Des insectes dans nos assiettes !
Source de protéines saine, bon marché et "écolo", les insectes sont aujourd'hui envisagés comme une solution d'avenir pour répondre à des problématiques alimentaires, écologiques, et économiques. Alors, un dernier ver ?
L'entomophagie ou le fait de se nourrir d'insectes. Un terme encore méconnu. Pourtant, cette pratique est d'autant plus envisagée depuis que les scandales de la viande de cheval et de bœuf tuberculeux ont éclaté.
C'est un fait, la population mondiale tend à augmenter, les démographes prévoyant près de 9 milliards d'habitants d'ici 2050. La demande en protéines animales risque de doubler, contrairement aux surfaces agricoles, et cela risque de poser un sérieux problème de disponibilité des ressources naturelles. A cela s'ajoute la malnutrition, qui touche près d'un milliard d'individus dans le monde. Face à un tel défi et parmi d'autres réponses possibles telle la viande de synthèse, l'entomophagie se révèle être une réelle alternative.
Et les insectes constituent un véritable apport nutritionnel riche en protéines, en acides aminés essentiels, en vitamines et en minéraux. Ils peuvent compter jusqu'à quatre fois plus de protéines que le bœuf et jusqu'à dix fois plus de vitamine D que l'huile de foie de morue. Ces petites bêtes ont aussi l'avantage, et pas des moindres, surtout en cette période estivale, d'être pauvres en matières grasses et en cholestérol. Une aubaine dans le domaine de la santé publique, lorsque l'on connait les problèmes liés à l'obésité et au surpoids qui touchent notamment les pays occidentaux.
Autre point positif : l'aspect environnemental, préoccupation très actuelle qui ne demeure pas négligeable. "En plus de l'intérêt nutritionnel, les insectes ne sont pas gourmands en espace ou en eau et nul besoin de produits phytosanitaires pour les élever dans de bonnes conditions", indique Phouvanh Vonglokham, nutritionniste au Laos, dans le 2e numéro d'Espèces. L'élevage peut aussi se faire chez soi, réduisant tout type de transport. Par ailleurs, à poids égal, les élevages d'insectes relâchent entre 10 et 100 fois moins de gaz à effet de serre que les élevages de viande traditionnelle. Une dimension écologique qu'il faut cependant nuancer, car en matière d'alimentation, l'homme doit se plier un minimum aux lois de la nature. La nourriture, d'origine animale et végétale, provient d'écosystèmes qu'il est dangereux de perturber. Malgré les 1 900 espèces d'insectes comestibles à travers le monde recensées par l'Oganisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), une entomophagie de masse risquerait de menacer les espèces d'insectes comestibles et donc de déstabiliser les écosystèmes auxquels ils sont essentiels.
Manger des insectes, une question de culture ?
Loin d'être une curiosité limitée à quelques peuplades, cette pratique se rencontre sur tous les continents à l'exception de l'Europe et de l'Amérique du Nord : 2 milliards d'individus en mangeraient selon la FAO. Mais l'entomophagie reste probablement avant tout une question de culture. Bien que les occidentaux en soient encore peu friands, des restaurants, livres de cuisine ou encore sites internet incitant à la consommation d'insectes apparaissent. Pourtant, l'idée même de manger ou de voir manger des insectes dégoute encore la majorité des Européens et reste assimilée à un comportement primitif et répugnant. Ainsi, une nouvelle démarche
2 milliards d'individus mangent des insectes à travers le monde
visant à dépasser cette barrière socio-culturelle émerge depuis peu. Le but ? Convaincre les plus réticents que consommer des insectes est à la fois un régal pour le palais mais aussi un bienfait pour la planète, et ce, en mangeant des insectes dissimulés : cakes aux larves de ténébrions, barres hyperprotéinées aux vers de farine, etc. "Associer les insectes sous forme de poudre ou de tapenade à d'autres aliments permettra de faciliter l'intégration dans l'alimentation", indique Frédéric Francis, Professeur Responsable de l'unité d'entomologie de Gembloux Agro-Bio Tech en Belgique. En France, la première entreprise de production d'insectes européenne, Micronutris, a ouvert ses portes début 2013. Cette société toulousaine produit et commercialise des insectes alimentaires nés et élevés en France avec pour spécialité, l'élevage de grillons et de vers de farine. Une dégustation qui commence à faire mouche chez les Français : "certains trouvent ça marrant et ludique, d'autres ont déjà essayé lors de voyages à l'étranger et il y a ceux qui commencent à avoir une conscience environnemental de l'alimentation qu'ils ingèrent", indique Cédric Auriol, fondateur et gérant de Micronutris.
La FAO projette d'organiser, d'ici fin 2013, la première conférence globale sur l'entomophagie. Un jour peut-être, l'insecte, concurrent petit mais costaud, fera de l'ombre au bœuf.