AVC : "Je serais morte si j'avais écouté SOS médecins"
Pour Laura, 30 ans, ses symptômes étaient liés à un virus de saison, pas à un AVC.
"Pendant longtemps, je n'ai pas pu en parler sans pleurer" se souvient Laura, dont la vie a basculé alors qu'elle avait de l'énergie à revendre et une nouvelle vie qui l'enchantait. "Je venais d'emménager à Antibes, pas loin de chez mes parents, et je multipliais les allers-retours à Paris puisque j'étais responsable RH dans une société." Fin novembre 2019, des signes de fatigue s'accumulent et la jeune femme alors âgée de 30 ans les met sur le compte d'un surmenage : "Je venais de recevoir des proches de mon conjoint en me décarcassant, j'avais les évaluations de mes équipes à faire, et c'était Noël, période où je me surpasse en déco de la maison." Pour Laura, le mal de tête persistant, la légère fièvre et le mal de gorge lui font penser à un virus d'automne.
Sa solution ? Les médecins douces. "Je n'aimais pas la médecine traditionnelle, il a fallu que mes parents insistent pour que je consulte après des vomissements." Diagnostic : une sinusite et une gastro. Aux alentours de la mi-décembre, Laura va de plus en plus mal et se met à dormir "comme une bête" alors que ce n'est pas dans ses habitudes. "Si je m'exprime aujourd'hui, c'est pour dire à tout le monde d'être attentif à son corps, même les jeunes, et pour aider chacun à reconnaître les différents symptômes qui précèdent. 10% des patients touchés ont moins de 45 ans, l'AVC est plus mortel pour les femmes que le cancer du sein et il y a beaucoup moins de campagnes d'information" regrette celle qui milite aujourd'hui sur le terrain aux côtés de l'association Résilience AVC. Sa seule angoisse à l'époque : ne pas pouvoir boucler ses évaluations à temps, avec ce mal de tête épouvantable. Mais le 19 décembre, son corps lâche en pleine nuit.
La nuit des médecins
Quand Laura se lève pour aller aux toilettes, son compagnon se réveille et réalise qu'elle ne revient pas se coucher. Il se lève et la trouve inanimée dans les toilettes où elle a vomi et obtient un bredouillement "tout va bien." Ce n'est pas l'avis du jeune homme qui appelle SOS médecins : "Le médecin m'a fait une piqûre contre les vomissements" se souvient Laura et il a assuré "demain, tout sera rentré dans l'ordre. Quand mon copain lui a fait remarquer que j'avais le visage déformé, ce n'était pas son avis. Si on l'avait écouté, je serais morte." Le compagnon de Laura décide d'appeler le SAMU malgré l'avis du médecin. Au téléphone, on hésite à lui envoyer une équipe sur place : "Pour eux, si j'avais déjà vu SOS médecins, ce n'était pas la peine de venir", explique Laura. Quand l'équipe du SAMU arrive chez la jeune femme et entend le récit des symptômes des jours précédents, l'inquiétude grandit d'autant que Laura est comme une poupée de chiffon, à bout de force. "Ils ont pressenti ce qui se tramait en m'emmenant directement aux urgences de Nice." Là, le scanner révèle un AVC tellement massif qu'ils se demandent s'ils ne sont pas face à une tumeur.
Le pronostic vital est engagé
Le pronostic vital est engagé, les séquelles prévisibles préoccupantes. La famille est appelée en urgence à son chevet. "Etrangement, quand je me suis réveillée, je n'avais aucune conscience de la gravité de mon état. J'étais stupéfaite de voir tout le monde autour de moi, je trouvais cela un peu ridicule et n'avais pour obsession que la remise des évaluations de mes équipes. C'est quand j'ai voulu me jeter sur mon téléphone que j'ai réalisé que j'étais paralysée de tout le côté gauche" raconte Laura. Ensuite, elle ne peut que mesurer l'ampleur son handicap et doit rester hospitalisée pour récupérer petit à petit : "J'avais les muscles atrophiés, une immense fatigue, une impossibilité de me concentrer et aucune notion de mon équilibre. Quand le neurologue m'a annoncé : "Il faut vous ménager. Plus de train, plus d'avion, pas de voiture plus de deux heures et une prise de sang tous les jours." Même l'orgasme était risqué ! J'ai demandé combien de temps. Il m'a répondu "On ne sait pas". Pour moi, ce n'était pas une vie. Pour lui, j'étais une miraculée !"
Laura met un an avant de retrouver toutes ses facultés et sa mobilité, même si une fatigabilité persiste : "Ma convalescence aurait été plus facile si mon compagnon avait été un soutien, mais il passait son temps à souligner à quel point mon état était déprimant pour lui." L'homme qui partageait sa vie depuis quatre ans, qu'elle voulait épouser et avec qui elle voulait un enfant, se montre de plus en plus absent et distant : "Quelques mois plus tard, je suis allée m'installer chez mes parents, qui m'ont entourée d'amour. J'étais en deuil de ma vie, je pleurais beaucoup, je ne pouvais pas, en plus, affronter l'adversité sous mon toit."
La rupture suit, à peu près concomitante avec une bonne nouvelle lors du bilan, un an plus tard : Laura n'a pas de séquelles. "Le cerveau avait cicatrisé, restait à ce que le cœur et l'âme suivent, mais j'ai pris mon destin en mains." Laura a écrit un livre pour poser son expérience, monté sa structure de relations publiques et coaching de managers depuis peu.
"Le boulot m'a sauvée, faire la plaquette, plancher sur le logo, m'a prouvé que mon cerveau fonctionnait encore. J'ai toujours été convaincue qu'il y avait un après !" Laura reverse les bénéfices de son livre à l'association Résilience AVC. Preuve qu'elle est résiliente elle-même, elle a développé une image des médecins globalement positive, malgré l'erreur d'appréciation de SOS médecins qui aurait pu lui être fatale. "Être encore là m'a emplie d'une immense gratitude. Et donné une force peu commune pour aider les autres à relever leurs défis."
Merci à Laura Deweerdt, autrice du livre "Mon si joli malheur" (LRDH consulting)