Les transfusions sanguines, espoir pour soigner Ebola ?
Cette approche thérapeutique risquée pourrait être à l'origine de la guérison de deux médecins américains. Mais alors que les conditions d'hygiène et de soins demeurent précaires, est-elle vraiment envisageable ?
Le Dr Rick Sacra, 51 ans, contaminé au Liberia et récemment rapatrié aux Etats-Unis pour être traité dans un hôpital du Nebraska, va beaucoup mieux, selon son dernier bilan de santé, communiqué jeudi. Une rémission qui pourrait s'expliquer d'après ses médecins par deux transfusions de plasma sanguin provenant d'un de ses confrères, Kent Brantly. Ce dernier, un homme de 33 ans, avait lui-même reçu au Liberia une transfusion de plasma provenant d'un adolescent guéri d'Ebola, avant d'être rapatrié aux Etats-Unis pour y être traité. Lui aussi, semble guéri.
Doper le système immunitaire des malades d'Ebola. Loin d'être fantaisiste, cette piste a d'ailleurs été recommandée la semaine dernière par l'OMS. L'idée est donc de transfuser du plasma d'une personne qui a vaincu la maladie à un patient infecté afin qu'il reçoive ses anticorps et puisse ainsi mieux lutter contre le virus. Pour l'OMS, ces sérothérapies peuvent être utilisées dès "maintenant" dans les pays affectés par Ebola, une conclusion "unanime" à laquelle sont parvenus près de 200 experts réunis la semaine dernière à Genève. "Ce traitement est utilisé depuis des décennies chez des patients ayant une faible teneur en anticorps ou venant d'être exposés à des agents pathogènes comme les virus de l'hépatite A et B ou de la rage", explique Jeffrey Klausner, professeur de Médecine à l'Université de Californie à Los Angeles.
Des unités de soins trop précaires. Interrogé par l'AFP, le professeur François Bricaire, ex-chef de service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, a expliqué que le recours à ce sérum "est un bon élément thérapeutique en l'absence d'autre traitement efficace", même si "cette thérapie n'est pas toujours bien tolérée et doit être accompagnée de surveillance". C'est surtout la mise en pratique de la sérothérapie qui semble compliquée. Et pour cause : l'utilisation de ces sérums exige une logistique importante comme, entre autres, une chaîne du froid pour leur stockage et leur transport. Pour l'heure, les conditions d'hospitalisation sont très précaires notamment dans les trois pays les plus affecté, le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée. Alors que les autorités sanitaires peinent à endiguer l'épidémie qui a déjà fait plus de 2400 morts en Afrique de l'Ouest, est-il réellement possible d'effectuer des prélèvements de sérum dans des conditions d'hygiène irréprochables ? Et de manière à vérifier l'absence de contamination par le VIH ou des hépatites par exemple. "Ce n'est pas la préoccupation majeure actuellement", souligne le Pr Bricaire. Un point de vue partagé par le Dr Eric Leroy, spécialiste des maladies virales émergentes et patron du Centre international de recherches médicales de Franceville au Gabon, qui estime que la sécurité du sérum sanguin prélevé "va être difficilement gérable sur le terrain".
L'épidémie d'Ebola est la plus grave depuis l'apparition du virus en 1976. Elle a déjà fait plus de 2 400 morts depuis le début de l'année selon le dernier bilan de l'OMS.