"Encore beaucoup de réticences du côté des médecins" sur le baclofène
Sylvie Imbert, ancienne alcoolique et présidente de l'association Baclofène se réjouit de la reconnaissance officielle de ce traitement contre la dépendance à l'alcool. Même si certains patients n'arrivent toujours pas à s'en faire prescrire.
C'est officiel : Marisol Touraine, la ministre de la Santé, autorise le remboursement du Baclofène pour traiter la dépendance à l'alcool. Une grande avancée et un soulagement pour les patients et les défenseurs du Baclofène, dont Sylvie Imbert, la Présidente de l'association Baclofène.
Quelle est votre réaction à l'annonce de Marisol Touraine de rembourser le Baclofène ?
Sylvie Imbert : Je suis enchantée que le Baclofène soit enfin reconnu. C'est la première fois qu'un membre d'un gouvernement se prononce dans ce sens et ose dire que le Baclofène est efficace. Oui, c'est une super victoire ! En ce qui concerne le remboursement, c'est une bonne chose aussi. En réalité, la plupart des patients (60 %) étaient déjà remboursés avant même que le Baclofène bénéficie de la RTU [autorisation temporaire d'utilisation, NDLR] du fait qu'il y avait un accord tacite entre les médecins et la sécurité sociale qui fermait donc les yeux... Mais ce n'était pas le cas tout le temps et notamment c'était très variable selon les régions. Résultat, une partie des patients, dont certains au RSA avec de sérieuses difficultés financières, devaient payer de leur poche un traitement qui devenait coûteux lorsqu'ils arrivaient à des fortes doses quotidiennes. Cela pouvait devenir une vraie galère et nombre d'entre eux étaient contraints à arrêter leur traitement...
Est-ce que la situation évolue du côté des médecins et notamment des "anti-Baclo" ?
Oui mais il y a encore de grandes réticences. Les anti-Baclofène ont fait beaucoup de bruit et aujourd'hui encore ils n'ont pas vraiment confiance en ce traitement. D'ailleurs certains patients n'arrivent toujours pas à convaincre leur médecin de leur en prescrire... Surtout quand ils s'adressent à des addictologues ou à des centres d'alcoologie. Parfois aussi, les médecins acceptent d'en prescrire mais ils plafonnent la dose de sorte que le traitement n'est finalement pas efficace. Et puis, le fait que le Baclofène libère de la dépendance à l'alcool, sans rendre abstinent, dérange.
Aujourd'hui, quel est le rôle d'une association comme la vôtre ?
Désormais tous les médecins peuvent prescrire du Baclofène mais le principal problème, c'est qu'ils ne sont pas formés et qu'ils manquent d'expérience et de recul sur son utilisation. Aujourd'hui, les patients sont d'ailleurs toujours autant présents sur les forums pour s'entraider : à la fois pour échanger sur les dosages, mais aussi pour se donner des astuces pratiques tout au long du traitement. Et surtout, je pense que les patients ont avant tout besoin d'un soutien moral, de pouvoir discuter, etc. Par exemple, les personnes pensent parfois que le traitement va être miraculeux et qu'il va être efficace tout de suite. On peut alors les rassurer et leur dire d'être patient et surtout de ne pas se culpabiliser.
Notamment lorsqu'ils font face aux effets secondaires... ?
Oui, bien sûr. Les effets secondaires sont indéniables et présents chez 80 % des patients, même s'ils sont très variables en intensité et qu'ils se manifestent de bien des façons selon les personnes. Parfois ils sont anodins et parfois ils sont plus costauds. Le rôle de notre forum est d'abord de leur donner des astuces pour y faire face. Par exemple, en leur conseillant de restreindre leur consommation d'alcool, qui majore en effet les effets secondaires. Mais aussi de les encourager en leur expliquant que le plus souvent ils vont diminuer à mesure que le traitement va avancer. J'ajoute que de nombreuses personnes continuent à travailler alors qu'elles sont sous Baclofène, elles ont un vrai besoin de soutien, c'est primordial. Surtout qu'il n'existe pas d'arrêt maladie pour soigner sa dépendance à l'alcool...