"Le médecin ne m'a jamais prise au sérieux" témoigne Nadia, fibromyalgique
A 37 ans, Nadia souffre de fibromyalgie, une maladie responsable de douleurs chroniques dont elle n'a eu le diagnostic qu'il y a un an, en même temps que celui de l'endométriose. Elle mène de front sa vie de femme, de mère puisqu'elle a trois enfants, de patiente et continue son métier d'enseignante. Témoignage.
La fibromyalgie est une maladie associée à une douleur chronique qui toucherait environ 2% de la population en France. Un chiffre approximatif puisque le diagnostic est difficile à poser. Beaucoup de malades souffrent sans savoir qu'ils en sont atteints. Nadia en faisait partie jusqu'en mai 2019, quand un médecin lui confirme qu'elle présente tous les symptômes de la fibromyalgie. Un mois plus tard, elle apprend qu'elle a aussi une endométriose. A 37 ans, elle mène de front sa vie de femme, de mère puisqu'elle a trois enfants âgés de 2, 9 et 12 ans, de patiente et son métier d'enseignante. Rencontre.
Le Journal des Femmes : Quand ont commencé vos symptômes ?
Nadia : Quand j'étais petite - je fais partie d'une fratrie de huit enfants - j'étais toujours la petite nature de la famille, celle qui se plaint, qui est fragile, molle. A l'école, j'avais beaucoup de mal avec les sports de combat. Quand on me tenait les chevilles et les poignets, cela me faisait vraiment mal, je le disais mais ce n'était pas vraiment compris. En 2001 (elle avait 18 ans, ndlr), j'ai eu un accident de la route et le coup du lapin, je pense que ça a accentué la maladie. J'étais tout le temps fatiguée, j'avais envie de dormir, j'ai toujours été migraineuse aussi, j'avais des maux de tête et des douleurs articulaires. La maladie s'est ensuite accélérée aux accouchements. En 2008, d'abord à la naissance de mon fils puis en 2011, à la naissance de ma fille. J'ai vu la différence. La dernière naissance en 2017 m'a achevée. J'ai eu du mal à reprendre le dessus.
La fibromyalgie est une maladie de la douleur, que ressentez-vous exactement ?
Quand vous avez la fibromyalgie, il y a un dérèglement au niveau de la zone qui règle la douleur dans le cerveau. Une douleur moindre chez quelqu'un est décuplée chez vous. Parfois, rien que le toucher, c'est comme une douleur de bleu, une ecchymose que l'on ressent à l'intérieur. Il y a une douleur de fond, derrière l'œil, comme des brûlures, derrière la tête, derrière la joue et au niveau cervical. A côté, on a des douleurs d'usure, de l'épaule, des tendinites qui arrivent partout, à la cheville, à la hanche, au niveau du diaphragme.
"Mon médecin m'a dit que c'était une maladie fourre-tout, qu'il n'y avait rien à faire"
Vous avez été diagnostiquée à 36 ans, pourquoi si tard selon vous ?
Physiquement, je ne fais pas malade et comme je parais jeune, on ne m'a jamais prise au sérieux chez le médecin. Une généraliste m'a suivie de 2008 à 2018. Chaque fois que je la voyais, je lui disais que j'avais des douleurs, pas de tonus musculaire, envie de dormir tout le temps mais elle mettait ça sur le compte du stress, de l'anxiété. Elle m'a fait faire des radios et des bilans. Elle a diagnostiqué des névralgies, d'Arnold, du trijumeau et vers la fin, elle a commencé à me parler de la fibromyalgie mais elle m'a fait comprendre que c'était une maladie fourre-tout, qu'il fallait apprendre à vivre avec la douleur parce qu'il n'y avait rien à faire. Je suis allée voir un autre généraliste qui connaissait la fibromyalgie et qui m'a envoyée vers un spécialiste à Toulouse. Ce médecin m'a fait passer un test et m'a dit qu'il n'y avait pas de doute, que ce n'était pas dans ma tête, que c'était une maladie du système neurologique reconnue par l'OMS, et pas un syndrome.
"Il faut absolument occuper son esprit pour ne pas penser à la maladie."
Quels sont vos traitements, vos solutions contre la douleur ?
Le spécialiste que j'ai vu à Toulouse m'a expliqué que le cerveau ayant programmé des choses, il fallait arriver à le reprogrammer, à faire un "Reset". Je fais de la méditation de pleine conscience, c'est la neurologue qui me l'a préconisée, ça m'aide à ma recentrer et me reconnecter. Je fais aussi de l'électrostimulation, de la kiné en massage, de l'acupuncture, de la balnéothérapie. Il faut aussi faire des choses qui permettent de déconnecter comme les coloriages mandalas. On n'arrive pas toujours à tout faire avec le quotidien, on est vite dépassé par le travail, les enfants. C'est pour ça, je pense, que c'est une maladie plus féminine parce qu'il y a une corrélation avec la surcharge mentale de la mère. J'ai aussi un traitement médicamenteux de fond, du Laroxyl®, un antidépresseur, j'ai voulu l'arrêter mais les douleurs sont revenues de plus belle. Je prends de la tyrosine, une molécule qui soulage de façon plus naturelle. Au niveau alimentaire, j'ai réduit le gluten et éliminé le lactose, je suis une alimentation sans Fodmap conseillée par une naturopathe.
Vous travaillez, n'est-ce pas trop difficile avec la maladie ?
Au travail, tout va bien, ma Principale est très humaine, j'ai très peu d'arrêts parce que je travaille dans la bienveillance et la communication. Je pourrais m'arrêter comme j'ai obtenu une reconnaissance de travailleur handicapé mais j'ai envie et besoin d'aller travailler. J'occupe mon esprit, je ne pense pas à la maladie. C'est quand j'en sors que la maladie revient.
Vous souffrez également d'endométriose, pensez-vous qu'il y a un lien avec la fibromyalgie ?
Oui je pense que c'est l'endométriose qui a généré la fibromyalgie, que ce sont les douleurs mensuelles que j'ai vécu depuis mes 15 ans qui ont déclenché ça. Quand on sait que la fibromyalgie est un bug du cerveau dans la gestion de la douleur, et que l'endométriose c'est la douleur d'un accouchement, on peut se demander si le cerveau est apte à subir les souffrances qu'on a depuis toute petite. A un moment, est-ce que ce n'est pas normal que lui aussi pète un plomb et donne des alertes qui n'ont rien à faire là comme lors de la fibromyalgie ?
Un conseil aux personnes atteintes de fibromyalgie qui liront votre témoignage ?
Il faut absolument occuper son esprit. Le mental est très important. Il faut faire le ménage dans l'entourage, il peut y avoir des personnalités toxiques, j'ai identifié des gens qui me créaient des migraines et j'ai fait le ménage. J'ai aussi lu le livre de Lise Bourbeau, "Les cinq blessures qui empêchent d'être soi-même", ça été révélateur pour moi. Le lien esprit-santé est important. Si ça ne va pas, par exemple dans le couple, il ne faut pas rester. Il est aussi important que l'autre vous écoute et pourquoi pas rencontrer le médecin pour qu'il lui explique. De manière générale, il faut essayer de parler sans culpabiliser son conjoint car c'est pas facile non plus pour eux. Et il ne faut pas se laisser aller, ne pas lâcher quand on a mal. Il faut essayer de trouver le spécialiste qui va reconnaître sa maladie. Le diagnostic a été une clé pour moi.
Merci à Nadia pour son témoignage et à l'association Fibromyalgie France.