"Je suis devenue dépendante au Tramadol, j'ai failli en mourir"
Victime d'une maladie très douloureuse, Diane a dû prendre du Tramadol sans être prévenue des risques de dépendance. Le médicament qui devait la soigner a bien failli l'emporter...
Cela fait 19 ans que Diane Wattrelos, maman de deux enfants, souffre d'une algie vasculaire de la face chronique. Cette maladie provoquée par une compression du nerf trijumeau au niveau du cerveau se manifeste par une douleur difficilement supportable. "Cette douleur est localisée au niveau de l'œil. J'ai l'impression qu'on me plante un tournevis avec une impression de broiement et de coups de marteau. La paupière gonfle et un œdème apparaît. Mon visage devient écarlate, mes yeux larmoient et mon nez coule. La douleur commence dans l'œil puis s'étend dans tout le visage", nous raconte la jeune femme de 33 ans.
Les premières années, Diane parvient à vivre avec la maladie, sauf en période de crises, mais plus les années passent, plus les douleurs s'accentuent. Il y a 9 ans, son médecin lui conseille de prendre du Tramadol, l'antalgique opioïde le plus prescrit en France. Diane lui fait confiance sans réaliser que ce médicament a des effets secondaires très lourds comme elle le raconte dans l'ouvrage "Addict sur ordonnance. Le combat d'une maman comme les autres" (Ed. Leduc). "Personne ne supporte vraiment bien ce médicament qui a des effets secondaires qui ne s'estompent pas avec le temps. On n'est pas bien quand on prend du Tramadol même s'il donne l'impression d'être dans le coton".
Ce médicament a, en effet, une longue liste d'effets secondaires comme des vomissements, des nausées, des sensations de vertiges, des maux de tête, une somnolence, etc. "Ils sont tellement importants que certains personnes arrêtent d'en prendre, fort heureusement. Mais cela n'a pas été mon cas. Mes médecins successifs me prescrivaient ce médicament, je leur faisais confiance. J'étais malade, je me soignais. Mais jour après jour, j'augmentais les doses, jusqu'à atteindre le dosage maximum quotidien". C'est un épisode de l'émission Zone interdite appelé "Médicaments, alcool : ces drogues qui détruisent les familles" diffusé le 21 novembre 2021 qui va lui permettre de réaliser qu'elle est dépendante. Diane est en effet très marquée par le témoignage d'Helga dont le fils Simon a fait une overdose fatale de codéine mélangée avec des anxiolytiques. "Je me suis reconnue dans cette histoire. J'ai vu toutes les années défiler où j'avais mélangé les médicaments et où mon mari avait peur de ne pas me retrouver vivante le matin. J'avais la sensation que tout s'emboîtait, comme si j'avais trouvé la pièce manquante d'une longue enquête policière et que je comprenais enfin qui était le coupable", note Diane qui a bien tenté d'arrêter ce médicament pendant ses grossesses mais qui n'y est pas parvenue.
La "délivrance" du diagnostic
Deux jours après la diffusion de cette émission, elle publie un message sur les réseaux sociaux et reçoit de nombreux témoignages. "J'associais l'image de la personne dépendante aux toxicomanes exclus et quasiment à la rue d'une certaine façon mais j'ai reçu de nombreux témoignages de personnes qui étaient des parents insérés dans la société." Diane réalise alors que les médecins lui ont prescrit ce médicament depuis des années sans la mettre en garde sur ses dangers dont l'addiction qu'il provoque. Car c'est bien d'une dépendance sont souffre Diane. Elle décide d'en parler à sa neurologue qui la met en relation avec la chef du centre de la douleur du CHU de Rouen. "C'est elle qui a posé la première le diagnostic d'addiction, en prononçant très clairement ce mot. Pour moi, cela a été un soulagement énorme. Le fait de pouvoir enfin formuler ce qui m'arrivait a été une véritable délivrance". L'équipe médicale lui propose une hospitalisation d'une semaine pour un sevrage. En avril 2022, elle entre à l'hôpital et garde le souvenir d'un séjour marqué par les alternances entre les crises de manque qui se répètent et les perfusions de médicaments qui le soulagent à peine.
Le "terrible" retour à la maison
Une semaine plus tard, le retour à la maison est terrible. Seule à ce moment, elle reçoit une lettre qui l'informe qu'elle va faire l'objet d'une enquête des services sociaux et replonge quasiment immédiatement. "J'étais sous le choc et je n'avais ni les perfusions qui ne me soulageaient un peu ni le soutien du personnel hospitalier ", explique Diane.
"Après mon hospitalisation, j'ai pu diminuer de moitié ma prise de Tramadol mais après, je l'ai réaugmentée par deux. Je n'étais plus vraiment prise en charge par le CHU où j'avais été hospitalisée. Je suis allée donc aller voir mon médecin généraliste puis d'autres pour obtenir ma dose", regrette Diane qui aurait aimé se voir prescrire de la Naloxone®, un médicament qui peut neutraliser temporairement les effets d'une surdose d'opioïdes et qui est couramment utilisé dans le Nord de l'Amérique. "Je trouve que nous sommes en France très en retard dans le domaine de l'addictologie. C'est vraiment triste. J'ai posé la question aux médecins concernant la Naloxone et ils m'ont répondu qu'ils avaient peur qu'on l'utilise mal". Aujourd'hui, Diane va beaucoup mieux depuis qu'elle a commencé un traitement de substitution spécifique et antalgique, adapté à ses douleurs chroniques.
"J'ai arrêté le Tramadol et la morphine dont j'étais également dépendante. Ce n'est pas toujours facile mais je n'ai déjà plus de risques d'overdose et je le vis comme un véritable renouveau" explique Diane qui a aussi écrit son livre pour inciter les personnes dépendantes au Tramadol à s'exprimer. "Il ne faut plus que ce sujet soit tabou : les personnes dépendantes doivent pouvoir en parler sans honte afin de se faire aider. Il faudrait aussi que les médecins généralistes ne prescrivent plus de Tramadol sans alerter sur le risque de dépendance. L'addiction aux opioïdes peut concerner tout le monde, vraiment tout le monde", martèle Diane qui fait preuve d'une belle résilience à la fin de son ouvrage et qui écrit : "Je n'en ai pas fini avec mon addiction, mais une chose est sûre : j'avance. Et surtout je veux y croire ".