Cette cause de mortalité est quatre fois plus fréquente chez les hypocondriaques
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les personnes se souciant le plus de leur santé seraient des patients plus à risque que les autres.
Se préoccuper de sa santé a ses limites ! Le 13 décembre 2023, la revue médicale JAMA Psychiatry publie une étude dirigée par le professeur David Mataix-Cols de l'Institut Karolinska en Suède. Celle-ci a pour visée d'étudier le cas de 4 129 personnes de plus de 24 ans entre 1997 et 2020 catégorisées comme souffrant d'hypocondrie. Pour rappel, cette pathologie désigne un trouble d'anxiété lié à la peur d'attraper une maladie grave. Ces personnes sont incapables de se débarrasser de cette angoisse malgré des tests médicaux. Elles ont parfois tendance à changer de médecin ou même à fuir les consultations. Ainsi, 4 129 patients hypocondriaques ont été comparés à 41 290 personnes lambdas, de même âge, sexe et nationalité.
Pour réaliser cette étude, ils ont utilisé une mesure appelée "années-personnes" qui prend en compte le nombre de personnes et la durée pendant laquelle elles ont été suivies. Le taux de mortalité a été analysé dans ces deux cas et le verdict est sans appel. Au cours de l'étude, 268 personnes souffrant d'hypocondrie et 1 761 personnes sans hypocondrie sont décédées, Les résultats démontrent un taux accru de mortalité toutes causes confondues chez les individus atteints d'hypocondrie par rapport aux autres. Le taux de décès était ainsi de 8,5 chez les hypocondriaques contre 5,5 chez les autres, pour 1 000 années-personnes. Les personnes hypocondriaques sont décédées plus jeunes que les autres, soit à l'âge moyen de 70 ans contre 75 ans. Elles avaient plus de chances de mourir de causes naturelles (maladies circulatoires et respiratoires par exemple). comme de causes non naturelles. Parmi ces dernières, la plupart des décès ont été attribués au suicide, avec un risque quatre fois plus élevé. Cette cause de mortalité chez les patients atteints d'hypocondrie peut être évitée, c'est pourquoi il est nécessaire de mettre en place un traitement.
"L'hypocondrie est souvent considérée comme secondaire"
"L'amélioration de la détection et de l'accès à des soins fondés sur des données probantes devrait être une priorité" ont estimé les auteurs dans leurs conclusions. Avant de souligner que l'hypocondrie est notamment "sous-diagnostiquée en Suède" avec seulement 4 000 cas enregistrés dans les services spécialisés en 20 ans. "Ce faible nombre s'explique notamment par le fait que les symptômes de l'hypocondrie sont souvent considérés à tort comme secondaires par rapport à d'autres troubles psychiatriques (par exemple, la dépression ou l'anxiété), par le fait que les individus ne sont pas pris au sérieux par les professionnels de la santé et par le fait que le diagnostic est stigmatisé." Comme la plupart des troubles anxieux, l'hypocondrie peut être prise en charge par une psychothérapie. Le docteur Christophe Bagot recommande notamment d'entamer une thérapie cognitive et comportementale visant à déceler les sources de l'hypocondrie et travailler dessus grâce à des exercices quotidiens. Autre thérapie conseillée : l'EMDR, soit une psychothérapie par mouvements oculaires qui cible les mémoires traumatiques des individus. Les antidépresseurs et tranquillisants sont à éviter chez les personnes hypocondriaques, car ils pourraient accroître leurs angoisses.