Pesticides dans l'eau du robinet : inquiétant ou pas ?

Des résidus de pesticides cancérigènes ont été retrouvés dans plus d'un tiers des eaux du robinet de France, selon un nouveau rapport de l'association Générations Futures. Parmi les substances les plus présentes, 7 sont interdites depuis 20 ans. Faut-il s'inquiéter ?

Pesticides dans l'eau du robinet : inquiétant ou pas ?
© Olena Kachmar - 123RF

En France, la qualité de l'eau du robinet est extrêmement contrôlée par des analyses bactériologiques, radiologiques et physico-chimiques, martèle le ministère de la Santé sur son site internet. Pour autant, des résidus de pesticides cancérigènes et perturbateurs endocriniens pour l'homme auraient été retrouvés dans l'eau du robinet, selon un rapport* publié mercredi 17 juin 2020 par Générations Futures, une association de défense de l'environnement agréée par le ministère de l'écologie. Pour savoir si l'eau du robinet était vraiment saine, l'association a sollicité l'avis d'un ingénieur spécialisé dans le traitement des données afin de décortiquer plus de 12 millions d'analyses de laboratoires réalisées en 2019 sur plus de 273 000 prélèvements à la demande des Agences régionales de Santé (ARS). Que trouve-t-on dans l'eau du robinet ? 

9.3% des eaux présentaient au moins un résidu de pesticide au-delà des seuils autorisés

  • Des traces de pesticides ont été retrouvés dans plus d'un tiers (35,6%) des analyses
  • Parmi les analyses présentant des pesticides, 9.3% (soit 8 835 analyses) présentaient au moins un résidu de pesticide au-delà des seuils autorisés.
  • Près de 16 000 pesticides différents ont été retrouvés : parmi eux 38.5% sont des molécules au caractère cancérogène, mutagène et reprotoxique (CMR) et 56.8% sont des potentiels perturbateurs endocriniens. 
  • Parmi les dix molécules les plus fréquemment quantifiées, 7 sont interdites depuis les années 2000 : c'est le cas du métolachlore (interdit depuis 2003), de la simazine et de l'atrazine (interdits depuis 2004), trois herbicides, ou encore de l'oxadixyl, un fongicide interdit depuis 2002. 
  • L'association pointe du doigt les différences de résultats entre les départements : toutes les substances ne sont pas recherchées à la même fréquence selon le département. A titre d'exemple, dans l'Aisne, on va rechercher une dizaine de pesticides seulement, alors qu'on va en rechercher plus de 550 dans les Bouches-du-Rhône

Faut-il s'inquiéter ?

"L'eau est l'aliment le plus contrôlé en France"

"Etant donné le potentiel d'action à faible dose sur le long terme des perturbateurs endocriniens, Générations Futures considère ces données comme inquiétantes car elles attestent d'une exposition continue à des faibles doses de ces perturbateurs endocriniens par l'eau de consommation", alerte François Villerette, directeur de l'association. Il interpelle le gouvernement afin qu'une politique efficace de suppression rapides des plus nocifs et de réduction de l'usage des pesticides dans l'eau du robinet soit enfin appliquée. "Elle est d'autant plus indispensable que la Commission européenne vient à son tour d'appeler à une réduction de 50% de l'usage et des risques liés aux pesticides", rappelle-t-il. Pour Maryllis Macé, directrice du Centre d'information sur l'eau dans un article du Parisien, ce rapport ne remet pas en cause la qualité de l'eau que l'on boit chaque jour puisque "l'eau est l'aliment le plus contrôlé en France". Même avis pour Philippe Knusmann, directeur général du syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF) : "C'est une eau excellente puisque nous respectons les normes, mais nous allons aussi plus loin dans les désirs du consommateur en abaissant notamment les teneurs en chlore et en calcaire. Donc il peut être totalement rassuré lorsqu'il ouvre son robinet", a-t-il précisé le 17 juin au Journal de 20 heures sur TF1.

Comment les pesticides se retrouvent-ils dans l'eau du robinet ?

Les substances phytosanitaires (rejets urbains ou industriels, pollution agricole due aux engrais minéraux et organiques..) disséminées dans l'environnement, les rivières et les lacs contiennent des forts taux de pesticides et de perturbateurs endocriniens. Les eaux sont alors contaminées par des pesticides que l'on peut retrouver dans les réseaux de distribution, même s'ils sont presque tous supprimés lors du traitement et du filtrage des eaux.

Pesticides : quels risques pour la santé ?

Chez l'humain, les effets des pesticides sur la santé ne sont encore pas tous connus. Mais même à faible dose, les pesticides, notamment à cause de leur caractère perturbateur endocrinien, pourraient modifier les fonctions du système hormonal et favoriser les risques de malformations génitales, stérilité, cancers hormono-dépendants (cancer du sein, de la prostate, du cerveau...), obésité, diabète... De même, une longue période d'exposition à ces substances et/ou à un mélange de plusieurs substances pourrait entraîner un risque de développer certaines pathologies respiratoires ou cardiovasculaires. Les femmes enceintes, les fœtus, les enfants ou encore les personnes dont le système immunitaire est affaibli sont les plus à risque.

Quelle norme dans l'eau du robinet ?

Les normes indiquent que l'eau du robinet ne doit pas dépasser 0.1 microgramme par litre et par molécule et 0,5 microgramme toute substance confondue, précise la directrice du Centre d'information sur l'eau. Le ministère de la Santé rappelle qu'en 2018, "90,6% de la population a été alimentée en permanence par de l'eau respectant les limites de qualité réglementaires pour les pesticides"

* Rapport "Des pesticides perturbateurs endocriniens, cancérigènes mutagènes et reprotoxiques dans l'eau du robinet en France en 2019", Générations Futures. 17 juin 2020.