pure Life®, mais pour l'instant, l'Anses n'a pas indiqué si ces eaux étaient concernées par ces contaminations.
Quel risque santé pour le consommateur ?
Les avis divergent. Le ministère de l'Économie assure qu'"aucun risque sanitaire lié à la qualité des eaux embouteillées n'a été identifié à ce stade". "Le risque pour la santé semble étayé", insiste de son côté Ingrid Kragl, directrice de l'information au sein de l'association Foodwatch, sur BFMTV. L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) est plus nuancée : si "globalement", le "niveau de conformité est élevé sur les eaux en bouteille, il ne serait pas prudent de conclure à la parfaite maîtrise du risque sanitaire, notamment du risque microbiologique [....] Les traitements mis en place" l'ayant été pour "pallier un défaut de qualité de la ressource, leur retrait est de nature à engendrer un risque sanitaire".