Prothèses mammaires et lymphome : le point en 10 questions
18 cas d’une forme très rare de cancer, le lymphome anaplasique à grandes cellules, ont été signalés, depuis 2011, à l’Agence du médicament (ANSM) chez des femmes porteuses d’implants mammaires. Voici ce qu'il faut savoir.
Existe-t-il un lien établi entre ce cancer et les prothèses mammaires ?
Oui, il existe bien un lien clairement établi entre la survenue du lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC) et le port d’une prothèse mammaire. Parmi les 18 cas recensés en France depuis 2011, tous ont été observés chez des femmes porteuses d’implants mammaires. Aucun cas n’est enregistré en France chez des personnes non porteuses d’implants mammaires. Par ailleurs, cette pathologie peut survenir chez des femmes ayant eu une prothèse mammaire que ce soit à visée esthétique ou dans le cadre d’une reconstruction mammaire après un cancer du sein.
A ce stade, les scientifiques manquent en revanche d’informations pour expliquer ce qui déclenche la survenue de ce cancer. Une inflammation se produisant à la surface de l’implant pourrait être en cause, de même que la nature du revêtement de la prothèse (dans 80 % des cas de lymphome, les femmes étaient porteuses d’implants de type "texturé", qui par ailleurs constituent 80 % des prothèses implantées actuellement en France). Mais il n’existe aucune certitude à ce jour.
L’association possible entre le LAGC et le port d’implants mammaires avait été identifiée en France dès 2011. Au même moment, la FDA (USA) qualifiait ce risque de "très faible mais supérieur" à celui de la population féminine en général.
Les femmes porteuses d'une prothèse mammaire doivent-elles les faire retirer ?
"Nous sommes vigilants, mais il faut rassurer les femmes porteuses d'implants mammaires", a déclaré hier Marisol Touraine lors d’une conférence de presse. Il n'est pas recommandé aux femmes porteuses de prothèses mammaires de se les faire retirer pour prévenir l'apparition de ce lymphome, a-t-elle affirmé, avant de rappeler qu’il s’agit d’un cancer "très rare".
Les seuls éléments objectifs justifiant l’explantation d’une prothèse mammaire sont la présence de signes cliniques et/ou radiologiques évocateurs d’une altération. Seul votre chirurgien peut juger de cette nécessité devant des signes anormaux au niveau des seins.
Un suivi particulier est-il nécessaire lorsqu'on est porteuse de prothèse mammaire ?
Marisol Touraine a déclaré que l’information faite aux femmes porteuses d’implants mammaires devait être "renforcée". Donc, oui, un suivi régulier est recommandé pour toutes les femmes porteuses d'un implant mammaire, et cela même en l'absence de symptôme particulier, afin notamment de vérifier que "l'implant ne se dégrade pas", précise l’Institut national du cancer (Inca). Toutes les femmes doivent donc bénéficier d’une palpation des seins par leur médecin ou par une sage-femme tous les ans à partir de 25 ans. A partir de 50 ans, il est recommandé de faire une mammographie tous les deux ans. Enfin, Les femmes ayant un antécédent de cancer doivent par ailleurs bénéficier d'un suivi spécifique.
Quels sont les signes et symptômes qui doivent alerter les femmes porteuses d'implants mammaires ?
Toute femme porteuse d'implant mammaire doit connaître les signes cliniques devant l'inciter à consulter son médecin. Il s'agit de signes évoquant une anomalie au niveau du sein : épanchement, masse au niveau de la prothèse, douleur, inflammation, ulcération, voire une altération de l'état général avec de la fièvre. Il est alors recommandé de consulter afin de pratiquer une échographie, voire une IRM si nécessaire.
Que sait-on de ce lymphome ?
Il s'agit d'une forme de lymphome, très rare, mais dont les mécanismes d'apparition ne sont pas connus à ce jour, même si le lien avec les prothèses mammaires est établi et indiscutable. Il existe par ailleurs une grande variabilité temporelle entre la pose de la prothèse mammaire et le diagnostic de lymphome : "en moyenne entre 10 et 15 ans", avec des cas survenant de 2 ans après la pose de la prothèse et jusqu' à 37 ans. Il s'agit d'un cancer de bon pronostic.
Les prothèses Allergan sont-elles en cause ?
Sur les 18 cas de lymphome, 14 impliquent un même fabricant de prothèses, à savoir, l’américain Allergan. "Oui, il y a un signal fort sur la marque Allergan, nous ne le nions pas et nous le prenons en compte et il sera exploré par le groupe de scientifique qui va se réunir dans les prochains jours, confirmait Dominique Martin, directeur de l’Agence du médicament, pendant la conférence de presse organisé ce mardi. La situation est "compliquée à analyser", a-t-il encore précisé. Des investigations vont débuter dans les prochains jours. "Et s’il s’avère que c’est lié à une marque particulière, nous prendrons les mesures qui s’imposent."
Pour l'heure, aucun lien statistique n’a pu être établi entre une marque particulière de prothèse et la survenue de ce nouveau type de lymphome. "L'imputabilité du type de prothèse en cause fait encore l'objet d'investigations des experts", a commenté Marisol Touraine.
A noter que 11 fabricants de prothèses mammaires sont présents sur le marché français en 2015.
Faut-il s'inquiéter si l'on doit se faire poser une prothèse ?
Suite à la détection de ces cas de lymphomes, la ministre de la Santé souhaite que l'information envers les femmes soit renforcée. En particulier, une information écrite doit être apportée avant toute intervention. De plus, toute femme devant subir une intervention de ce type devra recevoir une carte mentionnant les caractéristiques de l'implant. Les professionnels de santé qui prennent en charge les femmes ont également été alertés par courrier.
Y a-t-il d’autres risques que celui du lymphome anaplasique ?
Les implants mammaires sont des dispositifs médicaux qui font l’objet d’une surveillance renforcée. Plusieurs complications peuvent être observées suite à la pose d’implants mammaires : la formation de "coque", la rupture de l’implant, la formation de plis ou de vagues sur le sein, l’apparition de réactions inflammatoires, infections, douleurs, suintement de gel de silicone etc. Les incidents les plus souvent rapportés à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sont les ruptures d’implant.
Quelles études sont menées sur les implants mammaires en France ?
Deux études indépendantes de suivi des femmes porteuses d’implants mammaires sont actuellement financées par l’ANSM. La première, l’étude Lucie, est conduite par une équipe de l’Inserm. Cette étude vise à estimer les éventuels effets indésirables, à moyen et long terme, chez les porteuses de prothèses, toutes marques confondues. Près de 100 000 femmes portant ou ayant porté des prothèses, sont suivies dans le cadre de cette étude, sur une période de 10 ans. Pour l’heure, les scientifiques doivent apporter les éléments de faisabilité pour continuer leur étude, sans quoi l’ANSM ne poursuivra pas son financement. "Les résultats de cette étude de faisabilité seront disponibles en juin 2015", a précisé Dominique Martin.
Par ailleurs, une autre étude, l’étude BRICK, conduite par une équipe de l’institut Curie, a pour objectif l’évaluation de la sécurité des implants mammaires en chirurgie reconstructrice. Cette étude, financée elle aussi par l’Agence du médicament, a démarré en 2013 et les résultats seront disponibles à la fin du premier semestre 2015.
Quelle surveillance des implants mammaires mis sur le marché ?
En France, on estimait à 400 000 le nombre de femmes porteuses d’implants mammaires en silicone. Le problème, c’est que les prothèses sont des dispositifs médicaux, ils ne sont donc pas soumis à des essais cliniques, mais à des normes, avant d’être mis sur le marché. Par ailleurs, et à la différence des médicaments, il n’existe pas de suivi des prothèses, après leur commercialisation. Hier, Marisol Touraine a tenu à rappeler sa volonté de "renforcer le dispositif législatif qui assure la qualité des dispositifs médicaux implantables". Précisant que "des discussions sont en cours au niveau européen", mais que "l'adoption de cette loi est sans cesse repoussée", elle a déclaré avoir déposé un amendement au projet de loi de Santé pour renforcer le suivi et la traçabilité des dispositifs médicaux.