Parkinson : des chercheurs français injectent de la dopamine dans le cerveau des malades et ça marche
Une avancée majeure dans le traitement de la maladie de Parkinson.
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Deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente après Alzheimer, la maladie de Parkinson touche environ 272 500 personnes en France, dont 25 000 nouveaux cas qui se déclarent chaque année. Contrairement aux idées reçues, cette pathologie n'est pas une maladie "de personnes âgées" puisque 50% des malades sont diagnostiqués à 58 ans en moyenne. Si on ne peut pas en guérir, plusieurs médicaments aident à gérer les symptômes moteurs (tremblements, mouvements involontaires...) et non moteurs (troubles cognitifs, dépression, insomnie). Ceux-ci incluent notamment des médicaments capables d'augmenter ou de remplacer la dopamine, l'hormone qui est en déficit chez les malades atteints de Parkinson. Le plus souvent, ces médicaments sont administrés par voie orale (gélule ou comprimé), plus rarement par voie sous-cutanée (via pompe ou stylo injecteur), par patch ou par voie intestinale. Problème, ces médicaments sont quasiment tous liés à des effets secondaires et une perte progressive d'efficacité.
Pour gagner en efficacité, des chercheurs français ont exploré un nouveau mode d'administration. Ils ont mis au point une perfusion de dopamine en continu directement administrée dans le cerveau de 12 patients âgés en moyenne de 61 ans, pris en charge au CHU de Lille. Ces patients présentaient des complications sévères (au moins de 2h de blocage et 1h de mouvements involontaires par jour) liées au traitement oral par L-DOPA (lévodopa), le médicament le plus puissant pour améliorer les troubles moteurs de la maladie de Parkinson qui est un précurseur de dopamine.
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Grâce à une pompe placée au niveau de l'abdomen (brevetée par la société InBrain Pharma®), une dose de dopamine est délivrée dans le cerveau toutes les 30 secondes via un fin cathéter placé sous la peau et inséré là où la perte des neurones dopaminergiques est la plus importante (en violet sur le schéma). La dose de dopamine est progressivement augmentée les 3 premiers mois jusqu'à avoir un contrôle satisfaisant des symptômes. En parallèle, le traitement oral est réduit jusqu'à devenir résiduel. L'implantation de la pompe a nécessité 4 heures d'intervention sous anesthésie générale.
Gagner 6 heures d'autonomie par jour
Après 4 ans de perfusion en continu, "notre essai clinique a démontré d'excellents résultats pour nos patients sur la faisabilité, la sécurité et l'effet clinique sur le contrôle du handicap", s'est réjouie la Pr Caroline Moreau (CHU et Université de Lille), co-auteure de l'étude et chercheuse à Lille Neuroscience & Cognition (Inserm). Concrètement, la perfusion cérébrale de dopamine a permis un gain de plus de 4 heures de contrôle des symptômes et de plus de 6 heures de temps d'autonomie fonctionnelle (léger ralentissement ne gênant pas les activités) pour une période de 24 heures par rapport au traitement oral par L-DOPA seul. "La perfusion est bien tolérée et son efficacité est remarquable. Après 4 ans, tous les patients ont choisi de poursuivre le traitement dans sa phase de suivi à long terme", a ajouté auprès de Medscape, le Pr David Devos, qui a dirigé l'étude.
L'injection de dopamine dans le cerveau a été envisagée dans les années 1980 mais abandonnée en raison de l'instabilité chimique de la dopamine, qui s'oxyde rapidement et devient inefficace. Aujourd'hui, les chercheurs confirment la faisabilité de cette approche thérapeutique longtemps jugée irréaliste. Les résultats prometteurs publiés dans la revue Nature Medicine portent sur le stade expérimental. Pour être envisagée en France et devenir une option de choix de traitement, elle devra se soumettre à un essai clinique international de phase 3 prévue début 2026. "On peut espérer avoir le traitement sur le marché à partir de 2030", conclut le Pr Devos.