La maladie du "pancréas gras" inquiète les médecins : ce signe dans les selles doit alerter

1 Français sur 5 aurait un pancréas gras, selon une étude.

La maladie du "pancréas gras" inquiète les médecins : ce signe dans les selles doit alerter
© 123rf-pannee99

C'est une maladie dont on parle peu : le pancréas gras, ou "stéatose pancréatique", connaît un regain d'intérêt chez les chercheurs. Il s'agit d'une accumulation excessive de graisse dans le pancréas, une glande qui sécrète des enzymes digestives et des hormones indispensables au fonctionnement du corps. Une revue de la littérature scientifique estime qu'une personne sur 5 en France serait touchée et qu'elle serait plus courante que le diabète de type 2, la pancréatite et le cancer du pancréas réunis.

Interrogé par nos soins sur ce sujet, le Pr Renato Micelli Lupinacci, chirurgien pancréatique est plus nuancé. Il souligne que cette étude bien qu'importante présente des limites : déjà, les chercheurs ne s'entendent pas sur la quantité de graisse nécessaire pour définir un pancréas comme "excessivement gras". De plus, il n'existe pas de critères standardisés pour diagnostiquer l'infiltration de graisse dans le pancréas. Enfin, il y a un risque que les mêmes groupes de patients aient été étudiés plusieurs fois dans différentes publications, faussant les résultats globaux. Donc à date, "la proportion de personnes atteintes de diverses maladies pancréatiques qui peuvent être attribuées au pancréas gras est inconnue" nous précise le spécialiste.

Comme pour la maladie du foie gras, le pancréas gras est le plus souvent asymptomatique (silencieux) et est souvent découvert par hasard lors d'examens d'imagerie (échographie, scanner, IRM). "S'il y a des symptômes et qu'on arrive à établir un lien de causalité, ceux-ci ne seraient pas spécifiques à proprement parler et seraient liés aux maladies qui pourraient être associées (crises de pancréatite, symptômes de diabète ou de cancer...)", souligne l'expert.

Schéma d'un pancréas gras © KAMAKSI - stock.adobe.com

Toutefois, lorsque l'accumulation de graisse est telle qu'elle conduit à une insuffisance pancréatique exocrine, un symptôme peut survenir : la stéatorrhée. Il s'agit de la présence de graisse dans les selles. Les selles sont alors "huileuses", pâles, volumineuses, luisantes, très malodorantes et flottent généralement dans la cuvette. Cela indique que le pancréas n'arrive plus à produire suffisamment d'enzymes pour digérer les lipides alimentaires, ce qui constitue un indice important nécessitant une investigation médicale. La question cruciale pour les médecins est de savoir si l'excès de graisse dans le pancréas est la cause directe des maladies pancréatiques (comme la pancréatite aiguë, le diabète, voire même le cancer du pancréas) ou s'il s'agit simplement d'un marqueur qui apparaît en même temps que ces maladies, sans les causer directement. 

Actuellement, les études ne sont pas assez solides pour trancher cette question. C'est pourquoi la recherche est limitée, estime notre interlocuteur. Selon lui, il est urgent d'établir un consensus international sur la définition exacte de la stéatose pancréatique et la meilleure façon de la diagnostiquer. Longtemps considérée comme une simple conséquence de l'obésité, l'accumulation de graisse dans le pancréas doit être vue comme un élément central du développement de nombreuses maladies du pancréas.

Merci au Pr Renato MICELLI LUPINACCI, chirurgien pancréatique, hépato-biliaire et oncologique à l'Hôpital Ambroise-Paré. APHP Université Paris Saclay