"Victime de la névralgie d'Arnold, mes douleurs insupportables cachaient en réalité autre chose"

Mal à l'arrière de la tête puis aux yeux, au cou... Les médecins diagnostiquent à Audrey une névralgie d'Arnold. Sauf que les symptômes sont de plus en plus violents.

"Victime de la névralgie d'Arnold, mes douleurs insupportables cachaient en réalité autre chose"
© DR

Il y a encore quelques années, Audrey Aronica, 42 ans, avait une belle vie. Esthéticienne, elle avait créé son entreprise, était mariée et mère de deux enfants qui ont désormais 16 ans et 11 ans. Mais tout s'est écroulé en janvier 2018. "J'ai commencé à avoir une douleur à l'arrière de la tête qui remontait sur le sommet du crâne. Au bout d'une semaine, j'ai consulté mon médecin généraliste qui a pensé à une migraine et à la névralgie d'Arnold. Mais mon état de santé ne s'améliorait pas et, toutes les semaines, je retournais le voir. La douleur ne passait pas, voire empirait au niveau du visage. Je ne réagissais absolument pas au Doliprane® et je commençais à avoir des douleurs dans l'œil et au niveau des dents. Tout mon visage était pris en otage", explique Audrey.

"Je n'ai pas de solution à part vous couper la tête"

Le 24 février 2018, elle se rend aux Urgences. "La douleur était tellement importante que j'ai cru que je faisais un AVC. J'avais mal à m'en taper la tête contre les murs et je vomissais". Les médecins confirment alors la névralgie d'Arnold, une affection neurologique caractérisée par la compression ou l'inflammation d'un nerf crânien, le grand nerf occipital, responsable de douleurs chroniques localisées dans la région du cou et du crâne. Mais les douleurs persistent et son généraliste oriente Audrey vers un neurologue qui se montre dénué d'empathie. "Je n'oublierai jamais ce rendez-vous parce qu'elle m'a dit : "Mais madame, à part la tête, tout va bien chez vous. Je n'ai pas de solution à part vous la couper". Nous étions sous le choc avec mon mari et je suis repartie avec une belle ordonnance d'anti-épileptiques, d'antidépresseurs, d'anxiolytiques, d'antidouleurs, d'antitout".

La situation d'Audrey empire

La jeune femme souffre toujours plus mais refuse de baisser les bras. Elle consulte deux neurologues qui ne dressent aucun diagnostic à part celui de la névralgie d'Arnold. "J'avais des symptômes violents au niveau du visage et des yeux en particulier et je n'arrivais plus à travailler durant des journées entières. J'ai continué à faire des recherches et j'ai identifié un chirurgien spécialiste de la migraine localisé à Lausanne en Suisse qui m'a suivie pendant deux ans."

"Les douleurs donnent l'impression qu'on vous arrache l'oeil"

Soignée à l'aide d'infiltrations de cortisone et de botox puis opérée, Audrey dépense une fortune. "La décompression des nerfs subie en Suisse a amélioré les douleurs situées sur le côté gauche. Mais trois mois plus tard, les douleurs à droite se sont accentuées et j'ai vraiment connu une descente aux enfers. Ma vie sociale a explosé et j'ai fermé mon entreprise tellement les douleurs étaient insupportables. Elles donnent l'impression qu'on vous arrache l'œil. Quand j'avais une crise, je ne pouvais pas m'empêcher de bouger" explique Audrey qui finit par consulter un neurologue spécialiste à l'hôpital de Lariboisière à Paris qui a enfin diagnostiqué une algie vasculaire de la face ! Cette maladie neurologique, dont la cause reste encore méconnue, se manifeste par des crises douloureuses centrées autour de la zone située au niveau de l'œil et de la tempe. "Il m'a envoyé immédiatement une ordonnance afin que je me procure de l'oxygène au plus haut débit, le traitement de référence de cette pathologie qui est qualifiée de maladie du suicide. Au début j'ai eu du mal à le supporter : j'avais déjà perdu 10 kilos et ma tension tombait parfois à 8. Quand on a une algie vasculaire de la face, les crises douloureuses surviennent parfois 8 à 10 fois dans la journée. Or, on ne peut traiter que 2 à 4 crises par jour : il faut donc choisir celles qu'on va soulager. Pour ma part, j'optais pour celles survenant la nuit."

Plus de 7000 euros de traitement, non remboursé

Audrey commence ensuite un traitement basé sur des anticorps anti-CGRP sous forme d'injections. "Au début, il fallait faire deux injections, à 250 euros l'injection non remboursée, pour la phase d'attaque. Elles ont donné des résultats car la douleur est passée sur une échelle de 10, de 10 à 5 ce qui est énorme pour moi. J'ai pris ce traitement pendant 30 mois et j'ai donc dépensé plus de 7000 euros."
La mère de famille est opérée une nouvelle fois le 5 décembre 2023. "On m'a posé un neurostimulateur composé d'électrodes implantées sur les nerfs occipitaux à l'arrière de la tête. Ces électrodes sont reliées par un câble qui descend dans mon cou et qui passe devant au dessus ma poitrine, sur ma clavicule. Cela ressemble à un pacemaker."

Cette intervention a changé le quotidien d'Audrey. "C'est un véritable soulagement même s'il est difficile de supporter un corps étranger implanté dans le corps. Ma douleur de fond est quotidienne mais mes crises sont plus supportables. Je prends toujours d'autres médicaments comme de l'oxygène, des anti-inflammatoires et des antidouleurs mais j'ai arrêté de prendre du triptan, un médicament prescrit pour les crises qui faisait beaucoup augmenter mon rythme cardiaque." Elle est cependant très fatiguée et a accepté de tirer un trait sur sa vie d'avant. "J'ai vraiment enlevé de ma tête le fait de retrouver une vie normale et de guérir. Les espoirs font trop mal quand ils sont voués à l'échec. Je ne sais pas si on peut accepter sa maladie mais il faut accepter de vivre avec. Enfin, c'est ce que j'ai fait", souffle Audrey qui vit avec une culpabilité permanente.

"Contrairement à d'autres personnes, mon couple a résisté à cette épreuve"

"Contrairement à d'autres personnes, mon couple a résisté à cette épreuve. Mon mari a été incroyable mais je me sens toujours coupable d'avoir bouleversé notre vie de famille. On ne vit plus comme avant. On ne peut plus aller chez des amis le samedi soir par exemple car, dès 19h, je dois parfois aller me coucher car le câble du neurostimulateur est désagréable. Nous avons déjà calé nos vacances pour l'été prochain mais je sais qu'elles peuvent être annulées à tout moment", regrette Audrey qui a désormais le statut de travailleur handicapé. La mère de famille a aussi décidé de s'investir au sein de l'Association Francophone pour Vaincre les Douleurs (AFVD). "Je suis d'abord devenue bénévole de cette association. Je ne cherchais pas une association consacrée à mes pathologies mais à la douleur car finalement peu importe la maladie. J'y ai rencontré des gens formidables et ils m'ont apporté une aide considérable. J'en suis devenue la vice-présidente et patient expert. Depuis, nous nous mobilisons pour sensibiliser le grand public concernant le handicap invisible. L'année dernière, nous avons diffusé un clip qui montre l'invisibilité des douleurs et donc du handicap ".

Car, régulièrement, Audrey est victime de remarques désagréables concernant son handicap qui ne se voit pas. "Un jour, mon fils de 11 ans a pris ma défense dans un supermarché quand une personne âgée m'a dit que je n'avais pas à emprunter la file réservée aux handicapés. Mon enfant lui a dit : "Mais de quel droit vous permettez-vous de lui dire cela ? Vous ne savez pas ce que ma maman a." 

"Certains handicaps ne sont pas visibles, il ne faut pas juger avant de savoir"

"Dans l'association, nous nous mobilisons pour expliquer que certains handicaps ne sont pas visibles et qu'il ne faut pas juger avant de savoir" martèle Audrey qui insiste sur l'importance des programmes d'éducation thérapeutique des patients. L'AFVD organise des cafés zoom pour permettre aux malades de s'informer concernant les traitements mais aussi d'échanger avec d'autres personnes concernées par les mêmes problématiques. "De nombreux malades qui souffrent beaucoup s'isolent. Or si l'errance médicale est une réalité, il ne faut pas hésiter à se tourner vers les associations qui fournissent une aide précieuse. Grâce à ma famille et à mon rôle dans l'association, je vais mieux. Même si j'ai du mal à supporter mon image depuis que le neurostimulateur a été posé, je reste positive et j'avance avec résilience. Car je suis la preuve que, malgré les épreuves, on peut se reconstruire !"